Comment j'ai galéré pour obtenir un rendez-vous dans la journée chez un médecin généraliste à Dijon

Comme beaucoup de personnes cet hiver, je suis tombé malade. D'importantes quintes de toux et des maux de crâne m'ont poussé à me rendre chez un médecin généraliste ce lundi 8 janvier. Mais obtenir une consultation pour le jour-même n'a pas été facile. Récit.

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La bonne santé, c’est ce que l’on se souhaite pratiquement tous le soir de la Saint-Sylvestre. Mais quelques jours après le passage à 2024, voilà que la mienne m’a gentiment laissé tomber. Rien de grave, mais une toux suffisamment sèche, un mal de crâne suffisamment prononcé et un nez suffisamment bouché pour que je me décide à consulter un médecin généraliste.

11 % des Français sans médecin traitant

Problème : comme 11 % des Français selon une étude du Sénat de 2022, je n’ai pas de médecin traitant. "C'est une vraie problématique les personnes qui n'ont pas de médecin généraliste. L'Assurance maladie s'en saisit avec une action forte auprès des personne à risque et en affection longue durée. Elle les met en contact avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), on en a 5 en Côte-d'Or. Elles représentent des médecins libéraux qui se mobilisent sur un territoire", décrit Aline Guibelin, déléguée départementale de l'Agence Régionale de Santé (ARS), en Côte d'Or.

De mon côté, je n'ai plus de médecin traitant depuis que j'ai déménagé. Ce lundi 8 janvier, j’ai donc essayé d’aller consulter un professionnel de santé dijonnais. Comme beaucoup de monde, internet est mon meilleur ami et je cherche en ligne l’adresse d’un médecin généraliste proche de chez moi.

Un célèbre moteur de recherche m’indique le nom d’un praticien aux multiples avantages. Son cabinet est à cinq minutes à pieds de chez moi, il est ouvert, les avis sont très bons (certains parlent même du "meilleur médecin de Dijon") et il est consultable sans rendez-vous.

Je brave donc le froid et me rends à 8h30 vers son officine. Arrivé sur place : une belle plaque dorée comme chez tous les médecins. Mais souci, elle indique que le docteur ne reçoit que sur prise de rendez-vous.

J’appelle alors le numéro indiqué. Un réceptionniste me répond directement. "Bonjour, je cherche un médecin généraliste, je suis malade depuis deux jours. Est-ce qu'il serait possible d’avoir une consultation dans la journée s’il-vous-plait ?". La réponse fuse, assez sèche : "Le docteur ne s’occupe que des patients déjà enregistrés. Ce n’est pas possible. Bonne journée, au revoir". Dommage, j’aurais bien aimé vérifier s’il s’agissait vraiment du meilleur généraliste de Dijon.

Sur Doctolib... trois médecins ont un créneau ce lundi

Internet ne m’a pas été d’un grand secours et m’a indiqué une fausse information, mais je retourne sur mon téléphone et lance l’application Doctolib. La plateforme permet de prendre en ligne un rendez-vous avec n’importe quel professionnel de santé. Elle compte plus de 50 millions d’utilisateurs en France et recense près de 340 000 personnels soignants sur le territoire. 86 % des patients qui passent par Doctolib habitent d’ailleurs en dehors des cinq plus grandes villes du pays.

Petite recherche rapide donc. "Que voulez-vous ? – un médecin généraliste. Dans quelle ville ? Dijon, Côte-d’Or, 21000". 228 praticiens me sont proposés. Le hic : aucun créneau n’est disponible pour un rendez-vous le jour-même. Il faut même attendre une semaine chez certains docteurs. J’affine alors ma sélection et trie les professionnels de santé par disponibilité. Après avoir cliqué sur "aujourd’hui", je tombe sur… trois médecins.

L’un est à Vougeot, à 30 minutes de route de chez moi, l’autre est à Daix, à quelques kilomètres de Dijon, le troisième est bien dans la Cité des Ducs, mais à 45 minutes de marche. Car je précise, je n’ai pas de voiture. Alors marcher trois quart d'heure dans le froid, alors que je tousse depuis 2 jours, non merci. Je préfère ne pas prendre de rendez-vous.

Je me rends dans un centre de soins non-programmés

Je choisis alors une autre option : me rendre à Urgencemed, un centre médical de soins non-programmés. C’est à 15 minutes de tramway de chez moi et un médecin libéral reçoit sans rendez-vous. Sur son site, la structure se décrit comme "un réseau qui intervient en soutien des établissements hospitaliers et des cabinets de médecine de ville pour compléter l’offre de soins de proximité sur des horaires élargies".

A Dijon, Urgencemed est ouvert du lundi au vendredi de 9 heures à 20 heures, et de 9 heures à 12 heures le samedi. "Les centres s’implantent en priorité là où les besoins sont les plus élevés, notamment dans les quartiers comprenant des populations en difficulté d’accès aux soins", ajoute le réseau sur son site internet.

Dijon, une zone où les besoins sont les plus élevés si on en croit cette structure ? Selon des chiffres de l’Agence Régionale de Santé, en 2018, le nombre de médecins généralistes par habitant était plus faible dans notre grande région qu’en France. 9,6 médecins pour 10 000 habitants contre 10,5 médecins pour 10 000 personnes en métropole.

Et pourtant, même au niveau national, le nombre de praticiens a baissé de 1 % par rapport à la population dans chaque département en France entre 2017 et 2021, selon le géographe de la santé Emmanuel Vigneron.

Mais la situation s'améliore en Côte-d'Or selon l'ARS. En 2022, on compte 760 médecins généralistes au total dans le département, un de plus qu'en 2021. "En Côte-d’Or on est plutôt bien loti. On bénéficie de grosses structures de soin, notamment les hôpitaux qui emploient beaucoup de spécialistes de santé, et on a l’attractivité de la Métropole avec le pole universitaire. Des jeunes font leurs études à la fac de médecine et souhaitent rester sur le territoire", décrit Alien Guibelin.

Mais il existe des disparités régionales. Toujours d’après l’ARS, en Bourgogne-Franche-Comté, "76,1 % de la population vit désormais sur un territoire éligible à des aides au maintien ou à l’installation de professionnels de santé".

Parmi les territoires concernés en Bourgogne, une grande partie de l’Yonne, de la Nièvre, mais aussi la Saône-et-Loire, autour de villes comme Autun, Le Creusot, Montchanin, Gueugnon ou encore Charolles. En Côte-d’Or, c’est surtout le nord du département qui est ciblé et les secteurs de Montbard, Châtillon et Is-sur-Tille.

Des épidémies saisonnières, et un embouteillage chez les généralistes

Dijon et une partie de la Côte-d'Or, mieux lotis que la plupart du territoire bourguignon donc. Alors pourquoi ai-je des difficultés à trouver un médecin généraliste ce lundi ? A cause des épidémies saisonnières. La période est particulièrement intense pour les praticiens.

Prenons le cas de la grippe par exemple. Elle survient généralement entre décembre et mars. Selon les chiffres de Santé Publique France, elle représente à elle-seule tous les hivers un million de consultations en médecine de ville en moyenne. "Le poids de la grippe saisonnière est donc considérable sur le système de soins mais également sur la société en général", précise Santé Publique France.

Il faut également rajouter les épidémies de bronchiolite qui touchent les enfants mais aussi les personnes âgées, la vague de Covid pendant les vacances de Noël et également les nombreux cas de gastro-entérite. 

C'est aussi la période des vacances. Cette période a été assez compliquée, on a dû serrer les dents.

Aline Guibelin, déléguée de l'ARS en Côte-d'Or

Autre aspect, les fêtes de fin d'année, avec des départs de médecins en vacances, qui n'arrivent pas à trouver de remplaçant. "L'enjeu, c'est que la population se dise qu'il peut y avoir plusieurs formes de prise en charge. Il y a le rendez-vous médical, mais on peut appeler également le 15, pour obtenir un conseil puis aller en pharmacie. En décembre, au 15, on a reçu 1 800 appels par jour. Il faut aussi conforter ces habitudes prises pendant le Covid : se laver les mains, aérer, télétravailler quand on est malade", conseille Aline Guibelin.

Analyse faite, me voilà donc en route pour Urgencemed, que certains professionnels de santé critiquent, dénonçant une "ubérisation" du système de santé et craignant que l’intérêt financier prenne le pas sur l’aspect médical.

Une fois sur place, je dois me présenter devant une grande borne. Sur l’écran, plusieurs choix. "Vous avez un rendez-vous Doctolib / Vous avez été redirigé par le SAMU / Vous avez été transporté par les pompiers ou une ambulance / Vous venez pour une consultation de médecine générale / Vous venez pour une consultation pédiatrique".

Je clique sur la quatrième option. Il m’est alors demandé d’insérer ma carte vitale. Quelques secondes après, j’ai mon numéro de consultation. Il me suffit d’attendre patiemment qu’on m’appelle.

1 heures 30 d'attente, 10 minutes de consultation, mais un diagnostic posé

Dans la salle d’attente, six personnes sont déjà là. Deux mères de famille avec leur fille, deux retraités et deux hommes d’une petite trentaine d’années. Arrivé à 9h30, je suis pris en charge à 11 heures par un médecin. 10 minutes d’auscultation. "Avez-vous des pathologies médicales particulières ? – Non. Avez-vous des antécédents familiaux ? Non. Est-ce que vous fumez ? – J’essaie d’arrêter". Test respiratoire des poumons, observation de ma gorge, un petit échange sur mes symptômes et voilà le diagnostic posé. J’ai une rhinopharyngite qui tend vers la laryngite.

Le praticien me prescrit des médicaments, sirop, doliprane et de la cortisone pour retrouver ma voix abimée. La séance a été un peu expéditive, mais je suis fixé et mon état de santé ne méritait certainement pas plus de temps passé avec le docteur.

Au moment de quitter le cabinet, petit coup d’œil sur la salle d’attente. Elle s’est remplie durant mon entretien avec le médecin. Près de dix personnes sont assises sagement. "Il y a du monde. Aujourd’hui, c’est une grosse journée", glisse le praticien à un patient qui trouve l'attente un peu longue.

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