15, de jour comme de nuit : immersion dans un centre d’appel du SAMU

Quel que soit le lieu où l’on réside, grande ville ou hameau, départements surpeuplés ou déserts médicaux, chacun peut appeler le 15, de jour comme de nuit. Une voix répond, conseille, rassure, des secours sont envoyés… Entrez au Centre d’appel de Chaumont, en Haute-Marne, dans ce petit monde de l’urgence auquel tout le monde a recours et que personne ne connaît vraiment.

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Le SAMU (Service d’Aide Médicale Urgente) est un service chargé de répondre aux demandes venant de l’extérieur de l'hôpital.
En France, ces SAMU ont été installés depuis 1979 au cœur de chaque département. Ils se composent d’un central d’appels téléphoniques (le 15) auquel sont reliés plusieurs SMUR (Service Médical d'Urgence) répartis en différents points du territoire départemental.
L’ARM (Assistant-e de Régulation Médicale) qui décroche et enregistre la demande peut transmettre l’appel au médecin régulateur présent dans la même pièce. Celui-ci donne un simple conseil ou une aide médicale par téléphone ou demande à l’assistant d’engager des secours : une ambulance simple ou un véhicule de sauvetage avec une équipe du SAMU. Il peut aussi recourir à d'autres moyens : les sapeurs-pompiers, les compagnies d'ambulance privées, la police. Bien souvent, lorsque la décision va de soi, l’ARM prend seul la décision qui s’impose.

Le 15, un service médical public gratuit et permanent

Le centre d’appel du 15 est désormais confronté aux défis conjugués d’une demande en plein essor, d’un hôpital en surchauffe et de la raréfaction de la couverture médicale.
 
L’extrême solitude dans laquelle se trouvent bon nombre de personnes, la disparition du médecin de famille, l’effacement des solidarités familiales, locales et professionnelles ont placé la médecine hospitalière comme dernier recours à toutes sortes de détresses, qu’elles soient médicales, psychologiques ou sociales.

Pour consulter en dehors des heures et jours ouvrables, ou en l’absence d’un médecin disponible, les usagers font appel au 15 pour trouver secours et réconfort.
Le numéro 15 reçoit ainsi toutes sortes d’appels, de jour comme de nuit, quelles que soient la réalité de l’urgence et la gravité du mal. On estime que, dans plus de 30 % des cas, la réponse apportée consiste seulement en une information ou un conseil médical.

Un médecin régulateur à l'écoute

C’est à la suite de sa rencontre avec le docteur Christophe Avena que la réalisatrice Caroline Philibert décide de passer quelques jours et quelques nuits au centre d’appel de Dijon, puis de Chaumont où celui-ci exerce désormais. Christophe Avena est un médecin régulateur très investi dans le centre 15 où il pratique la médecine, bien qu’il ne rencontre jamais "ses" patients. Le docteur Avena adore son métier qu’il qualifie de "vrai métier de médecin" même s’il admet le côté paradoxal de cette dénomination alors qu’il ne voit jamais ses patients.

Après une réorganisation des centres d’appels en pôles interrégionaux afin « d’optimiser » les services, les départements de la Côte-d’Or et de la Nièvre ont été regroupés sur un unique centre, celui de Dijon. C’est cette réorganisation qui a poussé Christophe Avena à quitter Dijon et prendre un poste à Chaumont : "A Dijon, ça devenait plus difficile parce que j’avais le sentiment de ne plus maîtriser mon environnement complet, de ne plus être en interaction avec mon équipe. Parce qu’une équipe, elle transmet aussi de l’information, elle est aussi à l’écoute du patient et comme on avait été obligé, à cause des volumes d’appels, de formater de façon plus importante, je m’y trouvais moins bien." 

À Chaumont, il exerce son métier dans une vraie relation thérapeutique avec les appelants, dans un service d’appel "à visage humain". 

C’est également au niveau des appels que Christophe note une grande différence entre le centre de Dijon et celui de Chaumont. Dans les grandes métropoles, les appels sont plus nombreux, les demandes plus pressantes… alors que dans le monde rural, les gens sont plus habitués à attendre.

Quand quelqu’un habitué à se débrouiller seul appelle à 3h du matin pour dire qu’il a « un peu mal », il faut faire attention car derrière le « un peu » ça peut être beaucoup !

Christophe Avena, médecin régulateur

C’est le cas d’un appel reçu au milieu de la nuit pour une personne âgée souffrant d’essoufflements et de problème au cœur. À cette heure tardive, le médecin régulateur fait déplacer une ambulance au domicile de la patiente, aucun médecin n’étant disponible pour des visites la nuit. D’une voix réconfortante, il parle ensuite au mari de la patiente et lui donne quelques conseils avant que l’ambulance n’arrive.  

La régulation permet de ne pas faire partir une ambulance pour des soins qui peuvent se faire en cabinet ou en se déplaçant par soi-même aux urgences. 

"La régulation, c'est la première prescription, le premier contact. Quand quelqu’un appelle un service d’urgences, c’est très important pour lui, il veut être entendu, être écouté. Même si nous, on gère de très nombreux appels, il faut qu’on apporte toute notre attention à cet appel" confie Christophe Avena.

Malgré les nombreux appels, le médecin reste attentif à chaque demande et prend le temps d’écouter les personnes qui le sollicitent.


Savoir écouter, diagnostiquer et orienter vers les bons services est la mission principale du médecin régulateur.

Comme ce jour où une jeune mineure appelle, car elle pense avoir été victime d’abus sexuel dans la soirée sans en avoir le moindre souvenir, probablement droguée à son insu. Celle-ci n’ayant pas encore parlé à ses parents, Christophe Avena l’oriente avec bienveillance vers les urgences pour un examen gynécologique en lui demandant d’être accompagnée par une "personne de confiance". Il se charge ensuite de prévenir le service concerné en leur donnant un maximum d’informations afin que la jeune fille soit attendue dans ce moment difficile. 

Immersion dans le service du 15 de Chaumont

Installée dans un bâtiment du Service Départemental d’Incendie et de Secours (le 18), à proximité de l’hôpital, la salle de régulation du 15 partage un bel espace rond avec la salle de régulation des pompiers.

Une proximité indispensable, souligne Christophe Avera qui rappelle que dans ces départements ruraux, les gens en difficultés composent plus facilement le numéro des pompiers.

Dans le monde rural, le 18 c’est important. Les pompiers, ça compte !

Christophe Avena

Dans ces secteurs isolés, ce rapprochement permet des échanges rapides et efficaces et une solidarité plus importante.


Les équipes ont une connaissance fine du maillage du territoire, particulièrement rural, qu’ils ont à couvrir : du Châtillonnais, au nord de la Côte-d'Or jusqu’à une partie des Vosges, en passant par l’Est de la Haute-Saône et bien sûr la Haute-Marne.
Dans l’hémicycle réservé au 15, trois personnes sont installées chacune à leur poste de travail. Les postes sont disposés en rond, de sorte que les gens puissent se parler et se voir.
Sauf en période de crise, un seul médecin est là, par période de 24 heures avec deux assistants de régulation médicale. Ces urgentistes n’ont qu’une partie de leur service à la régulation, effectuant le reste au SMUR ou aux urgences de l’hôpital. Une dizaine d’Assistants de Régulation Médicale (ARM) se succèdent par roulements.

L’humain au cœur de ce service public dans un territoire où la présence médicale est limitée

Ce sont les ARM qui reçoivent et prennent parfois de plein fouet la panique, l’agressivité, voire l’hystérie de gens stressés et impatients. Il y a les habitués, les alcooliques, les drogués, les dépressifs, les malades psychiatriques. Il y a ceux qui appellent au secours tout en refusant les décisions médicales. D’autres exigent le déplacement d’un médecin ou une ambulance, alors qu’ils peuvent parfaitement se déplacer eux-mêmes. C’est le cas de cet appel reçu pour un ongle arraché. La personne demandait une ambulance pour transporter le blessé, car la vue du sang la révulsait. Calmement, l’ARM lui propose alors d’accompagner le blessé aux urgences à l’arrière de sa voiture afin de ne pas être incommodée par la vue de la plaie !

Laura Grandvuillemin fait partie des ARM du centre de Chaumont.

Un métier d’urgence qui plait à la jeune femme qui, auparavant, travaillait dans le secteur de la prévention.

Ça me plait de travailler dans l’urgence, je pense que je suis plus efficace. C’est la même chose que d’être sur le terrain sauf que l’on est caché. C’est des journées éprouvantes, on est épuisé psychologiquement parce qu’on se prend une rafale de sentiments, d’émotions qu’on ne doit pas laisser transparaître.

Laura Grandvuillemin, ARM

L’important pour Laura, c'est de terminer sa garde avec un sentiment d’accomplissement et d’être fière d’avoir sauvé des vies avec toute l’équipe.
   
Suite à ces jours et ces nuits passés dans le centre d’appel du 15, la réalisatrice Caroline Philibert garde un sentiment très émouvant du tournage : "Il y a une ambiance particulièrement chaleureuse dans ce centre, du fait également de la présence des pompiers… On sent qu’il y a un vrai travail d’équipe." 
Elle garde également une profonde admiration pour la compétence et l’implication de ces professionnels qui, 24 heures sur 24, restent à l’écoute de la détresse des appelants. Les réponses qui leur sont apportées sont un signe que la compassion est une vertu encore vivante dans notre société.

15, de jour comme de nuit, un film de Caroline Philibert
Une coproduction France Télévisions / Faites un vœu / Seppia

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