Témoignage. Pour les malades du cancer, difficile d'annoncer aux proches "cette maladie associée à la mort"

Publié le Mis à jour le Écrit par F.L.

Isabelle, 47 ans, a vu sa vie basculer l'année dernière lors d'une mammographie de contrôle, où elle apprend qu'elle est atteinte d'un cancer du sein. Elle nous livre son témoignage, alors que débute ce mois la campagne d'Octobre Rose de sensibilisation sur le dépistage du cancer du sein.
 

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Isabelle Dausse est infirmière. L'année dernière, elle apprend qu'elle est atteinte d'un cancer du sein. Sa combativité face à la maladie est exemplaire. Alors qu'elle était suivie régulièrement médicalement, des évènements de la vie (déménagement depuis l'Yonne, charges familiales) l'ont éloignée de son suivi médical régulier.
Un jour, se sentant plutôt fatiguée, à l'occasion d'une mammographie, elle fait immédiatement le rapprochement avec un cancer.  "Je n'avais pas fait d'examen depuis deux ans. Je sais. Je l'avais."

Face au diagnostic, une détermination

C'est donc à l'occasion de cet examen, qu'on prescrit à Isabelle une échographie qui confirme le diagnostic de cancer du sein. A ce moment, Isabelle dit qu'elle "n'éprouve pas de sentiment".
C'est en fait une profonde détermination à combattre la maladie qui apparait :
"OK, c'est clair je l'ai. Il ne m'aura pas. Maintenant, il n'y a plus qu'à suivre ce qu'on me dit, faire confiance aux médecins. Je vais tout faire, je vais avoir le moral, je vais avoir la patate et puis je le vaincrai ! Tout de suite essayer le prendre comme une force, plutôt que se mettre en boule et de pleurer."

Comment l'annoncer à son entourage proche ?

Pour Isabelle, la détermination est entière à combattre la maladie. Mais il a fallu annoncer la nouvelle à ses proches. Isabelle est mère de famille, avec 3 enfants.
"Mon mari, je l'ai appelé tout de suite. Je lui annoncé au téléphone, je me suis mise à pleurer. Il m'a dit "c'est pas grave je suis là, y'a pas de souci". Et pour mes enfants, j'ai choisi de leur apprendre individuellement la nouvelle. Comme ils avaient 19 ans, 16 ans et 7 ans. J'ai estimé qu'ils n'allaient pas tous réagir de la même manière : j'ai pris des moments différents pour leur apprendre. J'ai eu des réactions diverses.
Mon grand a eu les larmes aux yeux, il n'a pas voulu trop en savoir plus. Pendant la maladie, il est parti vivre dans le sud avec sa copine, il a échappé à tout ça, donc c'était très bien, même si on sait qu'il s'inquiétait beaucoup. 

Son second fils de 16 ans n'a pas montré de réaction. Néanmoins, selon Isabelle, "il a été présent, il a vu ma fatigue, mais je l'ai laissé vivre son adolescence de 16 ans, à sortir, s'échapper un peu de la maison, ne pas être tout le temps avec moi, me voir fatiguée."
Pour Isabelle, le plus dur a été avec son fils de 7 ans, qui s'est montré très curieux : "J'ai répondu à toutes ses questions. Par contre je n'ai jamais évoqué le mot "cancer" avec lui. Je ne voulais pas qu'il ramène cela à l'école et que les petits copains lui disent 'un cancer, oh, ta maman va mourir !' ", on ne meurt pas forcément d'un cancer du sein, même si parfois, il y a des femmes qui en meurent. Et moi c'était hors de question que ça m'arrive. Je ne voulais pas qu'il ait cette image-là de la maladie associée à la mort."

 

Vous êtes tellement fatigué des effets secondaires des traitements, que vous ne pouvez même pas anticiper le lendemain ou dans une semaine.

Isabelle Dausse

Un combat, avec des moments de solitude

Isabelle rappelle qu'elle s'est sentie entourée, par les amis proches. Malgré cela, elle évoque des moments de solitude :
"J'ai eu beaucoup de soutien pendant ma maladie, même s'il y a beaucoup beaucoup de solitude, parce que la journée, tout le monde travaille. Quand vous avez 47 ans, tout le monde travaille, les enfants sont à l'école, la journée, on est vraiment très seuls, et ça, c'est pas facile à vivre quand on est malade."
Isabelle rappelle que les soins sont difficiles, et finalement, que c'est un combat au quotidien qu'il faut mener :
"En fait c'est au jour le jour. Vous êtes tellement fatiguée des effets secondaires des traitements, que vous ne pouvez même pas anticiper le lendemain, ou dans une semaine. Et en plus vous avez des pertes de mémoire. "

Envisager l'avenir

Aujourd'hui, lorsqu'elle évoque sa reprise d'activité professionnelle, Isabelle envisage une autre voie professionnelle : "je ne peux plus exercer mon métier d'infirmière dans un service dit actif (urgences, médecine), je ne peux plus faire 8h ou 12h debout, à marcher sans cesse comme le font les infirmières [...] je cherche autre chose, dans les métiers de la santé, bien évidemment, pour aider les autres. Et c'est pour cela que je suis bénévole à la Ligue (contre le cancer ndlr)."
Isabelle a rejoint les rangs de la Ligue Contre le Cancer, pour toujours aider les autres et partager son expérience.

Octobre Rose - une action pour soutenir la recherche et le dépistage

Avec la crise sanitaire, beaucoup de femmes ont hésité à faire leur dépistage systématique, et n'ont pas osé le faire. Les conséquences de ce retard au diagnostic sont graves.
Selon le Dr Aurélie Bertaut, membre de la Ligue Contre le Cancer, "on est face à des tumeurs plus grosses, en lien avec ce retard au diagnostic. Des traitemements potentiellement plus lourds, des chimios peut-être plus agressives, et potentiellement, des pertes de chances pour les patientes."

D'après l'Association pour la Recherche contre le Cancer (ARC), ces retards de dépistage peuvent entraîner jusqu'à 5% de mortalité en plus.

Le reportage de Marie Jolly et Christophe Gaillard
Intervenants : 
  • Isabelle Dausse
  • Dr Aurélie Bertaut, membre de la Ligue Contre le Cancer
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