Reconquête! : un an après, quel est le bilan du parti d'Eric Zemmour en Bourgogne ?

Reconquête! fêtait son premier anniversaire le 5 décembre 2022. Entre temps, le parti d'extrême droite est passé par deux élections aux résultats décevants. En Bourgogne, que retenir de cette première année ?

Le 5 décembre 2021, Eric Zemmour prenait officiellement la tête de Reconquête!, un parti politique d'extrême-droite avec un objectif clair et assumé : permettre à l'ancien journaliste de remporter l'élection présidentielle d'avril 2022. Depuis des mois, des sections de soutien à sa candidature s'étaient déjà créées dans plusieurs régions et départements.

La Bourgogne n'a pas fait exception. À Dijon, la fédération côte-d'orienne de Reconquête! avait vu le jour de manière précoce, dès le 16 avril 2021, bientôt suivie par une antenne de GénérationZ, le "mouvement jeune" accolé au parti. Sans compter que c'est un édile côte-d'orien, Loup Bommier, maire de Gurgy-le-Château, qui avait été le premier élu local à soutenir publiquement Eric Zemmour dans la course à l'Elysée.

Depuis, une année et deux élections sont passées. Deux scrutins décevants pour Reconquête!, aussi bien au niveau national que régional. A l'heure du bilan, Reconquête! n'aura pas réussi à s'implanter en Bourgogne. Au 1er tour des élections présidentielles, les suffrages en faveur d'Eric Zemmour ne dépassaient pas les 8 % (maximum 7,66 % des suffrages en Côte-d'Or), et ce dans chacun des départements bourguignons. 

Dans la droite lignée de ces mauvais résultats, les législatives n'auront pas permis à Reconquête! de redresser la barre. Pourtant, en Bourgogne, le parti avait réussi le tour de force de présenter un candidat local dans chaque circonscription. Sans succès, les candidats Reconquête! ayant tous été éliminés au premier tour, en récoltant entre 2,8 % (5e circonscription de Saône-et-Loire) et 4,8 % (2e circonscription de Côte-d'Or) des suffrages.

Comment expliquer ces mauvais résultats ? France 3 Bourgogne est allé poser la question aux acteurs bourguignons du parti d'extrême-droite. Paul Téqui, aujourd'hui chargé de mission régionale chez Reconquête!, a été battu en juin dans la 1e circonscription de l'Yonne : "Les médias nous ont tellement placé haut dans les sondages qu'on y a cru. On est retombé durement", s'explique-t-il.

"On souffre aussi d'une mauvaise image. Certaines personnes n'ont pas osé m'accorder des financements. Et puis nous sommes jeunes, nous n'avons pas pu bénéficier d'un maillage territorial assez fort".

Paul Téqui,

candidat Reconquête! dans l'Yonne aux législatives 2022

L'Icaunais admet malgré tout des erreurs internes :"Je pense que notre projet était bon, mais on n'a pas su le présenter. On s'est laissé enfermer dans l'immigration. Localement, plus insister sur le social ou l'économie aurait peut-être changé la donne".

Pour Antoine Camus, délégué départemental Reconquête! en Côte-d'Or, "le manque d'alliance nous a tué localement". Autre raison invoquée pour justifier les contre-performances, "la guerre en Ukraine, qui a reporté l'attention des électeurs sur les questions internationales, et plus sur les questions d'immigration"

Un vote utile en faveur du Rassemblement national

Dominique Andolfatto, professeur en sciences politique à l'université de Bourgogne, met quant à lui en lumière une autre raison : "Reconquête! n'a tout simplement pas trouvé sa place sur l'échiquier politique, coincé entre le Rassemblement national et Renaissance. Résultat, en voyant le score très bas de Zemmour aux présidentielles, certains de ses partisans ont préféré un vote utile en faveur du RN pour les législatives".

Un vote utile qui explique donc pourquoi aucun candidat Reconquête! n'a dépassé les 5%, pas même des élus implantés localement et déjà connus de la population comme Franck Gaillard, maire de Chaume-et-Courchamp ou Loup Bommier, maire de Gurgy-le-Château. "Vous remarquerez néanmoins que ce sont ces deux candidats, malgré des scores médiocres, qui ont eu les meilleurs résultats en Bourgogne", fait justement remarquer Dominique Andolfatto.

Et la suite alors ? Reconquête! et son mouvement jeune, Génération Z, ont logiquement vu leur nombre d'adhérents baisser. "On a une érosion chez les jeunes. Environ un tiers de nos militants sont partis, mais le noyau est resté" explique Antoine Camus.

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"C'est dur de remobiliser les gens : l'hiver arrive et cette année, on n'a pas d'élections" complète Jürgens Tyll, responsable régional de Génération Z, qui avoue lui même avoir pris un peu de hauteur pour "se concentrer sur ses études". 

Reconquête! est condamné à jouer les seconds, voir les troisièmes couteaux en Bourgogne

Dominique Andolfatto,

professeur de sciences politiques à l'Université de Bourgogne

Autre coup dur pour le parti : Loup Bommier, maire de Gurgy-le-Château et tête d'affiche de la section bourguignonne de Reconquête!, a indiqué à France 3 Bourgogne avoir aussi pris du recul. "Pas pour des raisons politiques", précise-t-il, "mais personnelles. J'ai une famille, j'ai un boulot, les élections m'ont pris beaucoup d'énergie. On va dire que cela fait longtemps que je n'ai pas assisté à une réunion". L'élu aurait aussi en travers de la gorge "la nomination tardive de nos candidats aux législatives, qui ne leur a pas permis de se faire connaître".

Reconquête! compte sur ses militants pour rebondir

Le soufflet Reconquête! serait-il retombé une fois pour toutes ? Pas du tout, à en croire la majorité des militants interrogés, qui se montrent confiants pour l'avenir, à l'image d'Antoine Camus : "On ne peut que mieux faire ! On a la chance d'avoir ici une équipe dynamique, jeune et on va s'améliorer au niveau du maillage local". "On a déjà écrit l'histoire", s'enorgueillit Jürgens Tyll. "Notre campagne de réadhésion est prometteuse, on voit que les militants répondent présents. Ça augure de beaux lendemains"

Dominique Andolfatto vient pourtant doucher cet enthousiasme : "Je pense que Reconquête! est condamné à jouer les seconds, voir les troisièmes couteaux en Bourgogne".

Mais pourquoi ? "Je veux bien reconnaître qu'il y a un certain dynamisme, et je les entends beaucoup se vanter de leur nombre de militants. Mais aujourd'hui, la dynamique électorale n'est plus connectée au militantisme. Regardez, le Parti communiste et ses dizaines de milliers d'adhérents ne pèsent plus rien, alors que Renaissance, sans ancrage local, a le plus de députés".

L'an I de Reconquête! est donc "l'histoire d'un échec" selon Dominique Andolfatto. "Aucun lieu de pouvoir n'a été conquis en Bourgogne, et aucun de leur candidat n'a dépassé les 5 %." Un tableau fataliste, qui traduit une implantation locale pour l'instant ratée.

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