Le 11 avril, l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) a publié un rapport sur la maltraitance dans les crèches. Comment vont réagir les organismes et les acteurs du secteur de la petite enfance ? Une crèche dijonnaise décrit son fonctionnement pour avoir des personnels plus apaisés.
Le 11 avril, un rapport de l'inspection générale des affaires sociales a publié un rapport mettant en lumière la maltraitance dans les crèches. Dans ce document, de nombreux problèmes et dérives ont été mentionnés, de quoi réagir pour les acteurs du secteur dans le but d'améliorer les qualités d'accueil.
Elisabeth Laithier, présidente du comité de la filière des métiers de la petite enfance, reconnaît les limites de l'organisation actuelle de la petite enfance : "Ces cas de maltraitance, c’est multifactoriel. Il est certain que des professionnels qui travaillent en flux très tendu ne peuvent pas exercer leur profession correctement et ont une fatigue encore décuplée. Il n’y a pas que cela, il y a tout une série de facteurs, parfois intimes par rapport aux personnes."
En un an, ce sont 2 000 signalements pour maltraitance qui ont été relevés en France dans des établissements d'accueil d'enfants en bas-âge par l'IGAS. Le manque de personnel est régulièrement pointé du doigt.
"On est clairement en manque de personnel. Là où je suis, on monte à 18 bébés, voire 19 pour trois professionnels, donc on est hors-la-loi."
MorganeAuxiliaire petite enfance
Morgane est auxiliaire petite enfance à Dijon, elle a tenu à rester anonyme, mais elle s'est confié au micro de Gabriel Talon et Audrey Champigny : "On nous demande d’être un pour cinq enfants non marcheurs et un pour huit enfants marcheurs, c’est énorme. On est clairement en manque de personnel. Là où je suis, on monte à 18 bébés, voire 19 pour trois professionnels, donc on est hors-la-loi."
Quand elle est interrogée sur sa gestion du travail, Morgane rit jaune : "On fait comme on peut, avec les moyens on sait qu’on n’a pas le choix, donc on est pro et on fait comme on peut. Dans le privé, ils ne veulent pas payer quelqu’un en plus, c’est la rémunération qui pêche." En poste depuis quatre ans et demi dans le secteur privé, elle est payée 1 300 euros net par mois.
"On pense que des personnels bien traités seront des personnels bien traitants avec les enfants. Ça passe par avoir des salaires attractifs."
Théo Darrieusecdirecteur adjoint de "la P'tite fac" à Dijon
À "la P'tite fac", une crèche dijonnaise associative à but non lucratif, ce sont les parents qui gèrent le fonctionnement, mais ce sont des professionnels qui encadrent les enfants.
Théo Darrieusec, directeur adjoint, en explique les rouages : "On pense que des personnels bien traités seront des personnels bien traitants avec les enfants. Ça passe par avoir des salaires attractifs. On propose aussi des conditions de travail favorisées, c’est-à-dire que les salariés ont 10 semaines de congés payés, des primes, des jours enfants malades. Les salariés sont en vacances une semaine toutes les six semaines, ce qui permet de se reposer et de revenir en forme, parce que c’est un travail qui est quand même très usant."
Résultat ? "Les parents nous le disent, le personnel est avenant, souriant, accueillant, disponible… On a beaucoup de retours très positifs des familles qui nous disent qu’elles sont en confiance avec nous."
Baser la formation sur les neurosciences ?
Elisabeth Laithier, est en visite dans de nombreuses structures partout en France, comme en Côte-d'Or le 12 avril, elle discerne des axes d'amélioration. "Je pense que ce qui est à revoir, c’est la formation des professionnels de la petite enfance. Les formations initiales et continues doivent davantage prendre en compte toutes les découvertes qu’on a aujourd’hui grâce aux neurosciences sur le développement cérébral d’un tout-petit. Il entend, il ressent, ce n’est pas une chose, ce n’est pas un bout de tissu."
Théo Darrieusec rejoint la présidente du comité de filière sur le point de la formation. "Tous les professionnels de santé qui souhaitent faire une formation dans l’année, on s’engage à ce qu’elles puissent la suivre. Tous les mois, les professionnels vont en formation." Légalement, la crèche ne pourrait avoir que 40% du personnel diplômé dans l’établissement, "nous on a bien plus que ça", s'enorgueillit le directeur adjoint.
Même principe pour les effectifs, "la P'tite fac" voit plus grand : "deux professionnels pour dix enfants, ce n’est pas des conditions convenables qui peuvent répondre aux besoins des enfants, donc nous on est au-dessus pour douze bébés, on a quatre professionnels encadrants."
120 000 assistantes maternelles demandées à l'accueil
Les métiers de la petite enfance n'attirent plus. Aujourd’hui en France, rien que dans l’accueil collectif, le secteur réclame 10 000 professionnels auprès des enfants. "Et les assistantes maternelles qui sont aujourd’hui approximativement 240 000, en 2027-2030, donc demain, la moitié sera partie en retraite. Il faudrait 120 000, pour arriver seulement à l’équivalent d’aujourd’hui", assure Elisabeth Laithier.
Face à ce constat, la présidente du comité de la filière petite enfance voit deux grands axes à faire évoluer. "Une revalorisation salariale car ce sont des métiers compliqués, fatigants, difficiles avec de lourdes responsabilités et qui ne sont pas payés à hauteur de ce qu’ils devraient l’être. La seconde c’est une revalorisation de l’image de ces métiers. On reste encore trop sur l’image des années 50 : c’est une nounou, c’est une tata, on change les enfants… ce n’est pas du tout ça. Bien sûr il y a ces gestes du quotidien, mais ce sont des métiers de l’éveil."
L'IGAS de son côté préconise 38 recommandations pour améliorer la qualité de l'accueil.
Mais elle n'oublie pas "la multitude de professionnels et de structures qui ont des projets pédagogiques de qualité. Des vrais professionnels qui s’occupent des enfants et de leur éveil."