La réforme des retraites suscite toujours de vives discussions. Après une quatrième journée de mobilisation nationale, on entend toujours que "l'avenir de nos enfants" est au coeur des débats. Mais ces jeunes, que pensent-ils vraiment de la réforme ? Nous leur avons posé la question.
Le projet de réforme des retraites cristallise de nombreuses inquiétudes. Depuis plusieurs semaines, le pays vit au rythme d’une crise sociale et de grèves reconduites. Âge pivot, système à points, disparition des régimes spéciaux mais négociations sur quelques spécificités... Alors que l'avant-projet de loi vient d'être dévoilé, de nombreuses interrogations subsistent.
Depuis deux ans, cette réforme des retraites est sur la table et discutée par les syndicats et le gouvernement. Mais le jeudi 05 décembre marque un tournant dans le débat. La première journée de mobilisation nationale contre le projet de loi réunit 1,5 millions de manifestants selon la CGT, 806 000 selon le ministère de l’Intérieur. Retrait de la réforme, suppression de l’âge d’équilibre, recul de la mise en place du système universel… les revendications sont nombreuses et les débats s’alimentent toujours de nouveaux arguments depuis le début des négociations entre les différentes parties.
Un des arguments les plus avancés reste celui d’un combat pour « nos enfants ». Pour le gouvernement, le système universel de retraite assure un avenir plus serein pour la jeune génération. Pour les syndicats, c’est tout l’inverse. « Nos enfants » pris à partie dans ce débat, nous nous sommes interrogés : mais que pensent finalement ces jeunes du projet de loi ?
« Je ne comprends rien » nous avoue Erwan, 15 ans. Il est rejoint par Appolline, étudiante au lycée Le Castel, à Dijon. Pour elle, « le gouvernement n’est pas clair du tout ». Alexis a 18 ans et tente de nous expliquer ce qu’il a retenu du projet de la réforme des retraites : un revenu minimum à 1000 €, un système de points, un bonus-malus « il me semble, à un certain âge, selon si on part plus tôt ou pas ». Pour Louis, interrogé place de la Libération à Dijon, en marge de la manifestation organisée le jeudi 09 janvier dernier, la réforme « enlèvera des avantages aux fonctionnaires ». Tout semble flou pour ces jeunes âgés de moins de 25 ans. La faute à un gouvernement qui ne communiquerait pas correctement. Mais pas que.
« Pour l’instant, ça ne nous touche pas »
« Je ne me suis pas trop intéressé parce que c’est assez loin » avoue Alexis à notre micro. Aurélie et Inès sont étudiantes et l’admettent : « on est encore étudiantes, le monde du travail c’est pas tout de suite pour nous. » Tout simplement, les jeunes se sentent peu concernés. Ils ne pensent pas être les sujets principaux de cette réforme.
Pour d’autres, la vision est différente. On ne saurait dire si elle est optimiste ou pessimiste. Mais Sacha pense qu’il devra s’organiser par lui-même pour financer sa retraite. David, étudiant en médecine, pense qu’au moment où il prendra sa retraite, « le gouvernement ne s’occupera plus de ces questions-là ».
Nous le constatons depuis plusieurs semaines maintenant, le débat est musclé et les compromis difficiles à trouver. Un élément émerge toujours : la pénibilité. Même si ces jeunes interrogés à Dijon manifestent un certain désintérêt quant à la façon dont leurs retraites seront financés, ils n’en demeurent pas moins concernés par les difficiles conditions de travail.
Rencontrés devant le lycée Le Castel, Appolline et Jean-Baptiste sont tous les deux inscrits en voie professionnelle. Elle est en hôtellerie-restauration, lui en pâtisserie.
« On va travailler plus longtemps mais on s’est engagé dans une filière où on savait qu’on allait devoir travailler longtemps » admet Jean-Baptiste.
Appolline alerte sur les conditions de travail en hôtellerie-restauration.
« A plus de 60 ans, c’est difficile de faire ces métiers. »
Le jeudi 9 janvier, 70% de Français sondés suite à l'émission spéciale réforme des retraites Vous avez la parole, estimaient que la pénibilité n'étaient pas prise en compte dans le projet de loi.
L'urgence climatique avant l'urgence sociale ?
Mais alors, si la retraite n'inquiète pas ces jeunes, qu'est-ce qui les préoccupe ? « La planète » ont répondu unanimement les jeunes sondés dans la rue. Jean-Baptiste compare le traitement médiatique de la réforme des retraites aux incendies en Australie.
On en parle pas assez, alors que les retraites on en parle tout le temps.
En 2018, le Global Shapers Survey du World Economic Forum a interrogé plus de 30 000 jeunes de moins de 30 ans à travers le monde, sur leurs inquiétudes. La première ? Le changement climatique.
Les guerres et conflits à grande échelle arrivent en deuxième position, avant les inégalités et la pauvreté.
L’année 2019 a été marquée notamment par la prise de parole de Greta Thunberg, militante écologiste, qui a soulevé des mouvements internationaux inédits de jeunes, dénonçant l’inaction de leurs gouvernements face aux changements climatiques. En mars 2019, la marche pour le climat avait rassemblé 350 000 personnes dans les rues de France selon les organisateurs. A Dijon, les jeunes interrogés déplorent la plus large manifestation contre la réforme des retraites que celle contre le réchauffement climatique.
Le climat plutôt que la retraite ? Notre micro tendu dans les rues de Dijon a permis de mettre en avant une forme de désintérêt à la réforme des retraites, par incompréhension et une grande distance du sujet. La retraite leur parait encore bien loin, tandis que le climat se dérègle sous leurs yeux.
En juin 2019, une étude de l’institut TMO pour l'Union Mutualiste Retraite, indiquait que les Français commencent à penser en moyenne à 40 ans à leur retraite, ou au moins, à la préparer. Peut-être qu’il est donc encore trop tôt pour ces jeunes interrogés de se soucier de leur retraite.