Dijon: "Le cancer du sein se soigne s'il est détecté à temps." Après l'annonce de son cancer, Nathalie Koenders témoigne

Le 2 novembre dernier, Nathalie annonçait avoir été diagnostiquée d'un cancer du sein. Elle suspendait ses activités de 1ère adjointe à la mairie de Dijon et au conseil départemental de Côte d'Or. Seulement 3 semaines et une opération plus tard, elle revient aux affaires et se confie. Entretien.
 

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Nathalie Koenders a accordé ce long entretien à Vincent Thollet et Amélie Douay.

Vincent Thollet : Bonjour Nathalie Koenders. Comment allez-vous? 

Nathalie Koenders : Je vais bien. L'épisode difficile que j'ai traversé ces dernières semaines est derrière moi et je suis heureuse d'avoir repris mes activités à Dijon au service des Dijonnaises et des Dijonnais. L'opération que j'ai subie il y a maintenant 3 semaines m'a permis d'éviter d'autres traitements plus lourds, tels que la radiothérapie ou la chimiothérapie. En accord avec l'équipe soignante, je peux reprendre dès cette semaine, mais de façon progressive. 
 
Pourquoi était-il si important pour vous de de revenir sur le terrain de cette manière? 
 
J'ai eu à cœur de retrouver les Dijonnaises et les Dijonnais, le maire de Dijon et son équipe municipale qui m'ont beaucoup soutenu. J'ai eu de nombreux messages d'habitants, du maire, de l'équipe municipale. Ça a été très important et donc j'avais envie de reprendre à leur côté, notamment face à la crise que nous traversons. Il y a beaucoup de gens qui souffrent en ce moment, des familles modestes, mais également les restaurateurs et cafetiers. J'avais envie, avec mes collègues, de contribuer à faire en sorte que cette période difficile soit la moins compliquée pour eux.
 
C'est très court 3 semaines après l'opération, vous diriez que le travail a aussi une fonction thérapeutique pour vous, c'était important de revenir aussi pour cette raison? 
 
Pour avancer, oui, c'est sûr. Reprendre une activité professionnelle où municipale était aussi important pour moi. Comme vous le dites, je pense que cela fait partie aussi un peu de la thérapie. On se sent aussi utile pour les autres. En ce moment, c'est une période très compliquée, notamment pour les plus modestes, au niveau de leur santé, au niveau social, au niveau financier, et je pense que c'est important que l'équipe municipale, avec son maire et l'ensemble de ses adjoints, soit disponible pour aider les Dijonnaises et les Dijonnais.
 
Vous avez choisi une forme de transparence voilà un mois en disant que vous souffriez d'un cancer? Pourquoi ce choix?
 

Alors cela n'a pas été facile. Déjà d'apprendre cette maladie et ensuite de le dire publiquement. Je l'ai fait d'abord par transparence, parce qu'en tant qu'élue, je me devais de dire la vérité. J'allais, pendant un certain temps, être moins présente sur le terrain, être moins présente dans les instances, au conseil municipal, au conseil départemental. Il fallait que j'explique les raisons. Et la deuxième chose : je voulais également adresser un message d'espoir aux femmes, notamment pour leur dire que... Eh bien, le cancer du sein se soigne et on en guérit, s'il est détecté à temps. Je voulais leur dire d'être très attentives à leur contrôles réguliers, parce que c'est grâce à cela que mon cancer a pu être détecté de façon précoce.

C'est très court 3 semaines après l'opération, vous diriez que le travail a aussi une fonction thérapeutique pour vous c'était important de revenir aussi pour cette raison? 
 
Pour avancer, oui, c'est sûr. Reprendre une activité professionnelle où municipale était aussi important pour moi. Comme vous le dites, je pense que cela fait partie aussi un peu de la thérapie. On se sent aussi utile pour les autres. En ce moment, c'est une période très compliquée, notamment pour les plus modestes, au niveau de leur santé, au niveau social, au niveau financier, et je pense que c'est important que l'équipe municipale avec son maire et l'ensemble de ses adjoints soient disponibles pour aider les Dijonnaises et les Dijonnais.
 
Votre volonté c'est de rompre un tabou?
 
Ecoutez, ce n'est jamais facile d'en parler. Cela touche à l'intime. Je me suis aperçue que beaucoup de femmes se sont confiées, m'ont dit 'merci', 'merci d'en avoir parlé', parce qu'aujourd'hui, le cancer du sein et le cancer en général, ça peut être un tabou. Elles m'ont aussi apporté leurs témoignages. Ça m'a beaucoup aidé de lire ce que des femmes connues ou moins connues ont pu traverser. Je me suis dit, si mon expérience en tant que première adjointe, en tant qu'élue peut aussi aider d'autres femmes, c'est important. Donc c'est aussi pour cela que je l'ai fait. J'ai eu de la chance, moi d'être beaucoup soutenue. Mais je pense aussi à des femmes qui le traversent seules. C'est très difficile. Moralement, c'est une épreuve compliquée. Et je pense aussi à elles aujourd'hui. 

L'idée, c'est de, c'est de démystifier le cancer en quelque sorte, qu'il fasse moins peur? Qu'espérez-vous ? 

Peut-être montrer que quand on est jeune ou moins jeune, quand on est ancienne sportive et toujours sportive, quand on a une activité, ça peut aussi nous arriver. Ça arrive à tout le monde. J'ai eu l'occasion de lire des témoignages de femmes beaucoup plus jeunes que moi, à 20, 25 ans qui ont aussi traversé cette épreuve. Il faut dire, quel que soit l'âge, soyez attentifs ! Faites attention et pensez à vos contrôles réguliers, notamment dans cette période. Je sais, pour avoir échangé avec les équipes soignantes,  que le premier confinement a été terrible en termes de prévention. Beaucoup de personnes ont annulé où reporté leur contrôle régulier. Et lorsque l'on reporte de six mois, d'un an, c'est six mois, un an que l'on perd vis-à-vis d'une maladie qui peut, quand elle est détectée à temps, être soignée. Et on peut en être guéri. 

Je me suis aperçue que pour certaines personnes, c'était difficile d'en parler. On parlait de longue maladie. Mais c'est une maladie comme les autres qui se soigne, qui se guérit quand elle est détectée à temps. Donc il faut ne pas avoir peur d'aller faire des contrôles réguliers, des examens médicaux. 

Je reviens quelques semaines en arrière. Comment avez-vous appris que vous souffriez d'un cancer? Comment cela s'est passé ?

Alors, j'ai, entre guillemets, de la chance dans cette malchance. Ayant des antécédents familiaux, puisque ma maman, ma grand-mère sont mortes assez jeunes d'un cancer du sein, j'ai été suivie très régulièrement. C'est donc à l'occasion d'un contrôle régulier qu'une petite tumeur a été détectée. Une tumeur maligne. 

Cette annonce, c'est sûr que c'est compliqué, c'est angoissant. Mais le fait qu'elle soit détectée de façon précoce, cela a permis de pouvoir enclencher un traitement rapidement et donc d'enlever, d'éradiquer rapidement cette tumeur. 

Qu'est-ce qui se passe dans votre tête au moment de l'annonce? 

C'est la sidération. C'est un peu le ciel qui vous tombe sur la tête. On pense forcément à sa famille. On angoisse. On se pose beaucoup de questions. J'ai eu la chance d'être accompagnée et je souhaite vraiment rendre un grand hommage à l'équipe médicale, aux soignants. Ils ont un professionnalisme sans faille dans ces moments difficiles. Rapidement,  mon esprit de sportive a peut-être pris le dessus. Je me suis projetée dans la guérison dans le traitement. Le fait que le diagnostic soit précoce a rendu les choses plus faciles. 

Et du coup, vers quelle option médicale vous êtes-vous orienté? 

Avec l'équipe médicale, j'ai opté pour une opération pour éradiquer ce cancer. L'avantage c'est que cela m'évite d'autres traitements plus lourds et cela diminue grandement les risques de récidive. Si j'avais opté pour une autre option, il aurait fallu après, des contrôles beaucoup plus réguliers. Alors je continuerai bien sûr ces contrôles. Mais c'est vrai que l'opération n'est pas un choix facile et je peux concevoir que certaines femmes ne prennent pas cette option. Mais cette opération permet d'éradiquer rapidement la tumeur.

Vous le dites, c'est une option qui n'est pas facile. Vous dites vouloir témoigner en quelque sorte pour les autres femmes. Comment on fait pour se sentir femme après une chirurgie de la poitrine ?

Je pense que les progrès médicaux ont évolué. Maintenant, on arrive à faire des choses qui permettent aux femmes de garder leur féminité. Maintenant, comme je vous l'ai dit, j'ai été beaucoup accompagnée par ma famille. C'est important. Par mes enfants, par mon conjoint et par le personnel médical. Cela aide à prendre cette décision. 

Vous en parlez comme si c'était derrière vous. Alors que c'est tout récent. Il s'est passé beaucoup de choses en 3 semaines... 

Oui effectivement. J'ai eu l'opération, j'ai eu ma période de convalescence, j'y suis toujours, mais maintenant je le vois comme un souvenir derrière moi, que je n'oublie pas. Mais je suis passée à autre chose. Je reprends mes activités municipales. C'est se projeter vers l'avant. C'est aider les autres... C'est savoir ce qui est essentiel aussi dans la vie, c'est la santé, c'est la famille. Et puis c'est d'aider ceux qui n'ont pas les mêmes chances que vous pour avancer.

Diriez-vous que la maladie a changé ou pourrait changer quelque chose en vous à? 

Oui, c'est indéniable. C'est sûr qu'il y a un avant et un après. C'est une épreuve difficile que l'on traverse avec des doutes, avec une certaine angoisse, des interrogations, même si on a rapidement des réponses à nos questions. C'est un peu tôt pour savoir quels vont être les changements. Mais forcément, ça change. Ça change les gens.

Vous pensez  avoir découvert quoi de vous?
 
Je suis quelqu'un de plutôt pudique dans ma vie privée, etc. De l'avoir annoncé publiquement, de vous accorder cette interview, ce n'est pas forcément simple. C'est peut-être quelque chose auquel je n'aurais jamais pensé avant. Mais je me suis dit, si ça peut servir la cause et bien faisons-le !

Est-ce que cela peut changer quelque chose dans votre action politique, faire évoluer vos priorités?

C'est possible... L'empathie, j'en avais déjà je pense. Mais je pense qu'elle va se développer. Peut-être aussi prendre de la hauteur sur certains sujets, notamment en matière de de santé. On voit avec la crise sanitaire qu'on traverse que l'hôpital, les équipes soignantes font un travail formidable. J'espère que ne leur rendra pas hommage seulement maintenant, qu'ensuite on n’oubliera pas, qu'on ne passera pas à autre chose. J'espère vraiment que les moyens nécessaires pour qu'ils fassent bien leur travail leur seront donnés. En tout cas, en tant qu'élue, je serai très vigilante.
 

Vous agissez au niveau local. Vous parliez de bienveillance. Ça prend aussi du sens à votre avis? 

Quand on est élue locale, pour moi il y a deux choses passionnantes. On doit améliorer la vie des gens au quotidien et en même temps avoir une vision pour sa ville. Il faut aimer les gens pour faire de la politique au niveau local. Peut-être le sentiment, mais ce n'est pas qu'un sentiment, le fait d'avoir aussi beaucoup de marques d'affection de la part des Dijonnaises et des Dijonnais et bien en retour je leur en donnerai encore plus pour justement essayer d'améliorer leur vie au quotidien. 

Comment espérez-vous que les femmes vivent le cancer demain? Quelque chose doit changer ?

Eh bien, que ce ne soit pas un tabou. Qu'elles puissent ne pas se renfermer - peut-être que certaines femmes le font - parce que c'est important dans une guérison, qu'elles  puissent faire leur traitement de façon la plus sereine possible, en acceptant ce traitement et en conservant leur féminité.

On a beaucoup avancé ces dernières années, grâce notamment à toutes les campagnes de préventions, "Octobre rose", les courses comme odyssée. Mais je pense qu'il y a encore des choses à faire. Je l'ai vu à l'occasion de cette maladie où des gens n'osaient pas m'en parler. Il y a toujours de la communication à faire sur le sujet. Si ma petite expérience peut y contribuer. Et bien j'en serais ravie. Pas pour moi, mais pour les autres femmes.
 
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