Emmanuel Macron a reçu ce mardi 4 juillet 200 maires de France, pour évoquer les conséquences des émeutes qui durent depuis la mort de Nahel, abattu par un policier à Nanterre. Parmi eux, plusieurs élus de Bourgogne. La suspension des allocations aux parents des jeunes émeutiers a été abordée.
Plus de trois heures de dialogue, au cours desquelles les maires de France ont pu témoigner, raconter, évoquer leurs idées et leurs griefs. "Un genre de thérapie. On a dit ce qu'on pensait", résume David Marti, le maire (socialiste) du Creusot en Saône-et-Loire. Il faisait partie des quelque 250 élus conviés - une invitation envoyée la veille, "un peu à l'arrache" confie l'élu. Les maires étaient invités à l'Élysée autour du président de la République pour échanger sur les émeutes urbaines qui ont lieu depuis la mort de Nahel, cet adolescent tué à Nanterre par un policier lors d'un contrôle routier.
À la suite de cette réunion, Emmanuel Macron a annoncé une "loi d'urgence" pour reconstruire les équipements dégradés. Au-delà de cette mesure, de quoi a-t-il été question avec les maires ?
"Le président était à l'écoute, il prenait des notes. C'est un exercice dans lequel il excelle. Maintenant, j'attends de voir la réponse", note le maire du Creusot. Dans le contenu des discussions, le maire de Chenôve, Thierry Falconnet (PS) note "une relative unité sur le constat : de la sidération, des maires choqués, dans l'incompréhension, parfois dans la colère."
"Remettre en place l'autorité de l'État"
"Après, sur le type de réponse à apporter, les avis sont divergents", explique Fabian Ruinet, le maire (Les Républicains) de Talant, en Côte-d'Or. "Il y a deux axes : ceux qui pensent qu'il faut donner plus d'argent, mettre l'accent sur les contrats de ville, mais ce n'est pas mon avis ni celui d'Emmanuel Macron. Et ceux, comme moi, qui pensent qu'il faut remettre en place l'autorité de l'État."
Le maire de Talant plaide ainsi pour une pénalisation des parents des jeunes émeutiers :
"Je pense à la suspension des allocations familiales pour ces parents."
Fabian Ruinetmaire de Talant
"Tout le monde n'a pas la même vision, mais je suis favorable à ce "coup de poing" supplémentaire. Ce sont les parents qui ont la responsabilité de leurs enfants."
Couper les allocations, "c'est simpliste"
Une proposition répressive à laquelle David Marti, le maire du Creusot, n'est pas favorable. "C'est simpliste. Il ne faut pas croire que les parents sont tous responsables : les familles, parfois monoparentales, sont souvent dépassées. Je suis pour le fait de regarder au cas par cas : si les parents "s'en foutent", d'accord. Mais on ne peut pas généraliser."
"Et vous croyez que si on coupe les allocations à leurs parents, ces jeunes vont se dire "je vais arrêter de faire le con" ? Non, ils vont continuer en se disant que de toute façon, l'argent n'est pas pour eux."
David Martimaire du Creusot
Le maire du Creusot souhaiterait plutôt que le gouvernement se penche sur les dizaines de mesures déjà présentées par les élus dans le cadre du plan France Urbaine. "Qu'est-ce que l'exécutif en a fait ? Rien du tout."
Un "clivage traditionnel gauche/droite voire extrême-droite"
Ces divergences d'opinions sur les réponses à apporter sont confirmées le maire de Chenôve Thierry Falconnet : "Il y a un clivage traditionnel gauche/droite, voire extrême-droite : on a parlé anti-migration, pénalisation des parents... Moi, je prône l'accompagnement de la fonction parentale. Ça fait plusieurs années que l'on alerte sur le décrochage républicain d'une partie de notre jeunesse."
"Moi, je plaide pour que l'existant soit renforcé. Sur l'éducation, je salue le dédoublement des classes, les cités éducatives."
Thierry Falconnetmaire de Chenôve
"Il faut maintenir et renforcer ces moyens existants avec de la médiation, de la prévention. Or, on nous annonce la fin prochaine des crédits d'État pour la médiation. Je ne trouve pas que ce soit un bon message."
Parmi les autres points évoqués, le rôle des réseaux sociaux. Le maire de Talant Fabian Ruinet veut se pencher sur l'achat des feux d'artifice sur internet : "il y a une déviance des usages" selon lui. Le maire du Creusot David Marti insiste aussi sur les effets d'internet : "les émeutes se sont propagées comme en 2005, mais avec les réseaux sociaux, la haine et la violence deviennent plus organisées".
Les violences policières, "on en a très peu parlé"
La question des violences policières et de la mort de Nahel, qui a déclenché les émeutes partout en France, a quant à elle été peu abordée lors de cette réunion, indiquent les maires que nous avons contactés. "On en a très peu parlé. La procédure judiciaire est en cours. Mais on a dit que oui, sans doute, il faudrait revoir des choses sur la formation des policiers", indique David Marti, le maire du Creusot. "On évoque souvent la possibilité de tirer lors de refus d'obtempérer. Mais quand on regarde à l'échelle de l'Europe, c'est surtout en France qu'il y a des accidents."
"Là aussi, on est sur les vieux clivages", commente Thierry Falconnet, élu de Chenôve. "Il y a une forme de non-réponse. Il n'y a pas de consensus, et le président de la République ne s'est pas attardé dessus. Certains veulent renforcer l'arsenal judiciaire de la police municipale, je n'y suis pas favorable. Certains insistent sur la meilleure formation des policiers, qu'on mette fin aux contrôles au faciès par exemple."
"Il y a aussi la question de la justice des mineurs : faut-il criminaliser davantage ? Est-ce que c'est la solution de mettre tout le monde en prison ? On a déjà une surpopulation carcérale, on manque de place dans les centres éducatifs fermés, on manque d'éducateurs. C'est un discours contradictoire", déplore le maire de Chenôve.