Dijon : « nous avons continué à travailler » pendant la pandémie, les "oubliés" du Ségur de la Santé se mobilisent

A l'appel de la CGT, les professionnels du secteur social et médico-social sont appelés à faire grève ce jeudi 3 décembre pour manifester leur "colère" d'avoir été écartés du Ségur de la Santé. Un rassemblement est prévu devant la préfecture de Dijon.

Les salariés manifestent devant les grilles du Conseil Départemental de Côte-d'Or ce jeudi 3 décembre. 
Un groupe d'environ 80 personnes est présent rue de la Préfecture, avec des représentants des deux secteurs d'activité : social et médico-social.

"Masquées mais pas bâillonnées nous voulons être mieux considérées"

Des rémunérations inférieures à 5% au salaire moyen national
Pour les aides à domicile, aucune revalorisation de salaire n’est prévue dans le 'Ségur de la Santé', alors que, selon la CGT Santé, « les taux de pauvreté sont extrêmement élevés chez les travailleurs et travailleuses du soin et de l’accompagnement social. »
Les salariés dénoncent aussi un « manque criant de professionnels de la prise en charge de l’aide sociale et médico-sociale ».
De son côté, la CGT Santé attire l'attention sur  « une tendance à la déqualification qui entraîne une perte de sens au travail »
 


Les revendications réclamées par les manifestants :
  • une revalorisation de 300 € pour tous, pour limiter les départs par démission et faciliter le recrutement des personnels manquants.
  • embauche de personnel qualifié diplômé
  • accès à des formations qualifiantes
  • amélioration des conditions de travail
  • reconnaissance du travail par le versement des « primes Covid » à tous

Les témoignages de salariées dijonnaises

« Je ne mélange pas tout. Je ne me compare pas aux infirmiers qui s’occupaient des cas covid. Mais pendant la première vague, nous avons continué de travailler dans les foyers. Nous étions présents dans les institutions. Nous avons poursuivi les visites à domicile si besoin était. Il y a une forte injustice que nous ne soyons pas pris en compte. »,  déplore une éducatrice spécialisée dijonnaise. « On n’accepte plus d’être les non-visibles, les grands oubliés du Ségur ! »
 


Ces négociations avec le Ministère de la Santé ont débouché en juillet dernier à une augmentation de la rémunération de 183 €  pour tous les personnels des hôpitaux et EHPAD publics - infirmiers, aides-soignants, brancardiers, etc., hors médecins. Cette hausse s’élève à 160 € pour les professionnels de santé du secteur privé. Au total, ce sont 8,2 milliards d’euros par an qui seront ainsi consacrés à la revalorisation des professionnels, assure Olivier Véran.

Les infirmières, aides-soignantes, éducateurs, psychologues des services à domicile, de la protection de l’enfance, de la prise en charge du handicap, de l'accompagnement des personnes âgées à domicile, de la prévention des addictions n’y auront pas droit. Cela représenterait 450.000 salariés en France.
 

« On sent monter la colère liée à cette différence de traitement, un sentiment d’humiliation.»

Anne-Marie Poisot, infirmière



« Le social et le médico-social ont été exclus d’entrée de jeu des négociations du Ségur de Santé. Or, une infirmière ou une aide-soignante qui travaille dans une Maison de l’Enfance a exactement le même diplôme que son homologue dans un service hospitalier. Ces professionnels ont eux aussi été en première ligne au printemps comme les éducateurs, les psychologues, etc... Et aujourd’hui nous sommes au boulot normalement lors de cette deuxième vague, reprenant la charge de travail si un collègue est arrêté. », s’indigne Anne-Marie Poisot, infirmière dans une structure médico-sociale et militante CGT.

Son syndicat n’a pas signé les accords du Ségur de la Santé en partie pour cela. La CGT appelle d’ailleurs ces personnels à être en grève demain. « On sent monter la colère liée à cette différence de traitement, un sentiment d’humiliation, d’être niés dans nos compétences. » poursuit Anne-Marie Poisot dont la centrale syndicale réclame une augmentation de salaire de 300 euros pour s’aligner sur la moyenne des pays de l’OCDE.

 

« Nous sommes six agents de la fonction publique hospitalière et nous n'aurons pas la même fiche de paie que nos collègues. »

Émilie Khane, infirmière en SSIAD


« C'est un coup de massue ! », confirme Émilie Khane. Cette infirmière coordinatrice gère le Service de Soins Infirmiers à Domicile (SSIAD) du centre hospitalier d'Auxonne. Cette équipe de six professionnelles de santé accompagne entre 17 et 22 personnes âgées qui peuvent ainsi continuer à vivre chez elles. Le service a fonctionné normalement depuis le début de la pandémie. Les aides-soignantes du SSIAD sont parfois allées prêter main forte à l'Ehpad de leur centre hospitalier.

« Nous sommes des agents de la fonction publique hospitalière et nous n'aurons pas la même fiche de paie que nos collègues qui travaillent à l'Ehpad. C'est incompréhensible ! Ce n'est pas parce que nous sommes une petite équipe qu'on ne compte pas et que l'Etat peut nous évincer. »
 


Et si le Ségur de la Santé avait pour effet pervers de vider les structures médico-sociales de leurs personnels soignants ? « Les nouveaux lieux qui se créeront ne pourront pas offrir un salaire attractif à une infirmière sans les 183 € d’augmentation prévus par le Ségur. », prédit Anne-Marie Poisot.

« Nous avons des métiers difficiles. Le soir, nous ne rentons pas chez nous sans rien dans la tête. Si mes jeunes collègues ne sont pas revalorisés financièrement, s’ils n’obtiennent aucune reconnaissance, j’ai peur qu’ils ne tiennent pas dans la durée. », s’inquiète une éducatrice en fin de carrière.

Même crainte pour Émilie Khane et son service de soins à domicile ! « Je me demande si cette disparité salariale ne signe pas la mort de mon service. Qui voudra y travailler dans ces conditions si l'une d'entre nous partait ? ». Un comble pour cette professionnelle de santé qui relève qu' « au niveau politique, on ne cesse de parler du maintien à domicile des personnes âgées et que la population a besoin de nous ». 
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