Au procès de l'affaire Capricorne, des millions d'euros réclamés aux prévenus

A Dijon, la procureure a formulé ses réquisitions ce mercredi 7 juin au procès de l'affaire Capricorne. Un dossier hors-normes avec plus de 200 victimes d'escroquerie par plusieurs sociétés soupçonnées d'avoir agi en bande organisée.

"Les prévenus nous disent : je ne me suis pas rendu compte qu'ils [les clients] étaient faibles. J'ai fait confiance sur le discours commercial. On a l'impression qu'ils n'ont jamais ouvert un code de consommation", tacle la procureure Claire Durand. Au 7e jour d'audience du procès Capricorne, les débats touchent à leur fin. Ce mercredi 7 juin au matin, le parquet a formulé ses réquisitions.

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Plus de 4 500 000 euros demandés

"Je vous demande de reconnaître les neuf prévenus coupables du chef d'escroquerie et de la circonstance de bande organisée", adresse la procureure à la cour. Elle liste les salaires et les dividendes perçus par les prévenus au cours de l'affaire. Avec de fortes disparités entre les mis en cause : le "moins doté" a perçu 224 000 euros de salaire et 26 000 euros de dividendes, le plus fortuné a perçu 1 128 000 euros et 1 864 000 euros de dividendes, un autre a perçu plus de 3 500 000 euros de dividendes.

Au cours de l'enquête, les biens de plusieurs prévenus ont été saisis et estimés : à environ 100 000 euros pour l'un, jusqu'à 1 737 000 euros pour un autre (dont "une maison", rappelle la procureure). Claire Durand demande la confiscation des scellés, c'est-à-dire que ces biens soient transférés à l'Etat pour être vendus. Parmi ces scellés, il y a notamment un avion qui a déjà été vendu aux enchères pour environ 150 000 euros.

Outre la vente des scellés, la procureure demande des amendes à hauteur des dividendes perçus. Pour deux des prévenus, ce montant s'élève à un million d'euros - le maximum légal que peut demander la justice. "J'ai conscience qu'on ne demande jamais ces sommes dans un tribunal, mais elles sont tout simplement proportionnées à l'enrichissement reçu", assène Claire Durand.

Concernant les peines de prison, la procureure demande des peines de sursis pour la plupart des mis en cause, mais demande pour certains des peines "mixtes" : une partie de prison ferme, l'autre partie avec sursis. "Une peine mixte, compte tenu de l'engagement particulièrement important et durable du prévenu, avec une connaissance parfaite du mode opératoire", note la procureure. 

Au total, les sommes réclamées représentent plus de 4 700 000 euros. Le parquet demande aussi à ce que tous les prévenus écopent d'une interdiction définitive de gérer une entreprise. 

"Ce dossier, c'est le faible contre le fort", conclut la procureure Claire Durand. "Je vous demande de rendre leur dignité aux faibles", dit-elle en s'adressant à la cour.

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"Bah, elle a signé, la petite dame"

Avant de formuler ces réquisitions, la procureure a détaillé son argumentaire après avoir entendu, pendant trois jours consécutifs, les neuf hommes à qui l'on reproche cette vaste escroquerie en bande organisée. "Oui, il y a un mode de recrutement des commerciaux qui ressemble à un lavage de cerveau", reconnaît la procureure, qui estime toutefois que cela n'excuse pas les agissements des prévenus. "Certains se rendent compte en arrivant chez les clients qu'on les a présentés comme des responsables de la mairie, ça ne leur pose pas de problème."

La procureure cite un rapport d'audition avec un policier : "Il aurait pu être plus modéré dans ses questions, mais on sent qu'il est véritablement outré par cette affaire. Et dans cet interrogatoire, on se rend compte qu'en fait, la seule limite qu'avaient les prévenus, la seule chose qui les auraient éventuellement émus, c'est s'ils avaient violenté ou mis le couteau sous la gorge de leurs clients. Là, ils répondent : "Bah, elle a signé la petite dame."

"Ici, le chiffre d'affaires passe avant l'intérêt de ce que l'on vend."

Claire Durand

procureure

La procureure pointe aussi le manque de rigueur du discours commercial, explique que les prévenus se mélangent les pinceaux entre le capricorne du chêne et le capricorne des maisons (le premier est protégé, le second est invasif). "On voit le niveau de vérification", ironise-t-elle.

Après une suspension d'une demi-heure, les plaidoiries des avocats ont débuté à midi. La décision de la cour, elle, sera rendue en délibéré au mois de septembre.

L'AFFAIRE CAPRICORNE. Mardi 30 mai s'est ouvert le tentaculaire procès Capricorne à la cour d'appel de Dijon. Neuf hommes sont soupçonnés d'une vaste escroquerie en bande organisée entre 2010 et 2016 : ils sont suspectés d'avoir, via leurs sociétés, incité des personnes (souvent âgées) à effectuer de coûteux travaux de charpente sous prétexte que celle-ci était infestée de capricornes, des insectes nuisibles mangeurs de bois. 

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