C'est une idée pleine de bon sens : permettre à des sans-abris de passer la nuit et le week-end dans des bureaux inoccupés. Une entreprise dijonnaise accueille depuis un mois un ancien sans domicile fixe dans une pièce aménagée en studio. Une première en Bourgogne Franche-comté.
"Bienvenue chez moi". Eric B. ouvre lentement la porte et dévoile une pièce aménagée avec le strict nécessaire. Une table haute avec deux chaises, deux étagères, une petite plante et, le plus important, un lit. “C’est chaleureux, je n’avais pas vécu ça depuis longtemps” sourit Eric. Il a 63 ans.
Après un licenciement, sa vie a basculé et pendant six ans, il a vécu dans la rue. Prisonnier de la situation, il n’arrivait plus à obtenir un logement pour trouver refuge. Mais depuis un mois, il habite dans ce petit studio installé dans les bureaux de l’entreprise dijonnaise AVS Communication. “Ça me resocialise, je peux prendre une douche le matin et le soir comme je veux. Les gens qui travaillent ? Je n’en vois pas beaucoup, je pars le matin de très bonne heure pour travailler,” explique-t’il.
Je me sens bien. J’ai de bonnes discussions avec le patron et tous les employés
Eric B, bénéficiaire du dispositif
Eric a un travail. Le soir, il accède aux bureaux de l’entreprise pour regagner ce logement. Une façon de reprendre pied car la vie ne lui a pas fait de cadeau. Un premier pas aussi vers la réinsertion.
Ce dispositif est rendu possible grâce aux “Bureaux du Coeur”. Cette association met en relation des personnes en difficulté, des sans abri ou encore des personnes en réinsertion avec des entreprises qui acceptent de mettre à disposition leurs locaux pour la nuit et le week-end.
“On pouvait aider, donc on l’a fait”
C’est d’ailleurs Arthur Deballon, le gérant de l'entreprise AVS communication qui a contacté l’association pour proposer un hébergement : “au delà d’embaucher des gens, les entreprises doivent essayer d’avoir une action au delà de l’aspect économique,” explique le chef d'entreprise qui a aussi convaincu l’ensemble de ses salariés. “Les équipes aujourd’hui vont même plus loin que moi, certains salariés veulent décorer la chambre. Je me fais déborder, dépasser par eux. Donc c’est une très belle aventure.”
Dans cette société spécialisée dans la conception, la fabrication et la pose de signalétique, une pièce a donc été dédiée pour accueillir une personne appelée “invité.e”. C’est sans contrepartie financière, toutefois la durée est limitée à trois mois, renouvelable une fois seulement. C’est un accueil d’urgence.
Les bureaux sont vides 70% du temps
Créée en 2019 à Nantes, l’association des Bureaux du Coeur a pour but de monter un réseau national. Aujourd'hui, près de 150 entreprises en France ont répondu à l’appel et hébergent des gens en grande précarité la nuit. Tout cela part d’un simple constat : “les bureaux ne sont occupés que 30% du temps. Sur les 70% restants ils sont pourtant chauffés ou climatisés”, détaille Hélène Tonetti, chargée de développement pour l'association des "Bureaux du Coeur".
Elle aide les entreprises à devenir des hôtes. “L’idée c’est de permettre ainsi à un “invité” d’être accueilli la nuit et les week-end, afin qu’il puisse se concentrer et mettre toute son énergie dans son projet d'insertion, au lieu de réfléchir chaque matin à : où est-ce que je vais dormir ce soir ?”.
L’idée dans le dispositif c’est que ce soit un sas entre la précarité et l’insertion
Dhalila Mehenna, assistante sociale ID'ÉES 21
Cette action s’opère en lien avec d'autres associations. C’est le cas d'Eric, le “locataire” de l’entreprise dijonnaise, il est salarié via le groupe ID’ÉES 21 : “Cette expérience va créer une forme de garantie pour des bailleurs ou des propriétaires privés pour dire : ce potentiel locataire a vécu pendant 6 mois dans une entreprise avec un type d’hébergement atypique, il a suivi les règles de vie les obligations et ça nous prouve qu’il est en capacité de vivre dans un logement autonome”, explique Dhalila Mehenna, assistante sociale ID’ÉES 21.
Au total, 300 personnes ont déjà pu bénéficier de ce dispositif pour tenter de sortir de la précarité. Une goutte d'eau comparée aux 330.000 personnes sans domicile en France.