PORTRAITS. Plongée dans l'univers des influenceurs : "je n'ai jamais eu l'objectif d'en vivre"

Ils cumulent des millions d'abonnés, engrangent des milliers d'euros pour une simple photo et font même trembler les bourses mondiales. Mais pour certains influenceurs, les réseaux sociaux permettent avant tout de partager leur passion. Portraits.

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C'est une profession de tous les excès. De Dubaï à Miami, en passant par Bali et les Seychelles, les influenceurs et influenceuses, ces stars des réseaux sociaux spécialisés dans le très lucratif business de l'influence, exposent quotidiennement leurs luxueux trains de vie à leurs centaines de milliers - voire millions - d'abonnés. Mais loin de toute cette démesure, de nombreux Français ont eux aussi fait le choix de se lancer sur internet - pour partager, avant tout, leurs passions au plus grand nombre.

Benjamin Prin fait partie de ceux-là. Ce Dijonnais, fan de la série d'animation japonaise Goldorak diffusée dans les années 70, s'est lancé sur YouTube il y a près de cinq ans. "Moi, à la base, je suis collectionneur de figurines", explique celui qui a adopté le pseudonyme "Glk Go" sur la plateforme de vidéos en ligne. "Mais juste avoir des figurines posées dans une vitrine, arrive un moment où ça ne m'intéresse plus vraiment. J'ai vraiment envie de raconter l'histoire derrière ces jouets. Alors un jour, j'ai reçu une figurine peu commune, et je me suis dit 'tiens, si je la présentais en vidéo ?' Et puis j'en ai fait une, puis deux, puis trois..."

Autre passion, même histoire. Sur Instagram, sur son compte aux presque 30 000 abonnés "Loubaska", Doriane s'est spécialisée dans le partage de bonnes adresses, particulièrement de restaurants, dans la cité des ducs. "Il y a 10 ans déjà, j'aimais beaucoup montrer les restaurants que j'aimais bien sur Facebook, même si tout le monde se fichait de moi", sourit-elle. Là encore il y a cinq ans, elle décide de se lancer sur le réseau au logo rose. "Je me dis que tout le monde fait des restaurants. Alors autant qu'ils dépensent leur argent dans quelque chose de bon, même si c'est subjectif !"

Sauter le pas

Pour d'autres, le déclic se produit au moment du premier confinement, au printemps 2020. Comme pour Zoé Bastien et son frère Tom, respectivement 19 et 15 ans. Eux optent pour TikTok, la plateforme chinoise ultrapopulaire notamment auprès des adolescents. "On s'ennuyait alors on a créé notre compte ["zozo_toto21", ndlr] et on a commencé à faire des vidéos drôles et humoristiques avec mon frère", se souvient la jeune femme. "On s'est dit qu'on allait voir si ça marchait ou pas, même si le but était plutôt de s'amuser que de faire des vues." Pari réussi puisque leur compte cumule aujourd'hui plus de 530 000 abonnés, et près de 29 millions de "J'aime".

Avec mon frère, on est un peu foufou, donc on a voulu partager notre bonne humeur.

Zoé Bastien,

star dijonnaise de TikTok

Le confinement au début de la pandémie a également été un vecteur important pour l'activité de Cindy, qui a développé une communauté de 58 000 abonnés autour de la couture. Installée à Dijon depuis septembre 2021, elle s'est lancée sur Instagram après la naissance de son troisième enfant, dans l'optique de garder un album photo des "cousettes" qu'elle réalisait. "C'est devenu mon activité principale début 2021. Mais j'ai commencé à vraiment me faire rémunérer début 2020. Quand il fallait occuper des gens à la maison, c'est là que beaucoup de marques ont commencé à faire appel à nous."

To business or not to business

Car partage de passion ou pas, la question de la rémunération se pose rapidement. "Je me suis lancé là-dedans totalement par hasard, et je n'ai jamais eu le but d'en vivre", affirme Benjamin Prin. Il l'assure : encore aujourd'hui, il croit "moyennement" au fait d'arriver à en vivre. Pourtant, depuis quelques mois, il a fait de ses activités sur internet son métier. "YouTube, directement, ne me rapporte pas vraiment d'argent. Mais les à-côtés, si. C'est pour ça que je développe en parallèle mes réseaux sociaux, pour en faire une vitrine publicitaire pour le reste."

Une vitrine qui semble déjà porter ses fruits. Le Youtubeur a en effet été approché par une grande chaîne de streaming pour participer à la réalisation d'un documentaire. Il sera également présent au musée du jouet le 22 janvier prochain, pour une prestation rémunérée par un créateur de figurines. "Le réseau est vraiment important, peut-être plus que le nombre d'abonnés", souligne-t-il.

Reste que la rémunération demeure un sujet plutôt sensible. "Je préfère ne pas en parler, car il peut y avoir de la jalousie", avoue gentiment Doriane "Loubaska". "Je gagne plus que quand j'étais cadre. Mais ce ne sont pas non plus des salaires à 15 000 euros." De fait, la jeune femme a adopté une politique "d'aide au commerçant", c'est-à-dire qu'elle ne perçoit pas d'argent de la part de ceux qui viennent de se lancer. C'est d'ailleurs par les demandes des commerçants que passe son activité. "Moi, je ne demande rien ! En général, ce sont les commerçants eux-mêmes qui me contactent."

"C'est vraiment un coup de chance", acquiesce Cindy. "Même si je m'appelle comme ça et que ça fait influenceuse à fond, je ne me suis jamais dit que j'allais faire ça. Mais c'est vrai que j'ai de la chance, j'en vis bien, même si ça peut s'arrêter du jour au lendemain."

"On pourrait en vivre, mais on n'en vit pas", avance quant à elle Zoé Bastien. La jeune femme, qui travaille dans le commerce, effectue en parallèle des partenariats rémunérés avec des marques. Mais pour elle, pas question d'en faire son activité permanente : "C'est un métier éphémère, ça peut rapidement ne plus marcher. Ce n'est pas quelque chose pour toute la vie, comme un 'vrai' boulot."

Far West numérique ?

Pourtant, aux yeux de la loi, les influenceurs sont peu ou prou soumis aux mêmes règles que les autres travailleurs. "On est auto-entrepreneur. On crée notre entreprise et quand on reçoit des cachets, on fait comme tout le monde, on les déclare. Et l'État nous ponctionne bien trop dessus", lance Benjamin Prin avec humour. 

Mais malgré tout, la profession reste peu régulée. "Comme tout le monde, on fait des déclarations à l'Urssaf et il y a quelques règles quand on parle d'alcool* par exemple", détaille Doriane. "Mais on est quand même un peu livré à nous-mêmes. On n'est pas très bien encadré." Une situation qui pourrait toutefois changer dans les prochains mois. Plusieurs propositions de loi ont en effet été déposées fin 2022 par des élus issus de divers partis de gauche, afin de mieux réguler les pratiques commerciales "liées au marché de l'influence sur internet".

*la publicité en faveur des boissons alcoolisées doit comporter un message d'avertissement sur les dangers de l'abus d'alcool.

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