Six heures d'attente, sur un brancard installé en plein milieu d'un couloir, c'est la situation vécue ce mardi 2 janvier par une patiente qui s'est rendue aux urgences du CHU de Dijon (Côte-d'Or). Le service est actuellement saturé, face à la forte activité liée à la nouvelle année.
C’est une période que l’on sait toujours difficile pour les hôpitaux et les services d’urgence. La nouvelle année et son lot de grippes saisonnières, d’accidents domestiques ou encore de blessures allant du petit au gros bobo.
Un moment redouté par les professionnels de santé et un pic d’activité qui semble fragiliser une situation déjà tendue aux urgences du CHU de Dijon (Côte-d’Or). "C’est vraiment la galère. Pour le corps médical aussi. Je suis arrivée à 14 heures, la salle d’attente était pleine, les gens attendent qu’on les traite. J’ai été prise en charge vers 20 heures et j’ai pu partir à 23 heures", raconte une patiente qui s’est rendue ce mardi 2 janvier aux urgences pour un problème au cœur.
Trois médecins de service seulement
Sur place, une centaine de personnes, pour trois médecins de service. "Il y a un problème structurel que l’on vit toute l’année et qui s’accentue en période de forte activité. Alors qu’il faudrait quatre médecins aux urgences, il y en a trois, voire deux à certains moments. Il y a un souci récurrent d’effectif", affirme François Thibaut, secrétaire général adjoint de la CGT au CHU de Dijon.
Dans les rangs, peu de médecins donc. Car les urgences n’attirent plus les personnels soignants. "On a du mal à garder du monde et les urgences n’y échappent pas. Les plus anciens ont quatre à cinq ans d’expérience. Les autres, ce sont des jeunes qui veulent aller dans des services plus calmes", décrit le syndicaliste.
Le manque d’effectifs induit des temps d’attente plus longs. Si les soins sont réalisés, les procédures d’orientation sont, elles, ralenties. "La priorité des médecins, ce sont les soins, ce n’est pas forcément de finaliser les dossiers pour que le patient intègre un service. Il faut attendre plusieurs heures pour trouver un lit. Les délais s’allongent car les ressources, notamment humaines, se tarissent", décrit François Thibaut.
Près de 50 brancards dans les couloirs, faute de lits
Parmi les ressources manquantes : les lits. C’est le cas au CHU de Dijon qui manque de places disponibles. Les patients pris en charge sont alors installés sur des brancards. La patiente qui a accepté de nous parler a vécu cette situation. Elle a été installée sur un lit roulant dans un couloir.
"On m’a mis sur le dernier qu’il leur restait. Au début, j’étais dans un couloir avec une cinquantaine de brancards, c'était une véritable enfilade, puis dans une salle d'attente avec environ 10 brancards. Et il y avait une autre salle dans l'entrée des urgences, avec 50 autres patients qui attendaient que les places sur les brancards se libérent", raconte-t-elle.
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"Les brancards, ce n’est pas nouveau. C’est tristement devenu notre quotidien, réagit François Thibaut. On a un système marginal, le lit d’aval dans lequel on place le patient qui passe aux urgences. Mais on n’arrive plus à gérer les flux".
Une activité "soutenue" mais "habituelle" selon le CHU... qui met en place un système de régulation
Contacté, le CHU de Dijon nous indique que l’activité est certes "soutenue", mais "habituelle". "La prise en charge des patients en salle d’attente a été renforcée en conséquence et les délais d’attente sont stables", nous précise le service communication de l’hôpital dans un mail.
"Ils sont dans le déni. La hausse des cas de Covid, de grippe, de bronchiolite ne simplifient pas les choses. Mais ces difficultés, on les vit toute l’année, avec des accalmies de quelques jours puis des périodes d’embouteillages", répond de son côté François Thibaut.
Car il arrive des patients de toute la grande Région soient envoyés au sein du service dijonnais. "Beaune, Semur, Châtillon, la situation est difficile partout. Les urgences de Dijon sont fortement mises à contribution. Il y a parfois des transferts depuis Lons-le-Saunier", témoigne le secrétaire adjoint de la CGT.
Selon la Fédération hospitalière de France (FHF), la situation dans les services d’urgences s’est dégradée de 41 % cette année par rapport à 2022. Quant à l’accès aux lits d’hospitalisation, la situation s’est détériorée de 52 % en un an d’après la FHF.
Pour autant, notre patiente salue le dévouement du personnel médical qui s’est occupé d’elle. "Ils ne peuvent pas faire autrement. Ils ont fait le maximum. Moi, je leur tire mon chapeau d’être toujours aussi motivés. Ce sont des gens extraordinaires, ils font le maximum malgré les conditions".
C’est terrible ce qu’ils vivent. J’ai énormément de compassion et d’admiration pour les soignants.
Une patiente du CHU de Dijon
"Il ne faut pas affoler la population. On soigne les gens aux urgences, on ne les laisse pas avec leur douleur, mais ça prend du temps, notamment pour les orienter et les héberger", appuie François Thibaud.
En cette période de forte activité, les urgences du CHU de Dijon sont soumises à une régulation par un appel au 15. En cas de situation grave, les patients peuvent appeler le Samu. Ils s’entretiennent alors avec un médecin qui les oriente vers les urgences ou un professionnel de santé en fonction de la situation.
En cas d’état non-urgent, il est conseillé d’appeler d’abord son médecin traitant, et d’appeler le 15 s’il n’est pas disponible. "Toute personne se présentant spontanément sur place pour des urgences non vitales pourra être réorientée vers une autre solution de consultation", précise le CHU de Dijon.
D’après la FHF, trois quarts des Samu-Centres 15 disent avoir eu besoin de renforts d’assistants de régulation médicale durant l’année. Mais seuls un tiers d’entre eux ont pu en obtenir.