Même éphémère, la liesse suscitée par la victoire des Bleus montre que le football est "un ciment social" qui peut parfois "cristalliser l'identité collective" d'un pays. Maintenant, que va-t-on faire de cette victoire ?
Trois questions à Mickaël Correia, auteur d'Une histoire populaire du football (La découverte)
1-Pourquoi une telle liesse après la victoire des Bleus ? Peut-elle durer ?
"La France connaît très peu de moments de communion, et les derniers étaient liés à des événements tristes, en 2015 et 2016. On vit dans une société de plus en plus normée, sécurisée, lissée; tous ces gens qui se réapproprient la rue, se parlent...C'est une parenthèse enchantée. Mais une parenthèse. Il faut la prendre comme ça, profiter du moment.En 1998 c'était la première fois qu'on gagnait la Coupe du monde, on a vu ensuite que l'effet "black blanc beur" était une illusion. Aujourd'hui les gens le savent, et la presse aussi n'est plus dans un rôle surjoué autour de la dimension multiraciale de l'équipe de France. Là, c'est une autre émotion: on est en train vraiment de se dire qu'on est une nation footballistique".
« Bla bla bla @AntoGriezmann bla bla bla » BIM champion du monde
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Moralité, ne doutez jamais d’un Mâconnais.
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2-Qu'est-ce qu'une "nation de football" ? Comment ce sport parvient-il à provoquer de telles démonstrations ?
"Depuis 1998 on assume de plus en plus qu'on peut s'intéresser au football qu'on soit issu de classe modeste ou de classe supérieure. On le revendique alors qu'il y a quelques années il pouvait être qualifié de "sport de beauf", plutôt mal vu, véhiculant des stéréotypes sur le supporteur raciste, homophobe etc... C'est en train de changer. Le foot est désormais considéré comme un champ social ou culturel à part entière, au même titre que le cinéma ou la musique.Le football est aussi un ciment social, qui à certains moments peut cristalliser l'identité collective du pays. Ce que les gens ont aimé dans cette équipe n'est pas tant son jeu que l'idée de réussite collective, le travail, la modestie, le fait que des joueurs stars ont réussi à s'effacer au profit du collectif...
Le football est aussi un des rares espaces qui « fait encore communauté ». Aujourd'hui dans une tribune il y a des gens de tous horizons sociaux et de toutes les couleurs. Il n'y a pas beaucoup d'espaces comme ça en France.
Pour moi, l'enjeu politique maintenant va être : que va-t-on faire de cette victoire ? des gains (plus de 30 M) versés à la France par la Fifa ? L'enjeu serait que cette enveloppe soit redistribuée aux clubs amateurs. La FFF a encore beaucoup d'efforts à faire pour la redistribution des richesses. En cinq ans, 3 000 à 4 000 clubs ont mis la clé sous la porte ! Quand on voit le rôle social, éducatif de ces clubs, notamment en territoires ruraux ou périphériques, il y a un vrai enjeu".
« Mâcon » inscrit sur l’@ArcDeTriomphe à @Paris grâce à @AntoGriezmann... peut-on dire que Mâcon est champion du monde ? #WorldCup #FierdetreMâconnais pic.twitter.com/QLqgmBQP3M
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3-Vous parlez d'identité collective. Cette victoire peut-elle agir contre le racisme ? Que signifie l'omniprésence du drapeau français parmi les supporteurs ?
"Par identité collective j'entends surtout des gens qui se retrouvent derrière une équipe, au sens inclusif et pas national. Mbappé a une mère d'origine algérienne, un père camerounais.Je pense qu'en Algérie ou au Cameroun tout le monde a dû regarder l'équipe de France et supporter Mbappé, et ils avaient peut-être aussi un drapeau français ! Ces questions de frontières sont poreuses. On a vu dimanche dans les rues des drapeaux algériens, marocains, congolais... car chaque joueur avec son origine incarne aussi cette identité collective.
Je ne pense pas que cette victoire fera reculer le racisme. Mais en tout cas, c'est un beau pied de nez aux délires identitaires et anti-immigrants de certains".