Le défenseur et capitaine du club de football d'Amiens Prince Gouano a été victime de cris racistes lors du match face au DFCO vendredi 12 avril. Il raconte.
La seconde mi-temps du match de Ligue 1 entre Dijon et Amiens a été interrompue plusieurs minutes après que le capitaine d'Amiens Prince Gouano a entendu des cris racistes venus des tribunes. À l'issue du match, le joueur a répondu aux questions des journalistes. Il ne veut pas porter plainte contre celui qui a fait des bruits de singe. "Il faut que je lui pardonne", a-t-il dit.
Que s'est-il passé ?
Prince Gouano : "Durant le match, il y a eu un corner contre nous. C'est moi qui ait sorti le ballon. Donc à ce moment-là, je me suis retourné pour encourager mes coéquipiers, ne pas baisser les bras.Ensuite, j'ai entendu des bruits de singe. Honnêtement sur le coup, j'étais choqué. Je me suis dit qu'on est au XXIe siècle, on est en France donc cela est impossible.
Donc je me suis retourné pour voir d'où provenaient ces bruits là et j'ai pu localiser la personne. En quelque sorte, je lui ai donné une seconde chance en lui disant : "Qu'est ce que tu fais ? C'est bien à moi que tu fais ça ?". Et oui, il a confirmé, il a refait ces bruits. Donc à partir de là, c'est inadmissible."
Quel a été votre premier réflexe ?
"Juste après, c'était d'arrêter le match. C'est comme s'il y avait une force qui m'avait lâché, je ne pouvais plus jouer. Et si je ne peux plus jouer, il faut que ça arrête, que ça cesse. Il fallait marquer le coup. […]Parce que cette situation, certes, me concerne. Mais je pense qu'il y a pas mal de personnes qui sont derrière moi, qui sont concernées par ce genre de choses. À un moment donné, il faut taper du poing sur la table."
C'est la première fois que vous subissez ce type de faits ?
"Oui, c'est la première fois bizarrement. Parce qu'en plus, j'ai beaucoup tourné, j'ai fait énormément de clubs. J'ai fait tous les pays pratiquement en Europe et je n'ai jamais connu ça. J'ai entendu parler de ça mais je ne l'ai jamais vécu. Il fallait que je rentre en France pour le vivre, chez moi."Qu'est ce que vous attendez aujourd'hui ?
"Aujourd'hui, j'attends un changement. Le monsieur a été interpellé, et j'aimerais bien mettre la lumière là-dessus. Vraiment, la ligue et l'organisation du stade ont fait le nécessaire. Dès l'action qui suivait, le monsieur n'était plus là, il a été évacué et j'ai même appris qu'il a été mis en garde à vue. Donc chapeau, parce que c'est allé très vite.Après si j'ai un message à véhiculer, je reste sur la même ligne directrice que ce que j'ai dit tout à l'heure : je suis pour l'amour. Ce monsieur est en garde à vue, il m'a insulté de singe mais c'est lui qui était en cage. Donc c'est la morale de cette histoire là. […]
Avec mes valeurs qui sont l'amour, la croyance, la foi, il faut que je lui pardonne. Je ne porte pas plainte, je pense que cette réaction aura beaucoup plus d'impact que de porter plainte. Parce que ce monsieur sait à côté de quoi il est passé. Donc à sa sortie de tout ça, je pense qu'il en parlera à ses enfants, et ses enfants en parleront aussi aux petits-enfants. Et ça impactera une génération.
Stop à tout ça, parce que trop de différences n'apportent que des problèmes. Aimons-nous et vivons dans l'amour si possible."
Est-ce qu'il ne fallait pas sortir du terrain ?
"Honnêtement la prochaine fois, il faudra sortir. Là, j'étais à deux doigts de sortir. Maintenant la ligue sait à quoi s'attendre. Je pense qu'il faut que ça cesse, donc la prochaine fois il faudra arrêter le match."Le DFCO porte plainte
Dans un communiqué, le club de football de Dijon annonce le dépôt d'une plainte dans cette affaire."Ce comportement est tout simplement inacceptable. Ces actes intolérables n’ont leur place ni sur le terrain, ni en dehors. L’ensemble du DFCO apporte son soutien le plus total au capitaine amiènois Prince Gouano. Cet acte isolé porte atteinte aux valeurs de respect et de solidarité toujours prônées par le DFCO", précise le club.
La ligue de football professionnel condamne également les insultes racistes et précise qu'elle va "étudier les suites judiciaires à donner" à ces faits.