Y-a-t-il des risques à avoir recours à des médecines douces ou alternatives ? Sur les réseaux sociaux comme dans les cabinets, les thérapies par l’hypnose, par les pierres ou encore par le jeûne gagnent du terrain. Nous avons demandé au collectif No Fake Meds de nous expliquer ce phénomène et ses dérives.
Naturopathie, fleurs de Bach, jeûne thérapeutique, lithothérapie… Leur point commun ? Toutes sont des médecines dites "alternatives", c’est-à-dire non reconnues par la médecine conventionnelle. 71% des Français y ont déjà eu recours, selon un rapport de l’Ordre national des médecins.
Pourtant, elles ne sont pas sans risques. En 2018, 124 médecins dénonçaient ainsi dans une tribune du Figaro des pratiques "ni scientifiques ni éthiques, mais bien irrationnelles et dangereuses". Depuis constitués en association, ils se battent contre les "fake meds", c’est-à-dire les "fausses médecines".
Le Dr. Pierre de Bremond d’Ars, médecin généraliste et président du collectif No Fake Meds, répond à nos questions.
Qu’est ce qu’une "fake med" ?
Dr. Pierre de Bremond d’Ars : On adorerait une réponse simple et donner des bons et mauvais points, mais on se rend compte que c’est un sujet extrêmement complexe.
À la base, c’est l’homéopathie qui nous intéressait. On a ensuite élargi à toutes les médecines alternatives, ou "pseudo-sciences". Les pseudo-sciences, ce sont des pratiques qui viennent emprunter à des choses utiles, mais qui se basent sur des postulats au mieux extrêmement optimistes, au pire farfelus et mensongers.
Quand on regarde ces postulats, ils ne sont pas du tout dans une démarche de construction par la preuve. Ils sont dans une démarche promotionnelle, comme pour l’homéopathie : si ça marche pour vous c’est tant mieux. Ça ne se base pas du tout sur l’efficacité mesurable. C’est de l’ordre de la croyance.
"Ce sont des pratiques qui n’ont aucune donnée scientifique à l’appui. Leur efficacité n’est pas garantie."
Dr Pierre de Bremond d’Ars, président du collectif No Fake Meds
Elles se couplent avec des techniques marketing pour "ramener" des gens. Ce sont des pratiques encadrées par le Code de commerce et pas de la santé, autrement dit elles relèvent du bien-être.
Parmi ces pratiques contre lesquelles votre collectif met en garde, certaines sont très répandues, comme la naturopathie, l’acupuncture ou l’hypnothérapie…
Dr Pierre de Bresmond d'Ars : Oui, il y a une réelle augmentation du monde du bien-être dans le quotidien. Prenons l’exemple de l’hypnothérapie. Il faut la différencier de l’hypnose.
L’hypnose, c’est le détournement de l’attention. C'est un outil reconnu lorsque manié par des professionnels formés dans un usage adapté. Quand on vaccine un enfant et qu’on lui fait chanter une chanson en même temps, c’est du détournement de l’attention. C’est utile, il y a une efficacité qui commence à être prouvée, et il y existe des formations universitaires.
De là à dire que tout ce qui relève de l'hypnose est valide, c’est problématique. Certains l’utilisent pour avoir une forme d’emprise, c’est un outil de plus en plus décrié.
L’hypnothérapie, c’est la thérapie par l’hypnose. Donc, on dit que l’hypnose soigne. Là, il y a un danger. L'usage du titre d'hypnothérapeute ou de praticien en hypnose n'est pas régulé. Les professionnels du bien-être, du coaching peuvent se dire hypnothérapeute après une formation plus ou moins sérieuse reposant sur des bases scientifiques.
Mais les professionnels du bien être, du coaching peuvent se dire hypnothérapeute après une formation plus ou moins sérieuse/reposant sur des bases scientifiques.
L'usage du titre d'hypnothérapeute ou de praticien en hypnose n'est pas régulé, à l'opposé de ce qui se fait par exemple en acupuncture.
Quels sont les risques ?
Dr Pierre de Bresmond d'Ars : Les risques, c’est de rester seul face au patient quand un confrère aurait fait mieux, par exemple si l’on traite une dépression. C’est un problème de compétences, et donc une perte de chances pour le patient.
Il y a aussi un danger dans la posture du médecin. Il peut adopter une position ascendante voire d’emprise, avec des risques de dérives sectaires. On a par exemple vu des stages de naturopathie pour "guérir le cancer".
Notre but, c’est de donner des clés pour éviter ces dérives sectaires et thérapeutiques. On fait en sorte que les clients soient prévenus, car certaines pratiques ont des risques très élevés.
On n'est pas là pour juger les croyances des uns et des autres, mais pour faire attention à ce que ça ne vienne pas empiéter dans le soin.
Il faut garder un lien avec les clients, pour qu'ils ne dépensent pas d'argent inutilement. Et ne pas perdre de vue que c’est du bien-être, et pas de la santé.