VIDÉO - Bordéliques ou maniaques du rangement, comment faire face à la culture du trop ?

Notre société est indéniablement boulimique à consommer toujours plus. Le rangement s’est positionné comme l’une des réponses à cette culture du trop. Le problème, c’est que chacun en a sa propre conception et le sujet est souvent source de conflits !

Le rangement, c’est mettre les choses à leur place.
À travers ce geste banal et anodin, le film "La culture du trop" de Nicolas Bideau part à la rencontre des petites manies de la vie quotidienne pour dresser le portrait humoristique de notre rapport à l’habitation domestique.

Il y a les maniaques de l’ordre qui briquent et astiquent, les bordéliques qui posent en vrac et les accumulateurs qui ne peuvent se séparer de rien.
Tous sont à la recherche du bien-être domestique.

La culture du trop, le portrait contemporain de notre société

Selon Valérie Guillard, professeure en science de gestion à l’Université de Paris Dauphine-PS, l’entrée massive d’objets dans l’habitat date du début de la société de consommation.

Avec la révolution industrielle apparaît la notion de confort liée à ces nouveaux équipements, notamment électroménagers, qui facilitent la vie quotidienne. On achète les choses parce qu’elles ont un sens et une utilité.

Après l’électroménager, l’objet a continué à envahir l’espace domestique avec le décoratif, des objets pas toujours utiles, mais beaux. Même inutiles, les acheter est un plaisir.

On achète beaucoup, on se lasse rapidement et pour combler cette lassitude, on rachète de nouveau.
Des objets électroménagers, esthétiques, techniques, alimentaires, vestimentaires…, utiles et inutiles, ont colonisé notre quotidien.

Le trop de cette société, se sont aussi les injonctions permanentes à acheter, à s’amuser… pour être heureux. Derrière le rangement se cache une tendance à se sentir bien, une aspiration permanente au bonheur assénée comme une norme au point que la vie domestique déborde d’impératifs.

C’est une surcharge mentale, on croit qu’on a des tas d’obligations, mais pourquoi s’encombrer de tout ça ?

Laurence Bouchet, philosophe itinérante

Dans cette ère de la consommation, on nous fait croire que l’abondance est la normalité.

Pour rendre l’expérience d’achat encore plus remarquable, les marques ont visé sur l’individualisation. Dans un foyer de 4 personnes, il y a autant de dentifrices aux parfums différents, de savons pour les différents types de peaux et autant de jus de fruits, céréales selon les goûts de chacun.

On est encombré par des injonctions à acheter, il faut du neuf, et le neuf, c'est du virtuellement périmé à court terme.

Olivier Douville, psychologue clinicien

Dans cette culture du trop, le rangement ne touche pas seulement les maniaques, bordéliques ou autres accumulateurs, il nous concerne tous.
Nous sommes tous saturés d’objets, de papiers, d’activités au point que mettre les choses à leurs places est devenu une nécessité de la vie quotidienne pour ne pas se laisser déborder.
"L’accumulation devient réellement un problème à partir du moment où elle vous complique la vie et est synonyme de mal-être. Les objets deviennent une charge mentale" précise Valérie Guillard, professeure en science de gestion.

Remettre de l’ordre

Le rangement, c’est mettre les choses à leur place selon des critères définis (couleur, forme…). Un exercice que l’on nous a inculqué dès notre plus jeune âge avec, par exemple, les jeux éducatifs de tri de formes.
Dans la société, l’ordre est partout : dans l’ordonnance des villes où tout est quadrillé avec des immeubles bien droits, jusqu’aux rayons de supermarchés où les produits sont emboités jusqu’à la maniaquerie !

Ranger c’est aussi faire de la place dans sa vie, car il y a un lien direct entre notre intérieur et notre état d’esprit.

Derrière nos murs se dissimulent nos vies quotidiennes, où mettre (ou ne pas mettre) les choses à leur place n’est pas si anodin et interroge sur notre façon d’habiter.
Dans nos foyers se déploient nos actes de la vie quotidienne, une routine de vie rassurante où les choses se répètent.

Habiter, c’est constituer un lieu à soi qui nous ressemble et dans lequel on est bien et où on se sent en sécurité.

Valérie Guillard, professeure en science de gestion, Université Paris Dauphine-PSL

Parler de rangement, c'est observer les petites manies de chacun dans sa conception très personnelle de la vie quotidienne. Parmi elles, le grand rituel du ménage !
Marianne est étudiante et pour se sentir bien dans son premier logement, elle éprouve le besoin d’y organiser une vie quotidienne propre et rangée. C’est essentiel pour elle que sa petite cuisine soit récurée et rangée : " J’ai besoin de savoir où sont mes affaires... quand je vais attaquer ma journée, il faut que ça soit absolument rangé sinon ça me déconcentre durant mon travail."

Pour la jeune femme, nettoyage et rangement sont indissociables. Pour cela, elle organise "un circuit de nettoyage". L’agencement de ses produits de beauté dans la salle de bain est même organisé par ordre d’utilisation. " Si c’est rangé dans mon appartement, c’est aussi rangé dans ma tête."

Sans ordre, c’est vraiment le chaos ?

Certaines personnes s’accommodent sans problème de ne rien remettre à leur place.

Pour vivre heureux chez soi, est-il nécessaire de reproduire une bonne ordonnance des choses ? Peut-on, comme Candice, s’affranchir du poids de ces règles ?

Candice Anzel est l’auteure d’un livre dans lequel elle montre que les "bordéliques" existent et qu’ils peuvent être heureux !

C’est rassurant pour moi quand il y en a un peu partout, ça veut dire que c’est vivant…Quand tout est rangé, ça me met mal à l’aise.

Candice Anzel, auteure et coach familial

Pour elle, rien de rassurant d’avoir les choses à leur place et le rangement ne serait qu’une norme subjective.

Albert Einstein, Steve Jobs, le psychologue Jean Piaget… de nombreuses personnes célèbres ont un espace de travail totalement désordonné.
Selon Benjamin Pradel, sociologue urbaniste, il existe des théories selon lesquelles les bureaux les plus désordonnés sont souvent ceux des gens les plus créatifs : " Un créatif ne voit pas son bureau comme désordonné car il sait où sont les choses. C’est dans cet ordonnancement qui est vu comme un désordre qu’il trouve sa créativité et donc, son bien-être."

Le rangement, une tendance sur les réseaux sociaux

Aujourd’hui, on a un intérêt à être "mieux chez soi" et cela s’inscrit par le fait d’avoir une esthétique de notre espace et de ne pas avoir trop d’objets source de surcharge cognitive.
Le rangement est tendance. On réorganise ses placards, épure son dressing en cherchant à éliminer les objets parasites. Depuis le "roulé-plié" de Marie Kondo le rangement ne cesse de gagner en popularité sur les réseaux sociaux.

Le "Shelfie", l’art de prendre en photo ses étagères, son dressing, sa bibliothèque où rien ne dépasse, est la nouvelle mode d’Instagram.

Une frénésie grandissante pour l’ordre domestique qui a vu apparaître des "cleanfluencers" (influenceuses du ménage et du rangement) dont les petites astuces permettent d’avoir un intérieur toujours soigné.

Derrière les portes des maisons, le geste de ranger a pris du sens, mettre ou ne pas mettre les choses à leur place n’a rien d’anodin et révèle notre rapport à la consommation, aux autres, à notre intimité, à la société. Ranger raconte toute une évolution de nos modes de vie.

Et vous, quel type d’habitant êtes-vous ?

La culture du trop, un film de Nicolas Bideau
Coproduction Nomade Productions / France 3 Bourgogne Franche-Comté
Documentaire disponible sur france.tv

 

 

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