Pendant plus de cinq heures mardi 28 novembre, secours, forces de l'ordre et autorités locales ont participé à un exercice attentat à Dijon, pour tester leur réactivité en cas d'acte terroriste. Décryptage de ces opérations grandeur nature.
Explosion, cris, gyrophares et sirènes de police. La circulation des transports en commun est mise à l'arrêt et un message d'alerte circule sur le téléphone des habitants de Dijon. Il est 13 heures au stade Gaston-Gérard, à l'est de Dijon (Côte-d'Or) et un homme vient de déclencher sa ceinture d'explosifs.
La police et les secours arrivent sur les lieux pour constater une prise d'otages et des victimes déjà nombreuses... C'est du moins ce que prévoit le scénario écrit pour la journée d'exercice attentat organisée par la préfecture mardi 28 novembre 2023. À Dijon, le dernier exercice de ce type remontait à 2017 et s'était déroulé au Zénith.
Un script prédéfini
Toute la matinée, 73 étudiants infirmiers ont été maquillés pour jouer les figurants lors de l'exercice. Les plaies, très réalistes, ont été réalisées par les soignants avec des produits pour effets spéciaux.
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Ces figurants vont devoir jouer les victimes pour donner encore plus de réalisme au scénario préétabli. Selon le script, secours et forces de l'ordre interviennent sur une scène d'attentat où un homme a activé ses explosifs. Trois terroristes ont ensuite pénétré dans le stade : l'un d'entre eux est resté à l'extérieur en embuscade pendant que les deux autres sont rentrés dans les loges, où ils ont exécuté deux hommes.
Arrivée des premières équipes de police
Rapidement, la police arrive sur les lieux de l'explosion. Les patrouilles de police secours, premières dépêchées sur place, ne peuvent pas intervenir directement sur la scène de crime. En attendant les agents de niveau 2, qui eux peuvent aller au contact, "les primo-intervenants vont être confrontés à la sortie des premiers blessés qui vont se sauver", décrit le brigadier-chef Sébastien Louis de la DDSP 21. "Ils vont devoir assurer la sécurité de ceux qui vont intervenir derrière et prendre en charge les victimes."
Les primo-intervenants vont devoir assurer la sécurité de ceux qui vont intervenir derrière et prendre en charge les victimes.
Brigadier-chef Sébastien Louis, DDSP 21
Lorsque les équipes de la BAC arrivent, suivies du RAID et du GIGN (agents de niveau 3), les opérations à l'intérieur du stade peuvent enfin commencer L'objectif est alors de sécuriser le site pour que les secours puissent intervenir : "tant que la zone est rouge, que les terroristes n'ont pas été neutralisés, on doit ficher tout le monde. Y compris certains blessés qui ne sont pas pris en charge en attendant d'être sûrs."
Pour la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP), l'intérêt de cet exercice est d'analyser leur progression dans la zone, grâce à des caméras présentes sur les agents. "On n'est pas habitués à l'arrivée massive de personnes. On gère quelques victimes sur un accident d'habitude mais là c'est un afflux important et en plusieurs vagues. Il va falloir analyser tout ça pour pouvoir être meilleurs si ça nous arrive réellement."
Les secours peuvent intervenir
Trois quarts d'heures après l'explosion, le GIGN arrive. Côté médical, la police, les 80 sapeurs-pompiers présents et le SAMU se coordonnent pour dénombrer les blessés et informer le préfet, qui fait office de directeur des opérations sur cet exercice. Une fois le premier bilan établi, les victimes sont triées selon leur degré de blessure : "les absolues, les relatives, les impliqués et les décédées", explique le capitaine des sapeurs-pompiers de Côte-d'Or, Christian Preioni.
Parallèlement aux opérations, un poste médical avancé (PMA) est monté à quelques mètres du site, sur le parking de la patinoire. Les victimes les plus graves y sont amenées par les pompiers du "groupe d'extraction", protégés des tirs par des casques et des gilets pare-balles, pour être prises en charge et stabilisées.
Chacun sait faire son exercice de son côté mais c'est l'interconnexion entre les différents services qui est importante.
Christian Preioni, capitaine des sapeurs-pompiers de Côte-d'Or
"Cet exercice vise à améliorer la communication", note Christian Preioni. "Chacun sait faire son exercice de son côté mais c'est l'interconnexion entre les différents services qui est importante. L'intérêt c'est de savoir organiser la désorganisation."
Puis vient le temps de l'enquête
À 15h20, la prise d'otages est terminée. Les secours continuent d'évacuer et de prendre en charge les victimes, pendant que la police judiciaire (PJ) entame son travail d'enquête. Pendant plusieurs heures, les enquêteurs vont ratisser la zone afin de procéder à l'identification des victimes et des assaillants.
"Pour comprendre ce qu'il s'est passé on va regarder le plus d'éléments possibles", commente le commandant divisionnaire Raphaël de la PJ de Dijon. "On va prendre les empreintes du terroriste, faire un relevé ADN, puis vérifier toute la partie technologique : on relève les téléphones, on fait un maximum de photos, on peut même employer une reconnaissance faciale sur des clichés..." Un travail d'enquête qui ouvre le volet judiciaire, placé sous l'autorité du Parquet national antiterroriste (PNAT).
Lors d'un dernier ratissage, la PJ va également collecter les effets personnels que les victimes ont laissés sur place. Une étape importante pour leur reconstruction psychologique.
Fin des opérations
Finalité de l'exercice : les quatre terroristes ont été tués, ainsi que deux otages. Les six autres personnes prises en otage ont pu être libérées, mais un gendarme a été blessé. Les 13 autres victimes grièvement blessées ont pu être stabilisées et envoyées dans les hôpitaux les plus proches.
Toutefois le bilan des opérations n'a pas encore été communiqué par la préfecture, qui devrait tirer ses conclusions d'ici un mois, pour mettre en évidence les points à améliorer.