Confinement : des commerçants dijonnais demandent à leurs bailleurs d'annuler leurs loyers

Des "petits commerçants" s'inquiètent. Deux mois après le début de la crise du coronavirus, ils font toujours face à d'importantes difficultés financières. Leurs loyers représentant des coûts importants, "en geste de solidarité", ils en appellent à leurs bailleurs pour les annuler.

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Rouge ou vert ? La question se pose aussi pour les commerçants à chaque fois qu'ils consultent leurs comptes bancaires. L'activité, à l'arrêt depuis la mi-mars, reprend tout doucement... mais seulement pour certains. Les téléphones des bars, cafés et restaurants sonnent encore dans le vide et les rideaux sont encore baissés. Pour les autres, l'adaptation a été le maître-mot. Nombre de clients limité dans les boutiques, port du masque et des gants vivement recommandé, distanciation physique, vente en ligne plutôt qu'en physique... Mais ça ne suffit pas. Pour tous ces "petits commerçants" à Dijon, le couperet menace de tomber. Les paiements des loyers représentent notamment une charge considérable.

Un partage des charges entre locataires et propriétaires

Il y a quelques jours, un communiqué signé par 25 "petits commerçants", demandait l'annulation de leurs loyers. La pandémie de coronavirus a entraîné leur fermeture, "mettant en péril leur survie". Une situation exceptionnelle qui, pour eux, justifie une exonération du paiement des loyers sur la période de la crise. "Nous demandons aux bailleurs de faire un geste de solidarité conséquent, en permettant que les loyers de la période de confinement ne soient pas payés ou qu'ils soient remboursés quand ils ont été payés."

Mais pour ces 25 commerçants, les situations sont très différentes. "Il est très difficile d'apporter une réponse commune" se résigne Antoine, à la tête du restaurant La Menuiserie, joint par téléphone. La boutique Un ours en ville a signé la tribune pour "apporter du soutien aux collègues". Propriétaire de son local, la gérante n'est pas concernée par l'annulation des loyers mais sait toute la difficulté et le poids que cela représente pour ses confrères commerçants. "Dans ma rue, j'ai deux voisines qui sont locataires et pour qui c'est très compliqué d'assumer le loyer."

Ces deux voisines, ce sont Body Sano, un centre de rééquilibrage alimentaire, ainsi que Le Goût des Sens, une épicerie fine. Elles ont la même propriétaire. Cette dernière a accepté de réduire le loyer du mois de mai de moitié pour chacune des locataires. "C'est mieux que rien" déclare la locataire de l'épicérie. "C'est certainement dur de faire davantage... Les propriétaires ont certainement des choses à payer aussi."

Globalement, les échanges entre propriétaires et locataires sont cordiaux. "Mais les bailleurs n'ont aucun intérêt à ce que nos boutiques ferment" rappelle Antoine, à La Menuiserie. Il évoque de possibles procédures judiciaires coûteuses et chronophages pour chaque partie. Et ce n'est pas le moment. "Et un bailleur qui réclamerait des loyers au tribunal, je ne suis pas sûr qu'il en sorte gagnant. Je ne demande pas à ce que les propriétaires annulent la totalité des loyers. Mais ça ne me semblerait pas très juste pour nous d'assumer 100 % des pertes. Alors on partage." 


Reportage : Guillaume Desmalles, Rodolphe Augier.

Avec :
  • Hélène Chasset, gérante de bar
  • Gilles Benoit, cordonnier
  • Vanessa Laraque, gérante de retaurants  
 

A Dijon, des exonérations au cas par cas

Danielle Juban, adjointe au commerce à Dijon, explique "comprendre que les foncières ont pris un certain nombre de dispositions pour annuler les loyers. Mais sur certains commerces, de centre-ville notamment, ça reste plus compliqué." L'élue précise que certains de ces locaux appartiennent à d'anciens commerçants et que les rentes constituent leurs retraites.

Danielle Juban a bien conscience de l'épreuve que traversent les petits commerçants et promet d'être "très attentive et de faire tout ce qu'on pourra" pour les aider dans les semaines à venir. Concernant l'exonération des loyers, "on peut le faire... mais il faut examiner les critères. Les situations sont vraiment différentes. Il faut qu'on regarde qui a pu ouvrir pendant le confinement et pourquoi certains n'ont pas pu obtenir les aides de l'Etat.

Un fond d'aide de solidarité, conventionné en partie par la région, devrait notamment voir le jour à Dijon. Plusieurs partenaires travaillent actuellement sur le sujet pour établir les critères d'attribution de cette aide. Celle-ci devra ensuite être validée avant d'être appliquée.  "On fera des prêts remboursables, de l'ordre de 15 000 euros,  ça c'est une évidence." Danielle Juban le répète, la ville fera tout ce qu'elle pourra pour aider les petits commerces. Quand ? Dans le courant du mois de juin.

Un "coup de pouce" pour les bailleurs

En avril, le gouvernement demandait aux bailleurs de renoncer aux paiements de leurs loyers sur trois mois. Christophe Demerson, président de l'Union nationale des propriétaires immobiliers, rappelle au Figaro que "les bailleurs privés particuliers ne peuvent en aucun cas assumer l'annulation automatique des locaux commerciaux." Les revenus des loyers leur permettent ainsi de se constituer un "complément de revenus ou de faire face à une baisse de salaire." 

Un "coup de pouce fiscal" a été proposé par le Parlement dans un amendement dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, permettant ainsi aux bailleurs de bénéficier d'une déduction fiscale s'ils renoncent à toucher leurs loyers. Une façon aussi, "pour les petits commerçants, durement touchés par la crise, de limiter la casse et de mieux préparer la reprise", rappelle Jean-Noël Barrot, député MoDem, à la tête de l'amendement.

Alors en attendant de nouvelles mesures, pour le chef de salle de l'établissement La Menuiserie, à Dijon, discuter reste la meilleure solution. Lui a vu avec son propriétaire pour une suspension du versement des loyers ce deuxième trimestre. Antoine devrait recommencer à payer son loyer au troisième trimestre, "si la situation s'améliore et quand on aura discuté ensemble de la reprise.

Les commerçants ont peur de mettre la clé sous la porte

Il y aura des faillites et des licenciements dans les mois qui viennent car même si l'économie repart, beaucoup de commerces sont très durement touchés. Il faut anticiper ce moment de faillite.
Bruno Le Maire, Ministre de l'Economie, sur Europe 1 le 22/05/2020

Interrogé par nos confrères d'Europe 1 ce vendredi 22 mai, le Ministre de l'Economie revenait sur la difficile reprise qui s'annonce pour les commerces. Interpellé en direct par un commerçant lillois sur le paiment des loyers, Bruno Le Maire rappelle que des aides ont été mises en place par le gouvernement, basées sur le chiffre d'affaires. Si celui-ci dépasse un certain plafond, les commerçants peuvent faire appel à une médiatrice des loyers, pour entamer des discussions avec les bailleurs.

A Dijon, les signataires de la tribune envisagent déjà les pires scénarios. "Une deuxième crise comme cella-là... et on pourrait ne pas s'en remettre" nous avoue Antoine, de La Menuiserie. Alors, même si l'exonération des loyers n'est qu'un coup de pouce parmi d'autres, souhaités par les commerçants, celle-ci leur permettrait de songer un peu plus sereinement à la reprise et de rattraper le chiffre d'affaires perdu depuis deux mois.
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