Les images de la Guerre en Ukraine émeuvent tous les Européens, mais que pensent les anciens soldats ? Témoignages croisés d'un ancien résistant de 95 ans et d'un général retraité.
"Moi, j'ai très peur qu'ils emploient la bombe atomique".
A 95 ans, Bruno de Vecchi parle sans détour. L'invasion de l'Ukraine par la Russie a ravivé les souvenirs de la Seconde guerre mondiale chez cet habitant de Buffon, en Côte-d'Or. L'incertitude lui paraît plus vive encore en ce mois de mars 2022 que pendant la Guerre froide : "Vous savez, à l'époque, quand on voyait les tensions en l'URSS et les USA, on se disait toujours que ça allait s'arranger. Il y avait des réunions, le dialogue entre l'Est et l'Ouest, mais là..."
L'homme, né en 1926, est un ancien résistant. Après plusieurs mois dans le maquis Henri-Bourgogne, dans le Morvan, il est parti combattre à Belfort puis, plus tard en Allemagne. Pour lui, les images qui nous parviennent d'Ukraine ont un parfum de déjà-vu : "Des villes sous la mitrailles pendant des jours et des jours, je sais ce que c'est ! Pendant la guerre de 40, ça a été le cas pour les Allemands comme pour les Français."
Il explique : "Vous savez, lorsque nous arrivions dans les villes allemandes, dans la forêt noire, l'aviation était déjà passée. Nous entrions dans des villages bombardés, le matin, à la recherche de nazis qui auraient pu se cacher." La voix se fait plus hésitante à l'évocation de ces souvenirs.
Villes assiégées, villages rasés, combats dans les rues... Un général côte-d'orien, âgé d'une soixantaine d'années, confirme que l'invasion de l'Ukraine par la Russie ressemble aux stratégies employées pendant la Seconde guerre mondiale : "C'est un conflit à haute intensité. En plus des frappes aériennes, il y a des opérations au sol donc des risques importants de dommages collatéraux pour la population."
Ce type de conflit avait complément disparu sur le continent européen depuis la Seconde Guerre mondiale.
Un ancien général côte-d'orien
Le gradé, qui tient a rester anonyme, pense que le risque d'escalade est pour l'instant écarté : "La première semaine a été cruciale. L'OTAN a posé des lignes de démarcations claires ce qui a permis de rassurer les Alliés et de poser des limites à Vladimir Poutine. Il a d'ailleurs reconnu à mots couverts qu'il n'aurait pas la capacité de s'attaquer à l'OTAN."
Impensable
Cette guerre de terrain, meurtrière et fratricide, réveille de mauvais souvenirs chez les deux anciens combattants.
Bruno De Vecchi pensait que la paix avait triomphé sur le continent européen :
Jamais je n'aurai cru voir à nouveau une guerre de mon vivant.
Bruno De Vecchi, ancien résistant
L'inquiétude est tenace car Bruno a une excellente mémoire : "Ce qui m'inquiète, c'est que je me souviens quand les Allemands sont entrés en Pologne; pour nous, ici, tout allait bien. Et puis, un jour, à 15 ans, j'ai compris que la guerre était là" explique-t-il.
L'ancien militaire de carrière a été engagé en Ex-Yougoslavie sous le pavillon de l'OTAN. Avec d'autres mots, il témoigne aussi de la fragilité de la paix : "Vous savez quand j'opérais au-dessus de la Serbie, je décollais d'Italie alors je passais au-dessus de Venise. J'avais toujours un pincement au cœur car les gens à Venise étaient en terrasse alors qu'à quelques centaines de kilomètres, des bombes explosaient à Belgrade."
Des milliers de morts et après ?
Comme en témoignent les premières images, le conflit entre l'Ukraine et la Russie est très meurtrier. "Les opérations au sol font toujours énormément de victimes y compris des femmes et des enfants", explique l'ancien officier supérieur. "On assiste à une guerre sur tous les fronts : dans les airs, au sol mais aussi cyber et certainement des brouillages de satellites."
Il faut espérer que les mesures prises par la communauté internationale forceront la Russie à rester à la table des négociations et à chercher une porte de sortie.
Un ancien général Côte d'orien
Suite à l'attaque d'hôpitaux, d'immeubles d'habitations et à la difficulté de mettre en place des couloirs humanitaires pour ravitailler les villes et évacuer les population civile, les deux anciens militaires s'inquiètent du respect de la Convention de Genève de 1949 codifiant les droits et devoirs des militaires et des civils en temps de guerre.
"Vous imaginez la situation sur place ? s'indigne Bruno de Vecchi. Ces gens doivent tout abandonner et partir avec leurs enfants et seulement quelques affaires?"
Le vieil homme finit par confier à demi-mot ce qui le tourmente : "Ce qui m'effraie -je ne sais pas si je devrais le dire- c'est que Poutine me fait penser à Hitler. Si quand il veut un pays, il l'envahit, comme avec l'Ukraine en ce moment, qu'est-ce qui va se passer ensuite ? Quel sera le prochain pays ? "