Les beaux-parents de Cyril ont été victimes de l'escroquerie de masse dite "affaire Capricorne". Une histoire qui a fait voler en éclats l'équilibre de la famille : le beau-père est décédé, et ses proches estiment que sa mort est directement liée à cette affaire judiciaire.
AFFAIRE CAPRICORNE. Ce mardi 30 mai s'est ouvert le tentaculaire procès Capricorne à la cour d'appel de Dijon. Neuf hommes sont soupçonnés d'une vaste escroquerie en bande organisée entre 2010 et 2016 : ils sont suspectés d'avoir, via leurs sociétés, incité des personnes (souvent âgées) à effectuer de coûteux travaux de charpente sous prétexte que celle-ci était infestée de capricornes, des insectes nuisibles mangeurs de bois.
Quand l'arnaque a été découverte en 2016, 247 personnes se sont constituées parties civiles. Certaines ont tout perdu. C'est le cas des beaux-parents de Cyril Paque, habitants de la région de Châlons-en-Champagne. Cet homme, venu représenter sa famille et impatient de témoigner, a accepté de nous parler avant de prendre la parole au procès la semaine prochaine.
La découverte de l'arnaque : la maison hypothéquée
Cyril Paque : Nous avons découvert l'escroquerie en janvier 2016. Quand on est allés présenter nos voeux aux parents de ma compagne, on a découvert que le crédit de leur maison était encore à rembourser. On a trouvé ça bizarre, et en creusant un peu, on s'est aperçus qu'ils avaient un crédit de 415 euros mensuels en cours, et que pour bénéficier du prêt, ils avaient hypothéqué la maison. Ce prêt, ils l'ont contracté pour effectuer les travaux après avoir été approchés par les sociétés des prévenus.
Ces gens [les prévenus, ndlr] ont accompagné mes beaux-parents de la gare, jusqu'à chez le notaire, pour les faire signer. C'était bien rodé.
Cyrilbeau-fils de victimes de l'affaire Capricorne
Ils avaient fait un devis à 17 000 euros et ils ont fait emprunter à mes beaux-parents 20 000 euros, en contractant des crédits multiples. Avec les intérêts, ça fait 32 000 euros de dettes, alors que l'opération de travaux aurait dû couter dans les 3 500 euros seulement, d'après un expert que nous avons mandaté plus tard dans le cadre de la procédure.
En plus, ils [toujours les prévenus, ndlr] ont fait des dégradations partout dans la maison : sur le conduit d'évacuation, la VMC qui a été complètement rafistolée avec du scotch et des tuyaux... Des fenêtres ont été abîmées aussi, et la porte. On a dû tout changer, et sans attendre puisque quand vous avez un trou dans une porte, qu'est-ce que vous faites ? Eh bien vous faites le nécessaire. Et rien que de refaire les fenêtres et les portes, ça nous a coûté 21 000 euros !
Plus de 100 000 euros de dettes
Cyril Paque : Aujourd'hui, avec tous les crédits et les intérêts, ça représente 110 000 euros de dettes. Ma belle-mère touche environ 700 euros par mois de retraite. Enlevez les 415 euros de crédit, 500 euros de charges... Elle n'a plus rien pour vivre. Depuis 2016, on la soutient énormément.
Mon beau-père, lui, est décédé. Et pour nous, ces gens sont indirectement liés à son décès. Avant, il avait des sortes de crise d'épilepsie, des black-outs de quelques instants de temps en temps, il était suivi médicalement. Mais depuis qu'on a porté l'affaire en justice, les crises étaient devenues de plus en plus intenses. Ca a fini par le tuer, j'en suis sûr.
Mon beau-père, je ne l'ai vu pleurer qu'une seule fois. Il m'a dit : "Cyril, je suis un con, j'ai foutu ma famille en l'air."
Cyrilbeau-fils de victimes de l'affaire Capricorne
Il est mort il y a deux ans, alors qu'il se baladait avec ma belle-mère. Il a eu une crise, est tombé dans le canal et s'est noyé. C'est toujours très dur pour nous.
Au début, il n'y avait "que" le coût des travaux, mais il y a eu les crédits, l'hypothèque de la maison... Ça a été l'effet boule de neige.
Aujourd'hui, je n'ai pas de haine, pas de vengeance. Avant, oui, mais mon beau-père n'aurait pas voulu ça. Il me disait : "C'est moi qui ai été naïf, je ne me suis pas méfié."
Cyrilbeau-fils de victimes de l'affaire Capricorne
En plus de ça, même après avoir porté plainte et découvert l'escroquerie, ils sont revenus à la charge.
Les suspects ont tenté de récupérer leurs dossiers
Cyril Paque : Des gens liés à ces sociétés sont revenus sonner chez mes beaux-parents leur demander de leur rendre les dossiers, essayer de récupérer les dossiers.
Ils sont venus à quatre reprises et leur ont même proposé de l'argent, 1 500 euros, pour récupérer ces fichiers ! Mais nous les avions déjà transmis aux gendarmes et j'en conservais une copie chez moi, par sécurité. A chaque fois qu'ils sont revenus, j'appelais la police mais on n'a jamais pu les prendre sur le fait. Quand les forces de l'ordre arrivaient, ils étaient déjà partis.
De la prison ferme sans remise de peine
Cyril Paque : Pöur moi, ces gens-là n'ont pas de conscience. J'ai découvert que le "plus petit" de la bande, celui qui se faisait le moins d'argent, touchait 11 000 euros nets par mois ! Avec ça, on peut faire des crédits à 5 000 euros mensuels ! [Ndlr : les prévenus ont vu certains de leurs biens saisis au cours de la procédure, dont un avion, une villa, un coffre rempli d'espèces, etc.] Et nous, on doit se saigner pour que ma belle-maman vive comme tout le monde. On ne part pas en vacances.
Aujourd'hui, ça fait sept ans. On demande pour ma belle-mère 150 000 euros de préjudice moral et 145 000 euros de dommages matériels. Et pour les prévenus, ce que je voudrais vraiment, c'est qu'ils prennent la peine maximale, c'est-à-dire dix ans de prison, et qu'ils les fassent vraiment. Qu'ils prennent du ferme sans remise de peine.
Qu'ils passent tout ce temps en prison, pour qu'ils puissent découvrir ce que c'est que d'avoir une conscience.
Cyrilbeau-fils de victimes de l'affaire Capricorne
Pour l'instant, je ne sais pas s'ils ont conscience de ce que c'est d'aimer ou de perdre quelqu'un.
Pour beaucoup de plaignants, tout a été balayé par ces gens qui voulaient juste se faire du fric. Nous, une partie du deuil de mon beau-père n'a pas été faite jusqu'à présent, jusqu'au procès. On ne vit pas, on survit.
Le procès de l'affaire Capricorne est prévu jusqu'au 8 juin prochain. Le délibéré sera rendu le 18 septembre.