Les infirmiers montent à Paris jeudi 4 avril pour manifester et déposer leurs revendications auprès du ministère de la Santé à 14h. Un mouvement global s'est structuré depuis fin décembre 2022, et a pris de l'ampleur en Bourgogne comme ailleurs en France.
Depuis la crise sanitaire du Covid, les infirmiers libéraux sont dans l'attente d'une reconnaissance de leur profession et de mesures de revalorisation face à l'inflation grandissante. Ils se disent "oubliés du Ségur de la Santé" .
Manifester pour se faire entendre
Une manifestation est prévue à Paris jeudi 4 avril, pour rencontrer un représentant du ministère de la Santé et présenter leurs revendications.
Anne-Gaëlle Kramer est infirmière libérale à Longvic (Côte-d'Or) et membre de la coordination Bourgogne-Franche-Comté du collectif des infirmiers libéraux en colère. Selon elle, la profession est assez isolée, et peu fédérée (syndicats, associations...) "On est une profession qui travaille seule, on n'a pas de grand groupe pour se rencontrer. C'est vraiment par les réseaux sociaux qu'on a réussi chacun à parler de nos problèmes quotidiens. Et en fait, on a tous les mêmes soucis."
Ce que les infirmiers ont du mal à accepter, c'est que l'effort fourni au moment de la crise sanitaire du Covid n'a pas été suivie d'effets : "On s'est tellement impliqués au moment du covid qu'on s'est sentis lâchés après, alors que nous sommes une profession où on ira toujours vers les patients, on a une obligation de continuité de soins."
Les infirmiers espèrent être un millier présents à Paris, près de 4000 confrères ont signé une pétition, ne pouvant participer au rassemblement. Ils seront accompagnés par une trentaine de députés de tout bord politique, une proposition de loi de revalorisation a également été portée par le député (LR) de l'Isère Yannick Neuder.
Des revendications salariales et une reconnaissance de la profession
Les revendications commencent tout d'abord par une revalorisation salariale : "nous avons été exclus du Ségur de la Santé."
Les infirmiers réclament la revalorisation des actes médicaux infirmiers (AMI), et de "les indexer sur l'inflation". Le collectif rappelle que "le barème est resté bloqué depuis une augmentation de 15 centimes datant de 2009" et souhaitent "un AMI à 4€.". Il s'élève actuellement à 3€15 brut.
Alors que le salaire moyen d'un infirmier libéral est autour des 4000 euros par mois (moyenne nationale donnée par le ministère de la Santé), "il faut dire que c'est du salaire brut et qu'on a entre 50 et 60% de charges à imputer à ce salaire", nuance Anne-Gaelle Kramer.
"On a des charges qui ont explosé, des prévoyances santé qui ont explosé car on n'a pas de cotisations pour un arrêt maladie, ça a pris 138% d'augmentation depuis le Covid. On a l'URSSAF à payer, notre caisse de retraite et on a toutes nos assurances, professionnelles, celle du véhicule, l'essence a explosé. On fait entre 100 et 200 km par jour. Et ces 4000 euros bruts, c'est davantage pour 60 à 70 heures de travail par semaine, que pour 35 heures. "
Une infirmière libérale "gagne aujourd'hui beaucoup moins qu'à l'hôpital pour le même nombre d'heures." L'infirmière libérale précise que "la profession a une obligation de soins, si on part en vacances, il faut trouver une remplaçante, c'est compliqué car il y en a de moins en moins."
On n'est pas reconnu en travail pénible.
Anne-Gaëlle Kramerinfirmière libérale à Longvic (Côte-d'Or)
D'autre part, une reconnaissance de l'expertise médicale est souhaitée par la profession, par exemple "poser un pansement en urgence, pour cela, il faut une prescription médicale. On a une expertise infirmière liée à nos études et à notre expérience, qu'on peut mettre en place, et qu'un médecin peut viser après. Ça nous permettrait de gagner du temps sur certaines pathologies et aussi d'aider dans certains déserts médicaux."
Autre reconnaissance attendue par la profession, la pénibilité du travail dans la prise en compte de la retraite. "On a la retraite à 67 ans, on n'est pas reconnus en travail pénible, alors que nous accumulons les critères de pénibilité (stress administratif, trajets nombreux, amplitudes horaires...)
Désertification infirmière
Actuellement, ils sont 125 000 infirmiers sur le territoire. Mais Anne-Gaëlle Kramer évoque qu'à la suite d'un sondage dans le collectif, "dans 5 ans, on estime qu'il y aura 58 % des infirmiers libéraux qui vont fermer leur cabinet. Il y a déjà un gros désert médical, le désert infirmier existe également. On a des infirmiers qui ne vont plus pratiquer certains actes simples dans les déserts médicaux, car ils travaillent à perte, comme pour une prise de sang par exemple."
Un collectif qui existe depuis un an
Le "collectif des infirmiers libéraux en colère" est né en mars 2023, après la période Covid et les confinements. Comme le souligne Anne-Gaëlle Kramer, du collectif Bourgogne-Franche-Comté, "on était les seuls à travailler pendant le Covid, à aller chez les gens qui avaient besoin de soins, de tests, que l'hôpital ne pouvait pas prendre en charge. On nous a promis monts et merveilles mais on n'a rien eu."
Autre facteur qui a amplifié la colère des infirmiers libéraux, un reportage TV sur les fraudes à la sécurité sociale : "on nous a présenté comme des fraudeurs. Un groupe Whattsapp s'est créé et ça s'est amplifié en montant en association cette ampleur de la colère des infirmiers."
Puis des actions ont eu lieu comme une pétition déposée sur change.org, toujours en cours , "on a rencontré des députés. Notre colère a été ranimée en janvier, parce qu'on a été augmentés des frais kilométriques de 25 centimes d'euro bruts, on est passés de 2,5€ à 2,75€ bruts du kilomètre. On s'est sentis méprisés."
Depuis fin janvier, ce sont des opérations 'escargot' qui avaient été menées ou des opérations de tractage sur les marchés, les péages d'autoroute, une manifestation nationale s'était déroulée le19 mars.