TEMOIGNAGES. "Les profs nous manquent", Lola, Arthur, Maëlle, des étudiants racontent les difficultés du confinement

Ces jeunes adultes baignent dans le numérique depuis qu’ils sont nés. Pourtant, ils le disent tous : rien ne remplace un vrai professeur, en face à face. Paroles d’étudiants en Franche-Comté, confrontés à des difficultés quotidiennes pour étudier, réviser, ou payer logements et repas.

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Comment étudier et réviser dans de bonnes conditions quand on est loin des professeurs, des autres étudiants, des amphis et des salles de cours ? Les réponses vont du « c'est assez difficile » au « c'est quasi-impossible ».

Arthur Sabatier fait partie des 70.000 jeunes qui sont étudiants en Bourgoge-Franche-Comté. Il est en deuxième année, en faculté de droit. Il est aussi à la tête de l’antenne régionale de l’UNEF, le principal syndicat étudiant.

J’ai pu rentrer à la campagne, chez mes parents. J’ai une connexion internet assez fiable et un ordinateur. Mais je pense à la détresse psychologique des étudiants étrangers, confinés dans leurs logements de 9 ou 10 mètres carrés, parfois sans connexion internet ni ordinateur, à des milliers de kilomètres de leurs familles,

nous dit-il.

 

 

A la détresse psychologique s’ajoute parfois la précarité économique. En moyenne, un étudiant sur deux est aussi un salarié. Certains sont en chômage partiel et indemnisé. Mais l’inquiétude est grande parmi tous ceux dont le stage rémunéré a été interrompu ou annulé :

Les étudiants salariés qui devaient commencer à travailler en mai n'ont pas droit au chômage. C’est catastrophique, car ils ont besoin de cet argent, simplement pour poursuivre leurs études et survivre !


Vincent prépare un BTS en maintenance automobile, à Montbéliard, dans le Doubs. Il est confiné chez ses parents, à Besançon. L'entreprise qui l'emploie en alternance l'a placé en chômage technique :
 

J’espère que mon entreprise va rouvrir rapidement, pour que je puisse retourner à Montbéliard. Je paye un loyer sans être dans le logement depuis un mois !


Les cours à distance ne sont pas simples à suivre :  selon Vincent, les plateformes en ligne sont souvent saturées. Le jeune homme conclut, avec une pointe d'humour : "chez les parents, à Besançon, le rythme n’est plus le même, on a plus envie de se coucher tard et de se lever plus tard !"

 

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Précarité numérique


Le numérique ne semble pas être l'avenir de l'enseignement. D'abord, il n'est pas accessible partout. Il y a ces fameuses "zones blanches", là où les débits internet sont très faibles. La plateforme "Moodle", où les cours des étudiants sont mis en ligne, n'est pas accessible.

En témoigne Lola, étudiante en Humanités, à Lyon. Elle est confinée chez ses parents, dans le Jura :

Je n'ai pas accès à internet comme je le voudrais, donc Moodle est inutile. L'Université m'a proposé de m'envoyer une carte SIM pour avoir accès à internet. Mais la meilleure solution, c'est l'envoi des cours par la Poste, bien que pour le moment je n'en ai reçu qu'un seul.

 

Même avec une bonne connexion internet, suivre les cours à distance est compliqué, quand on a juste... un smartphone :
 

La plateforme ça va, mais n'ayant qu’un téléphone, les cours prennent plus de temps, et certains cours ne peuvent pas être faits ainsi,


explique Mylène, apprentie coiffeuse.

 

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"Les professeurs nous manquent"


Même bien équipé et dans une zone avec un bon débit internet, les cours et les révisions sont facteurs de stress. Parce que les étudiants sont seuls face à leurs écrans et à leurs cours, sans véritable contact avec les enseignants. C'est la difficulté relevée par Maëlle, étudiante en LEA (Langues Etrangères Appliquées), à Besançon :
 

Pour certaines matières ça va, la grammaire par exemple est facile à comprendre sur un document écrit, mais pour les autres... C’est particulièrement compliqué pour les cours de chinois, pour la prononciation, un professeur en face à face, c’est bien mieux !


Etre étudiant, c'est aussi faire partie d'une communauté et s'insérer dans une vie sociale. Or, il n'en reste presque rien en cette période de confinement :
 

La fac, ce n’est pas juste suivre des cours, c’est voir des gens, voir ses amis, les profs, échanger avec eux pendant et après les cours, tout ça me manque vraiment beaucoup !

conclut Maëlle.
 

Etudiante en lettres classiques, Laura est confinée chez son père. Elle s'y est "réfugiée" à l'annonce du confinement afin d'avoir accès à internet :


J'ai la chance d'être dans une filière où nous sommes peu nombreux, ce qui facilite la communication avec nos professeurs et entre étudiants. Nous ne sommes jamais mieux accompagnés que par nos professeurs ! Quelle sera la valeur de notre apprentissage ?
 


L'angoisse des examens de fin d'année


La valeur de l'examen et de l'apprentissage : l'inquiétude est présente chez beaucoup. Chez Justine par exemple, étudiante à l’institut régional du travail social de Besançon, en formation d’assistante de service social :
 

Pour valider notre diplôme, nous serons notés uniquement sur nos écrits. C'est un peu angoissant, car nous n’aurons pas d’oraux pour nous rattraper


Julian, étudiant dans une école d'ingénieurs, à Toulouse, est confiné dans sa famille à Pontarlier, dans le Haut-Doubs. Lui aussi connaît  le stress des examens bouleversés :
 

On ne pourra pas revenir en cours, certaines épreuves seront transformées en rapports écrits, combinées avec d'autres, voire supprimées, les épreuves restantes auront lieu à distances sans plus de précisions pour l'instant. Enfin je devais avoir un stage obligatoire d'un mois pendant l'été, il a été maintenu ce qui me semble illusoire.
 



Une charge de travail alourdie par le confinement


Adrien est apprenti en licence énergie et développement durable. Le confinement, il en a ras-le-bol !
 

La charge de travail est énorme en comparaison  avec des cours normaux ! Un exemple : on devait étudier un cahier des charges avec une trentaine de questions, ça représent seize heures de travail, alors qu'il y a d'autres exercices à faire dans les autres matières,

précise Adrien.


Pas de répit non plus pour William, bien au contraire. Apprenti agent de sécurité, il cumule les contraintes des cours à distance avec les risques de contamination, sur le terrain, au travail :
 

Je vis sous le stress d’aller travailler mais aussi le stress des cours ! Je finis le travail à 16h30,  je rentre à 17h00, je fais mes devoirs jusqu’à 23h00 pour un réveil à 8h00 le lendemain...



Le rythme de travail est tout aussi intense pour Alexis, étudiant en 4ème année de médecine à Besançon :
 

Nous travaillons dans l'optique du partiel, mais pas seulement, nous préparons aussi un concours pour la 6ème année de médecine.


Dans quelques jours, Alexis va retrouve ses "co-externes" de 4ème année à l'hôpital. Ils seront en stage pour relayer les étudiants de 5ème année, partis travailler leurs cours à la maison. Et comme si son planning n'était pas assez rempli, Alexis a tenu à faire preuve de solidarité :
 

Je suis allé aider au centre téléphonique 15 coronavirus, pour prendre des appels, deux fois par semaine. Je veux aider, tout en ayant la possibilité de voir des gens, cela coupe un peu avec les cours à la maison !
 


Le confinement, occasion de préparer l'avenir ?


Ilyes, lui, a décidé de prendre le confinement avec philosophie. Il prépare déjà l'après-diplôme. Apprenti horticulteur au lycée de Valdoie, dans le Territoire de Belfort, il est confiné chez ses parents, à Pontarlier, dans le Haut-Doubs.

Il devrait être en stage, employé aux serres municipales de Besançon. Mais les apprentis et les stagiaires ont été invités à rester chez eux :
 

Je pense qu’on ne retrouvera pas le lycée, le Territoire de Belfort est collé au Haut-Rhin, qui sera un des derniers déconfinés. Mes cours devaient s’achever fin mai, alors, c’est terminé !


Le monde numérique, qui lui permet de poursuivre ses études à domicile, fait partie de son quotidien depuis des années. Et, il l'espère, de son avenir professionnel.

Passionné de phénomènes météorologiques, Ilyes a construit une page facebook "Météo franc-comtoise". Il n'avait alors que 12 ans. Aujourd'hui, plus de 50.000 abonnés suivent ses prévisions. Le confinement lui aura au moins permis de trouver un peu de temps pour construire un site plus élaboré, qu'il compte mettre en place à la fin de l'année.



Changer la notation des examens ?


Précarité numérique et sociale, conditions d'études et de révisions dégradées, réquisition des étudiants en médecine pour la lutte contre le coronavirus Covid-19 : pour toutes ces raisons, l'UNEF demande une modification des conditions de notation.

Son représentant régional, Arthur Sabatier, met en avant une des propositions de son syndicat étudiant, le "10 améliorable" :
 

On risque un échec massif des étudiants aux examens, nous proposons que toutes les notes inférieures à la moyenne du second semestre soient rehaussées jusqu’à 10, ça ne dévalorise pas l’examen car le premier semestre, lui, a été validé normalement.


Changer la notation parce que les conditions normales d'études et de révisions ont été chamboulées ? A ce jour, le ministère de lʼenseignement supérieur, de la recherche et de lʼinnovation, n'a donné aucune consigne dans ce sens.

En France, il y a près de 3 millions d'étudiants et apprentis. Tous garderont sans doute en mémoire une année 2020 difficle à vivre, et même cauchemardesque...


 
L'UNEF réclame un plan d'urgence pour les étudiants
L'UNEF, le principal syndicat parmi les étudiant, liste les nombreuses difficultés que connaissent des centaines de milliers de jeunes :

"Plus de travail, plus de stage, fermeture des points de restauration dans les CROUS ou encore isolement dans des résidences étudiantes. Face à cela, il est nécessaire d’augmenter le budget des aides d’urgence",  que le syndicat juge insuffisant.

L’UNEF réclame également l’exonération de tous les loyers dans les résidences universitaires, qui ne concerne pas pour l’instant les étudiants qui sont restés sur place :

"Ces étudiants font souvent partie des plus précaires : étudiants étrangers dont la famille habite loin, étudiants qui n’ont pas eu les capacités financières de rentrer chez eux, étudiants salariés dans des secteurs vitaux de l’économie et qui continuent à exercer leur emploi, parfois avec peu de protection sanitaire."
 
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