Le 14 juin 2017, les gendarmes de Dijon ont interpellé trois personnes dans le cadre de l'assassinat de Grégory Villemin, perpétué en 1984. Un dossier sur lequel ils ont enquêté de 1987 à 1993, puis depuis la réouverture de l'instruction en 2008. Retour sur trente ans de casse-tête.
16 octobre 1984, vers 21h15 : dans la commune vosgienne de Lépanges-sur-Vologne, les pompiers viennent de repêcher dans la rivière le corps de Grégory Villemin, âgé de quatre ans. Le meurtre est revendiqué par un corbeau qui harcèle les Villemin depuis plusieurs années.
La violence des faits et l'opacité de l'affaire émeut la France entière, si bien que le visage de l'enfant, éternellement resté "le petit Grégory", demeure tristement célèbre trente ans durant. Mais ce 14 juin 2017, l'enquête prend un virage inattendu : des proches de la famille Villemin sont entendus par les gendarmes de Dijon, en charge de l'enquête depuis 1987. Car si l'affaire s'est déroulée dans les Vosges, c'est bien à Dijon qu'elle est devenue l'un des mystères judiciaires français les plus célèbres.
Explications de Sylvain Bouillot et Cécile Frèrebeau
Intervenants :
-Général Olivier Kim, commandant de la région Bourgogne-Franche-Comté de gendarmerie
-Major Christophe Krucker, adjoint du chef du département AnaCrim
-Jean-Marie Beney, procureur général de la cour d'appel de Dijon 24 avril 2013
Un dossier complexe
La cour d'appel de Dijon avait repris l'affaire en mars 1987, désignée par la Cour de cassation pour réinstruire cette affaire de meurtre. La cour ordonne un supplément d'information et une nouvelle reconstitution pour connaître le lieu d'immersion du corps de l'enfant. En 1993, le tribunal dijonnais rend son jugement : Christine Villemin écope d'un non-lieu, Jean-Marie Villemin de cinq ans de prison pour le meurtre de Bernard Laroche, qu'il tenait pour l'assassin de son fils.
Après quinze années d'un quasi mutisme juridique, l'affaire est rouverte en 2008, à la demande du procureur général de la cour d'appel de Dijon. Cette nouvelle étape se centre sur une nouvelle analyse ADN : celle d'un timbre et d'une enveloppe envoyé par le corbeau aux Villemin, mais aussi sur les vêtements portés par le petit Grégory le jour de sa mort, ainsi que les liens qui l'entravaient.
La tâche est titanesque : le dossier contient 12 000 pièces environ, celles-ci sont finement scrutées par les enquêteurs. Ces derniers identifient près de 150 protagonistes, dissèquent les 2 000 courriers reçus par ceux-ci en provenance du corbeau, mènent des interrogatoires. Mais aucun élément ne vient faire avancer le dossier. Au terme de multiples analyses ADN, aucun des protagonistes n'est confondu par l'expertise en 2014.
Des techniques de plus en plus modernes
L'enquête reste ouverte, et la technologie évolue. Un travail d'analyse criminelle "très approfondi" a été réalisé par le Service central de renseignement criminel de la gendarmerie, indiquent dans un communiqué commun la cour d'appel et la section de recherche de la gendarmerie de Bourgogne-Franche-Comté. Ce travail, concentré sur une analyse de l'écriture des lettres anonymes, leur aurait permis de collecter de nouveaux éléments.
"Les interpellations récentes, qui visent des personnes très proches du coeur de l'affaire, ont pour but d'éclaircir certains points," poursuivent les deux institutions. Les gendarmes de la section de recherches de Dijon se sont rendus le 14 juin dans le secteur de Bruyères, dans les Vosges, où ils ont interpellé trois personnes.
Les gardés à vue ont été transférés en fin de matinée à Dijon et sont entendus pour "non-assistance à personne en danger" et "abstention volontaire d’empêcher un crime".