Alors que les fortes températures baignent la Côte-d'Or depuis le week-end du 8 et 9 juillet, il faut récolter le cassis arrivé à maturité. Mardi 11 juillet, la récolte débutait dans les Hautes-Côtes de Nuits-Saint-Georges (Côte-d'Or). Le dérèglement climatique rend la culture plus aléatoire.
Les baies noires ne peuvent plus attendre, il faut récolter ! Le coup d'envoi est donné, mais sur les parcelles qui ont été grêlées, il y a un peu d'appréhension pour la famille Olivier, producteurs récoltants à la "Ferme Fruirouge" à Concoeur, sur la commune de Nuits-Saint-Georges, en Côte-d'Or.
Le chiffre d’affaires annuel est de 2,5 millions d’euros pour une année classique, dont les deux tiers portent sur la production de fruits, le reste sur les bourgeons. Le cassis n’est pas seulement un pilier de la gastronomie locale, c’est aussi un acteur économique à part entière.
La récolte 2023 devrait être "plutôt satisfaisante"
Pour Camille Olivier, en termes de récolte, le résultat a de quoi plaire : "On est plutôt satisfaits, on s'attendait à quelque chose de plus catastrophique que ça. C'est une année hétérogène, la fleur a duré plus de 20 jours et pendant la floraison on a eu des nuits entre 2 et 4°C, c'est-à-dire assez frais. On a eu une véraison (mûrissement des fruits) assez hétérogène, on a perdu un petit peu de fruits avant la récolte, on est obligés d'en laisser un petit peu aussi, pour n'en ramasser que ce qui est parfaitement mûr. On a subi la grêle le 17 juin, on a des parcelles plus ou moins impactées, selon les couloirs on a 25 à 50% de pertes selon les experts d'assurance."
Camille Olivier se félicite du rendement d'une parcelle : "On a une belle surprise aujourd'hui sur la parcelle où nous sommes. C'est un rendement correct, qui est entre 3-4 tonnes à l'hectare, on est en agriculture bio."
Le cassis, un fruit difficile à cultiver ?
Camille Olivier a repris l'exploitation familiale depuis peu, mais est témoin de la difficulté croissante à cultiver le cassis : "Il est vrai que de cultiver le cassis en Bourgogne est de plus en plus compliqué, car nous avons des hivers moins rigoureux, des pics de chaleur importants. Il y a tout un tas de facteurs qui fait qu'il est toujours possible de produire du cassis, et dans la situation de producteurs-transformateurs où on se trouve, on a un raisonnement économique à long terme : ce n'est pas le tonnage produit chaque année qui va me rémunérer, mais mes produits transformés. Chez moi, les années de surproduction, on stocke pour compenser les années de perte. Il ne faudrait pas que cette tendance s'inverse."
Gérer ses stocks
Malgré des saisons inégales, la famille Olivier arrive à gérer la production de produits transformés : "Depuis 1995, nos parents avaient déjà eu cette idée de garder des fruits, on a à peu près 8 à 9 mois de réserve de petits fruits. On ne mélange pas les millésimes pour la crème de cassis, mais pour nos produits transformés, les confitures, les sirops, les condiments, on peut mélanger jusqu'à trois millésimes. Nos fruits sont surgelés et stockés à -25°c chez un prestataire."
Une filière bien organisée
La plupart des 40 producteurs de la région fournissent les liquoristes pour la fameuse crème de cassis. On utilise également en partie du "Noir de Bourgogne". En Bourgogne-Franche-Comté, la filière, à l’instar de la moutarde, s’est organisée. Objectif : développer avec le CNRS les moyens de maintenir la culture du cassis dans notre région, une association créée en 2016.
Pour Sébastien Traverse, qui est vice-président de la filière "les acteurs du cassis en BFC" et directeur général adjoint de Védrenne, l'analyse est sans appel : "Au cours des dix dernières années, la filière a été confrontée à des difficultés de production avec des rendements erratiques d'une année sur l'autre et globalement une chute moyenne des rendements sur ce cycle de dix ans."
Pour répondre à cette baisse des rendements, il a fallu associer plusieurs forces : "Nous avons souhaité prendre notre destin en mains en créant cette association et en créant ce programme de recherche qui vise à adapter le 'noir de Bourgogne' au nouveau contexte climatique de façon générale. Cela passe par de la sélection variétale, on va croiser la variété 'Noir de Bourgogne' pour conserver ses qualités organoleptiques et son caractère unique qui donne sa typicité à la crème de cassis avec d'autres variétés qui sont plus résistantes, soit à la sécheresse, soit plus tardives pour ne pas être soumis aux mécaniques de gels printaniers, et également pour être plus résistantes ou plus robustes face à d'éventuelles maladies. C'est sur un cycle de 10 à 15 ans qu'on peut faire de la sélection variétale et aboutir, on est au milieu du gué en ce moment."
Malgré une météo capricieuse, la récolte 2023 en Bourgogne-Franche-Comté devrait donc être correcte et atteindre, comme l’an passé, les 1500 tonnes.