Ce mercredi 20 novembre, un groupe d’étudiants et de scientifiques a numérisé en 3D les grottes de Bèze, unique cavité aménagée de Côte-d’Or. Un procédé qui pourrait permettre de révéler de nouveaux secrets.
"Là c'est joli !" Armé d'une lampe à ultraviolets, le groupe de recherches étudie les parois de la grotte de la Crétanne, à Bèze. Sous la lumière bleutée se dévoilent des formes et des constellations. "La lumière ultraviolette révèle des coulées de calcite, des films microbiens d'espèces et de genres différents. C'est utile pour comprendre l'altération des parois, et cela peut aussi révéler des peintures ou gravures préhistoriques", détaille Christophe Durlet, chercheur à l'université de Bourgogne.
Ce groupe de chercheurs et leurs étudiants, en Master 1 de géologie, a passé la journée à l'intérieur des grottes de Bèze pour les numériser en 3D.
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Plusieurs techniques employées : photogrammétrie, scanner de surface, Lidar... "Le but est d'initier les étudiants à ces techniques, et qu'ils comprennent l'intérêt d'utiliser telle ou telle méthode dans leurs travaux futurs", explique Emilie Steimetz, assistante ingénieure au laboratoire Biogéosciences de l'université.
Des inscriptions vieilles de 200 ans
Près de l'entrée, un groupe d'étudiants s'intéresse à des inscriptions gravées dans la paroi. On peut y lire : "Découverte de la grotte le 24 fev 1845 - Bouchée depuis 35 ans". Mais d'autres inscriptions, beaucoup plus petites, sont difficiles à lire. "Du coup, on a utilisé la technique de la photogrammétrie, en prenant une bonne cinquantaine de photos qui seront traitées par ordinateur", indique Edouard, étudiant.
On pourra peut-être déchiffrer des choses que l'on ne voit pas aujourd'hui, érodées par le temps. Ces gravures ont sûrement été faites par les villageois de l'époque.
Edouardétudiant en Master 1 de géologie
Pour étudier le reste, il faut naviguer sur la rivière souterraine. À bord du bateau qui nous emmène au fond de la galerie, Christophe Durlet met en route le Lidar, un scanner à 360 degrés qui mesure 300 000 points à la seconde : "Il va nous permettre de modéliser la cavité en trois dimensions. On pourra ensuite observer sur ordinateur, calculer les volumes."
D'intrigantes empreintes au plafond
Autres objets d'études qui intéressent les scientifiques : d'énigmatiques traces bien visibles au plafond et sur des dalles effondrées qui n'avaient, étonnamment, jamais été analysées. "Cela ressemble à des terriers de crustacés, de larves, de vers marins", estime Emmanuel Fara, paléontologue et professeur à l'université. Penché sur une dalle, il explique :
Ça, c'est une photographie de leur maison et de leurs traces de repas. On est à table avec eux, là où ils vivaient. C'est un instantané géologique ; ça montre aussi que le sédiment était riche en nourriture, et que la vie était active !
Emmanuel Farapaléontologue, professeur à l'université de Bourgogne
Particularité des grottes de Bèze : ces traces fossiles, vieilles de 150 millions d'années ont été remarquablement conservées. "Cela nous donne beaucoup d'informations sur les conditions qui régnaient dans ces mers au Jurassique", complète Emmanuelle Vénnin, spécialiste en sédimentologie. Ici, à l'époque, c'était une mer tropicale, chaude et peu profonde.
Plus loin, deux étudiants, Ethan et Raphaël, sont en train d'étudier de touts petits fossiles incrustés au plafond : "On trouve de petites épines d'oursins, des morceaux de coquillages bivalves..."
"On a des questions, et pas encore forcément de réponses à ces questions. On est les premiers à se pencher sur l'étude de ces plafonds, sur les relevés photogrammétriques, sur le scan au Lidar des grottes de Bèze", fait remarquer Ethan.
Une "première" pourtant réalisée alors que la grotte est connue de tous depuis plus d'un demi-siècle. "C'est tout l'enjeu aujourd'hui : découvrir des détails que notre oeil n'est pas forcément capable de voir", résume Emilie Steimetz.
Malgré les multiples passages de milliers de personnes dans ces grottes, on arrive encore à trouver des choses innovantes, surprenantes.
Emilie Steimetzassistante ingénieure au laboratoire Biogéosciences
"J'étais venu pour une opération pédagogique avec mes étudiants, mais on se rend compte qu'il faudra aller plus loin, pour une opération strictement scientifique", s'enthousiasme Christophe Durlet qui espère revenir scanner la cavité dans quelques mois. "Il y a énormément de choses à découvrir sur cette grotte de Bèze", confirme Emmanuelle Vénnin, la spécialiste en sédimentologie.
Les explorations sur place sont loin d'être terminées
Car les grottes de Bèze (en réalité, une seule grotte et sa rivière souterraine) sont encore loin d’avoir livré tous leurs secrets. En octobre dernier, nous vous révélions qu’un fossile de prédateur marin préhistorique avait été récemment identifié dans l’un des siphons de la grotte. Il y a quelques années, des restes de mammouth ont aussi été découverts.
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Explorées et aménagées depuis 1950, les grottes de Bèze restent un lieu mystérieux et fascinant. Seule la partie immergée est ouverte au public, qui peut la visiter à pied et en bateau. Elle ne représente que 10% du réseau connu. Les plongeurs spéléos cherchent encore des continuations dans le réseau ennoyé de la rivière souterraine.
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Les grottes de Bèze, aménagées depuis 1972, sont fermées au public durant la période hivernale et rouvriront en avril 2025. La saison prochaine, les visiteurs pourront notamment découvrir un moulage du fossile de plésiosaure identifié cet été.