Après la diffusion dimanche d'un documentaire sur M6 sur l'aide sociale à l'enfance dénonçant notamment des dérives à Dijon dans un établissement d'accueil de mineurs placés, le président du conseil départemental a annoncé le dépôt d'une plainte.
François Sauvadet, le président UDI du conseil départemental de la Côte-d'Or, a annoncé ce lundi 20 janvier avoir saisi la justice après la diffusion dimanche d'un documentaire sur M6 qui dénonçait les défaillances de l'aide sociale à l'enfance, dont une partie a été tournée à Dijon.
Le documentaire de "Zone Interdite" montre des éducateurs non formés, des jeunes livrés à eux-mêmes, des pré-adolescentes qui se prostituent ou fuguent sans que personne ne les recherche. Des images filmées en caméra cachée au sein de la Maison d'enfants à caractère social (MECS) de Dijon, gérée par l'association "Les PEP CBFC".
"J'ai décidé le jour même de l'interview, le 1er octobre [2019], de mandater une mission d'inspection du Département. Elle est intervenue le lendemain, le 2 octobre, à la Maison d'enfants à caractère social de Dijon", explique François Sauvadet dans un communiqué (lire en intégralité). Cette inspection a notamment pointé "des problèmes d'hygiène et d'entretien dans les espaces communs et les chambres, une problématique d'insuffisante sécurisation du bâtiment ainsi qu'un protocole de signalement des fugues connu mais pas respecté."
Il ajoute : "Compte tenu des images et des propos diffusés dans le reportage […] j'ai déposé plainte auprès du procureur de la République de Dijon pour faits de prostitution et présence de stupéfiants". Le président du conseil départemental, dont les services sont chargés de l'accueil des mineurs, précise avoir saisi le parquet une première fois le 10 janvier, après avoir "eu connaissance partielle du contenu du reportage", afin qu'il enquête "sur la réalité des faits qui pourraient constituer une infraction pénale".
L'association mise en cause "assume pleinement ses responsabilités"
Le parquet de Dijon était en mesure de confirmer, ce lundi, le premier signalement du département. "On est en train de faire des vérifications pour récupérer les éléments utiles à une éventuelle enquête", a déclaré à l'AFP le procureur Éric Mathais.François Sauvadet ajoute dans son communiqué avoir été interviewé le 1er octobre par le réalisateur du documentaire, précisant avoir "immédiatement répondu favorablement à sa demande" tout en s'interrogeant "sur la méthode employée".
Il est évident que les règles de signalement des incidents graves, exigées par le Département, n'ont pas été respectées par l'établissement.
– François Sauvadet, président UDI du conseil départemental de la Côte-d'Or
Depuis son interview, plusieurs missions d'inspection ont permis de constater "certaines améliorations" et "seront poursuivies de façon aléatoire et inopinée dans tous les établissements de la Côte-d'Or", indique François Sauvadet.
L'association "Les PEP CBFC" qui gère la MECS de Dijon a répondu à nos sollicitations par un communiqué (lire en intégralité) ce lundi 20 janvier. Elle dit "assumer pleinement ses responsabilités" et que le ménage avait été fait au sein de l'encadrement.
"La direction de l’établissement a été écartée dès janvier 2019. Depuis le début de l’année dernière, douze salariés ont quitté la Maison d'enfants à caractère social (arrêts de contrat, licenciements, mutations…). Nous avons procédé au recrutement d’un nouveau chef de service, ainsi qu’à la nomination d’un nouveau directeur pour assurer la réorganisation complète de l’établissement. Dans cette même période, quinze nouveaux professionnels ont été recrutés pour assurer la mission qui nous est confiée dans les meilleures conditions. Actuellement aucun des salariés mis réellement en cause par le reportage, n’exerce dans l’établissement", détaille l'association.
Au conseil départemental, l'opposition de gauche demande, dans un communiqué (lire en intégralité), la tenue "de toute urgence" d'une session extraordinaire en vue de créer "une mission d'information et d'évaluation afin de faire toute la lumière sur l'état de la protection de l'enfance […] en Côte-d'Or".
#cd21 #cotedor #département21 Retrouvez en ligne le communiqué de presse de Mme C. Popard, présidente des Forces de progrès, après la diffusion hier soir par M6 d'un reportage impliquant un établissement accueillant des enfants placés en Côte-d'Or. https://t.co/J3ihEWVWhm
— Forces de Progrès 21 (@FDPcg21) January 20, 2020
Ne pas jeter l'opprobre sur tous les établissements
"Il ne faudrait donc pas qu'une situation, aussi grave soit-elle, jette l'opprobre sur tous les établissements et services qui accueillent, dans leur très grande majorité, dignement les enfants qui nous sont confiés", plaide le président du conseil départemental de Côte-d'Or.Un point de vue partagé par la directrice de la Maison départementale de l'enfance Simone-Veil d'Ahuy, près de Dijon. Cette structure accueille également des enfants placés et est gérée directement par le Département, qui a accepté la présence de nos journalistes sur place ce lundi 20 janvier.
"Le problème de ce reportage, c'est que la ville de Dijon, le département de la Côte-d'Or associés à 'protection de l'enfance', ça veut dire comme j'ai pu le lire dans un article 'une prise en charge misérable', 'des conditions invivables pour les enfants'. Ce n'est pas forcément le cas, affirme la directrice Ellen Lemesle. De ce que je peux témoigner de ce qu'il se passe à la Maison départementale de l'enfance, même si on est en proie à des difficultés qui peuvent être parfois très importantes, on ne peut pas dire que les enfants ont une prise en charge misérable."
Il faut apporter de la nuance, même s'il ne faut pas nier les difficultés qui existent. Il faut aussi être complet dans la présentation du dispositif.
– Ellen Lemesle, directrice de la Maison départementale de l'enfance d'Ahuy
"Ça donne une image malheureusement négative, regrette Vincent Étiève, éducateur spécialisé à Ahuy. Dans l'opinion publique, les gens peuvent avoir tendance à généraliser ce qu'ils ont vu dans un établissement à tous les établissements. Étant donné qu'on est dans l'ombre, on a du mal à prouver l'inverse."
"On s'attend à ce que ça inquiète les parents, ajoute Reine Lebleu, cheffe de service à la Maison départementale de l'enfance d'Ahuy. On va passer un petit moment à les rassurer et à essayer de continuer ensemble dans un climat le plus serein possible. C'est humain et c'est normal. On va en passer par là, on le sait."
Reportage à la Maison Départementale de l'Enfance Simone Veil à Ahuy
Avec Ellen Lemesle (directrice de la MDE) et Vincent Étiève (éducateur spécialisé à la MDE)