L'afflux croissant de malades de la Covid-19 dans les services de réanimation oblige les hôpitaux à reporter certains actes chirurgicaux. Des déprogrammations non sans conséquences pour les patients qui attendent une opération.
Le coup de téléphone est arrivé 3 jours seulement avant son opération d'un hôpital de la région Rhône-Alpes. Caroline Gilles s'était pourtant préparée physiquement et mentalement à l'ablation de son sein droit. "Tout s’arrête d’une minute à l’autre. On avait prévu de m’opérer le 20 octobre. Depuis six mois, je me suis préparée à subir cette nouvelle opération et j’ai eu un appel le vendredi 16 octobre pour annuler en raison de la Covid", raconte-t-elle. Porteuse d'une mutation génétique qui la prédispose au cancer du sein et des ovaires, la franc-comtoise risque, sans cette intervention, de retomber malade.
"On se retrouve impuissant, dans une grosse détresse. Quand j’ai eu cette nouvelle j’ai senti une boule d’angoisse énorme", avoue la trentenaire. En raison du contexte épidémique actuel et du déploiement d’un plan blanc dans plusieurs hôpitaux de France, de nombreuses opérations comme celles de Caroline Gilles sont déprogrammées. Difficile alors de savoir quand elles auront lieu. "L’attente est vraiment difficile, il y a de l’angoisse. Mon prochain rendez-vous pour un scanner est prévu pour fin janvier". Aujourd'hui, elle n'éprouve aucune animosité contre l'hôpital ni contre les médecins, bien au contraire. Mais les déprogrammations portent un risque à moyen terme. Surtout pour les dépistages.
"Normalement en France 1 000 nouveaux cas de cancers sont dépistés chaque jour. Pendant toute la durée du confinement, sur les 60 000 nouveaux cas de cancer qui auraient dû être diagnostiqués, seulement 30 000 l’ont été", explique Jean-François Bosset, président de la Ligue contre le cancer dans le Doubs, "On pense que c’est dû à la difficulté d’accès à certains services de radiodiagnostic. Ça a été compliqué pour les gens à cause de la peur de sortir et d’attraper la Covid", continue-t-il.
On s'attend à une hausse de la mortalité des cas de cancer dans les prochaines années
Les personnes non diagnostiquées risquent également d’avoir un retard de traitement pour leur cancer : "Avec un mois de Covid, une femme qui a un cancer du sein, elle perd jusqu’à 9 % de chance de pronostic sur sa maladie, donc y a des conséquences très importantes. (…) On s’attend à une hausse de la mortalité des cas de cancer dans les prochaines années, due à l’ensemble de ces phénomènes, alors qu’on était dans une tendance inverse".
A Besançon, 60 à 65 % des actes chirurgicaux ont été déprogrammés, contre 70 % à Marseille et 50% à Paris. "Cette déprogrammation, c’est une réalité, mais, nous avons beaucoup appris de la première vague. Il y a eu un travail de réorganisation du bloc opératoire pour le rendre modulaire et permettre une programmation adaptée aux besoins", explique Emmanuel Samain, chef du pôle anesthésie – réanimation au CHU de Besançon. L'hôpital Minjoz préserve tout de même certains services tels que la maternité, la pédiatrie, ou la traumatologie. Cependant, l'intensification des déprogrammations n'est pas exclue.
Un reportage de :
Emmanuel Rivallain et Florence Petit
Avec :
Jean-François Bosset
Ligue contre le cancer
Emmanuel Samain
Pôle anesthésie - réanimation
Caroline Gilles