Lancé en septembre 2022, ce collectif vise à protéger la "réserve urbaine de biodiversité du Suzon", située au nord de Dijon. La mairie, propriétaire du terrain de 3 hectares, envisage d'y construire 85 logements. Une aberration pour les activistes, qui organisent la riposte citoyenne.
“Quand la nature entre en ville… Mais elle est déjà là ! On n'a rien à faire à part la préserver !” À la lecture de ce panneau informatif installé au bord du Suzon, à Dijon (Côte-d'Or), Stéphane Dupas s'emporte. "Tous ces affichages qui disent le contraire de ce qui est fait ici !"
Membre du collectif Sauvons les berges du Suzon, il se bat depuis près de deux ans pour empêcher la mise en œuvre d'un projet immobilier sur cet espace naturel de trois hectares. "Ici, on entend encore un peu le bruit de la route, mais ce n'est pas un parc aseptisé."
Projet immobilier : 85 nouveaux logements
Comme les partisans des jardins de l'Engrenage et des Lentillères avant eux, le groupe de lutte pour la réserve urbaine de biodiversité du Suzon (RUBS) s'oppose à la mairie, fermement décidée à construire ici 85 logements. Une aberration pour les activistes. "Beaucoup d’enfants ne vont jamais à la campagne. Ce terrain, pour eux, c’est l’occasion de voir du vert", souligne Jean-Marc Convers, militant du collectif.
"Les berges du Suzon constituent le dernier espace vert dans le nord de la ville, abonde Mathilde Mouchet, elle aussi engagée. J'ai vécu les différentes phases de canicules à Dijon. C'était intenable. Le soir, en sortant du travail ou de l'école, les habitants peuvent descendre ici, il y fait 5°C de moins que chez eux."
En novembre 2022, un décret citoyen a fait de cette zone la "réserve urbaine de biodiversité du Suzon", et y interdit les constructions, l’artificialisation du sol et l’abattage des arbres. "Il y a près d'une soixantaine d'espèces de papillons, dont plusieurs menacées en Bourgogne, et près de 70 espèces d'oiseaux, énonce Mathilde Mouchet. C'est un lieu à usages multiples : détente pour les familles, balade pour les randonneurs et étude de la biodiversité pour les chercheurs."
"Permis de construire, permis de détruire"
Tout autour de la parcelle, des pancartes "Béton non merci", "Urgence place aux arbres", "Défense du vivant, c'est maintenant", fleurissent, aux côtés de quelques fleurs, signalées par de petits cartons. De quoi attirer l'œil. Seule trace du passage de la mairie, propriétaire du terrain, un permis de construire, installé au bord de la route d’Ahuy. “Permis de construire, permis de détruire”, lâche Jean-Marc Convers.
Parmi les membres du collectif, "chacun apporte son aide selon ses compétences", explique le militant. Nous avons un spécialiste des oiseaux, des papillons, des plantes, des équipes dédiées au tractage, au volet juridique…” Car pour préserver cet espace de la bétonisation, les activistes le savent : "il faut faire découvrir ce lieu aux riverains."
"Plus l'on connait son environnement, plus l'on y est attaché, l'on a envie de le respecter et d'en prendre soin, avance Mathilde Mouchet. Nous voulons rendre leur pouvoir d’action aux citoyens." Outre les opérations de tractage dans le quartier, "qu'on finit souvent à court de flyer", les activistes organisent ponctuellement des évènements sur la RUBS.
"Si on en arrive là, ce sera bien triste"
"Dimanche 7 avril, nous avons organisé le carnaval des berges de Suzon. Nous avons appris à tous ceux qui étaient présents comment réagir en cas d'intervention de la mairie." La règle est simple : "je préviens, je viens, je médiatise", énumère la militante.
Les membres du collectif n'excluent pas qu'une entreprise de BTP se présente un jour sur le terrain. “Si on en arrive là, ce sera bien triste, déplore Stéphane Dupas. Ça voudra dire que la mairie a failli et qu’il n’y a plus de dialogue. C’est dommage.”
Pour l'heure, le collectif estime pouvoir compter sur des centaines de personnes "prêtes à réagir". La pétition "Sauvons les berges du Suzon", lancée en 2022, avait récolté 2 000 signatures. Prochaine étape pour les défenseurs de la RUBS : jeudi 18 mars, le tribunal administratif de Dijon doit étudier trois nouveaux recours, déposés par le collectif, pour préserver la zone. "Quand on ne peut plus faire autrement, on passe par la voie de la justice", souffle Stéphane Dupas.