Manque de matériel à la maison, d’un espace au calme pour travailler, parents pas forcément à l’aise pour l’aide aux devoirs… cette période sans école accentue les inégalités scolaires. Pour éviter que certains décrochent, l’AFEV maintient son service de tutorat.
“J’ai eu un petit peu peur qu’il décroche, comme tout parent. On ne savait pas où on allait, comment ça allait se faire, on se posait beaucoup de questions”. Dès l’annonce de la fermeture des écoles, des collèges et des lycées, Nadia (*) s’est vite inquiétée pour la scolarité de son enfant. Adam a 11 ans et est en 6e au collège Carnot, à Dijon.Mais quand Adam et elle butent sur un exercice, que ses deux frères et soeurs - en terminale S et en BTS électrotechnique - n’y arrivent pas non plus, la mère de famille lui dit : “ça, tu verras avec Elvin”.
Elvin, c’est un étudiant à Sciences Po, sur le campus de Dijon. Il est bénévole à l’AFEV, l’Association étudiante pour la ville. Depuis septembre, il voyait Adam une fois par semaine, le samedi, pour l’aider dans ses devoirs ou préciser un point d’une leçon qui n’avait pas été compris.
Après une semaine de battement mi-mars, au début du confinement, ce rendez-vous a repris. “En visio”, précise Elvin Le Pouhaer. “On discute en vidéo, chacun devant son ordinateur. Je lui partage mon écran, comme ça il peut suivre en même temps. En fait, on a gardé la même durée de tutorat qu’avant : 2h”.
Le tutorat, encore plus utile pendant le confinement
Et même si le contact n’est pas le même, l’étudiant l’assure : “En dépit de quelques problèmes de connexion, je ne trouve pas qu’il y a des difficultés insurmontables pour maintenir cette aide. On arrive à maintenir une certaine forme d’interaction avec l’élève”. Selon l’étudiant de 20 ans, Adam n’a pas vraiment de difficultés, c’est plus “pour permettre un accompagnement dans cette première année de collège, pour que tout se passe bien”.
Nadia aide son fils au maximum, mais ce n’est pas toujours facile. Et elle comprend le désarroi de certains parents. Pour certaines familles, ce système de tutorat n'a jamais été autant utile. “Nous ne sommes pas profs. On explique les exercices comme on peut, mais ça dépend du niveau des parents. Ceux qui ont la chance d’avoir des parents qui ont fait des études supérieures, ça va, pour d’autres c’est plus compliqué”, précise-t-elle.
"Ces inégalités explosent aux yeux de tous"
Avec la fermeture des écoles, des collèges et des lycées, tous les élèves de France se sont retrouvés à la maison. Et surtout, avec des situations très différentes. Des parents qui peuvent aider, ou pas. Un espace de travail au calme dans le logement, ou pas.
Une situation que déplore Laurie Fournel, chargée de développement local à l’AFEV. “Nous, on travaille quotidiennement auprès des familles qui ont des difficultés et on voit bien qu’il y a des inégalités : l’accès au numérique, l’aide des parents, la maîtrise de la langue par la mère ou le père, des enfants nombreux dans la famille… Là, ces inégalités explosent aux yeux de tous. Tout le monde se rend compte qu’il y a de grosses disparités”, confirme-t-elle.
L’association, qui intervient sur Dijon et Chenôve, ne reçoit pas les demandes directement des familles. Elles passent par des partenaires éducatifs ou bien des assistances sociales. “On a été sollicité par des partenaires, qui d’habitude ne nous sollicitent pas aussi rapidement, en disant qu’ils avaient connaissance de familles qui étaient en besoin pendant cette période de confinement”, précise-t-elle. En tout, l’AFEV Dijon aide 180 élèves à Dijon et Chenôve, grâce à 180 tuteurs. C’est un peu plus en ce moment.
Il y a des choses qui se mettent en place pour maintenir la continuité pédagogique, mais on se rend compte des lacunes. Certains parents travaillent encore, donc ne peuvent pas aider leurs enfants. Ça creuse complément les inégalités, on est un peu inquiet pour la rentrée. On ne sait pas comment ces enfants là vont pouvoir rattraper le train en route. Certains enfants sont sollicités constamment, vont faire des activités ludiques, vont être suivis de près par les familles. Pour d’autres, c’est beaucoup plus compliqué.
Concrètement, quels effets aura ce confinement sur la scolarité des enfants qui ne bénéficient pas forcément d’un accompagnement de leurs parents ou d’associations comme l’AFEV ? Difficile de le dire pour l’instant. Les écoles, collèges, lycées, devraient quand à eux rouvrir progressivement à partir du 11 mai.
(*) le prénom a été modifié.