Divorce envisagé entre la Bourgogne et la Franche-Comté : retour sur dix ans de "je t'aime, moi non plus"

Il y a quelques jours, le maire de Dijon François Rebsamen envisageait la séparation de la Bourgogne et de la Franche-Comté. Depuis leur mariage en 2016, la fusion des deux régions est marquée par de nombreuses tensions. La bataille des institutions que se sont livrée Dijon et Besançon sur les dernières années a mis à mal la relation des deux entités.

Le 1er janvier 2024 a marqué le huitième anniversaire du mariage entre la Bourgogne et la Franche-Comté. Mais la relation bat de l'aile. François Rebsamen, le maire de Dijon, ne mâche pas ses mots lorsqu'il évoque le futur de la coopération entre les deux entités. "Les deux régions ne sont pas arrivées à vivre ensemble. Cette région n'avance pas ensemble. Nous sommes différents. Il faut réfléchir à une scission."

Pourtant, tous les feux étaient au vert il y a huit ans. En avril 2014, le Premier ministre de l'époque Manuel Valls annonce vouloir diviser par deux le nombre de régions en France. François Patriat, président de la région Bourgogne, et Marie-Guite Duffay, présidente de la région Franche-Comté, sont favorables à l'idée. 

Les Bourguignons et les Francs-Comtois dubitatifs

La population se montre plus sceptique. Une étude révèle qu'en 2014, 45 % des habitants de la nouvelle région Bourgogne-Franche-Comté ne sont pas satisfaits du nouveau découpage régional. Mais c'est bien pire dans le reste du nord-est de la France. L’Alsace (14% de satisfaction), la Champagne-Ardenne (29% de satisfaction) et la Lorraine (30% de satisfaction) acceptent difficilement la cohabitation.

Dans notre grande région, ce sont les Francs-Comtois qui semblent les plus mécontents (37 % de satisfaction) par rapport aux Bourguignons (57 %). À l'époque, François Sauvadet, président du conseil départemental de Côte-d'Or, demande un référendum sur le projet de rapprochement des régions, qualifiant le projet d’un “big-bang sans concertation” et d’un “passage en force" du gouvernement. Pourtant, le 1er janvier 2016, la Bourgogne et la Franche-Comté fusionnent officiellement.

Première querelle

Quelques mois plus tard, le siège du tribunal de commerce spécialisé du Grand Est est installé à Dijon. Une décision qui ne va pas dans le sens des Francs-Comtois. On se souvient alors des propos du maire de Dijon, François Rebsamen : "Il ne faut pas se comporter comme des goujats". Selon ce dernier, le choix de Dijon était une évidence, et le partage des services de l'État entre les deux grandes villes a été fait de manière équitable.

"Besançon n'est pas une citadelle assiégée par Dijon"

François Rebsamen en 2016

Maire de Dijon

Mais en interne, les figures politiques locales s’écharpent. Les personnalités franc-comtoises estiment que Dijon est favorisée, car c’est également dans la cité des Ducs que se tiendront les assemblées plénières. La Franche-Comté est selon eux la grande perdante de la fusion.

Un mode de fonctionnement qui pose question

En 2019, la Cour des comptes déclare que les nouvelles régions n’apportent pas les gains d’efficience attendus. La Bourgogne et la Franche-Comté sont concernées, notamment par la politique particulière menée régionalement. Le chef-lieu est à Dijon et le siège de la région à Besançon, une organisation qui présente des contraintes budgétaires et conduit à un fonctionnement en mode dégradé. Par exemple, les frais de déplacement montent à 570 000 euros de frais pour les agents, soit 220 000 euros de plus qu’avant la fusion.

Les nouvelles tarifications de la carte grise font polémique. La Franche-Comté payait 36 euros par cheval fiscal. La Bourgogne payait 51 euros. C’est ce tarif qui sera gardé. Une augmentation importante pour les Francs-Comtois, qui fait grincer des dents. 

La bataille des institutions

Qui dit fusion, dit aussi du changement au niveau des institutions. ARS (santé), DRAC (affaires culturelles)... Dijon et Besançon s'arrachent les sièges les plus importants. Mais c'est la gestion du cas de l'université de Bourgogne qui fait beaucoup parler. "Il y a eu beaucoup de disputes sur où se situerait le siège de l’université. Certaines personnalités bourguignonnes ne voulaient pas travailler avec la Franche-Comté", explique Dominique Andolfatto, politologue.

Il y a des querelles que l'on a du mal à comprendre.

Dominique Andolfatto

politologue

"Ce qui est regrettable, par exemple en Lorraine, il y avait beaucoup de concurrence entre Nancy et Metz. Finalement, ils ont réussi à construire une très grande université qui est parmi les mieux classées dans le monde", ajoute le politologue.

En 2022, un événement a jeté un nouveau froid sur l'université régionale : le départ de l'université de Bourgogne de la Comue BFC, un groupement universitaire régional. Un acte qualifié de "guerre fratricide" par plusieurs élus franc-comtois.

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La localisation du fonds régional d’art contemporain (FRAC) a aussi posé question. En juin 2018, il est décidé que le siège du FRAC de Bourgogne Franche-Comté doit être basé à Besançon. François Sauvadet parle alors d’une centralisation vers la Franche-Comté. "J'étais très réservé sur la fusion (...) mais en tout cas j'observe que les prises de décisions de plus en plus sont confiées à des Francs-Comtois comme (...) une espèce de réflexe de la présidente de Région qui veut se protéger (...). C'est pas comme ça qu'on construit une belle histoire", avançait-il à l'époque.

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La Franche-Comté défendait sa cause en assurant que la fusion sauverait le FRAC Bourgogne de problèmes financiers. "Ça va permettre de consolider cette fragilité qui était tout à fait dommageable pour le FRAC Bourgogne et l'addition de nos deux budgets", annonçait Patrick Ayache, président du FRAC de Franche Comté.

Après huit ans de mariage, la situation tourne donc au vinaigre. Dans un sondage "Opinionway" réalisé en février 2022, 60 % des Francs-Comtois souhaitaient que la Franche-Comté fasse sécession avec la Bourgogne.

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