Un vaccin fin 2020 ou début 2021. C’est l’une des annonces du chef de l’Etat lors de son allocution mardi 24 novembre. En Bourgogne Franche-Comté, les professionnels de santé récoltent les premiers éléments d’information. Voici ce que l’on sait (ou pas encore).
C’est un horizon qui semblait encore illusoire il y a quelques semaines. Mais le chef de l’Etat l’a confirmé le 24 novembre. En France, les premières vaccinations contre le Covid-19 débuteront « fin décembre ou début janvier », c’est-à-dire d’ici un mois.
Depuis mardi, les réunions de travail se multiplient entre ministère, Agences régionales de santé et professionnels. En Bourgogne Franche-Comté, certains éléments sont déjà connus.
Quel(s) vaccin(s) ?
Il a l’avantage d’être produit rapidement. Inconvénient, le manque de recul sur sa tolérance et surtout, ses conditions de stockage et d’administration. Celui-ci doit être stocké à – de 70 °C et est conditionné en dose de 5 vaccins. « Il ne sera pas possible de l’utiliser partout » souligne Pierre-Olivier Variot. « On ne pourra pas vacciner tout le monde ainsi ».
Le deuxième vaccin qui devrait être mis en service, celui de l’américain Moderna, repose sur le même procédé, mais est plus facilement stockable. Les autres vaccins, dont celui du français Sanofi ne devraient pas arriver avant le printemps. "Si nous disposons de plusieurs vaccins, nous ferons le choix de ceux qui nous paraissent les plus sûrs et les plus efficaces » a expliqué Olivier Véran, le ministre de la Santé.
Quel calendrier (s) ?
Dans un premier temps, ce n’est ni dans les laboratoires, ni dans les pharmacies, ni même chez les médecins généralistes que devraient commencer les vaccinations, mais plutôt dans les structure collectives. « Ce sera d’abord réservé aux hôpitaux » estime Pierre-Olivier Variot. Compte tenu des difficultés logistiques, les professionnels de santé s’accordent pour dire que les premières vaccinations auront lieu dans des structures collectives. Fin décembre ou début janvier, si les autorités sanitaires ont donné leur accord, ce sont donc les personnels soignants des hôpitaux et les pensionnaires des Ehpad qui devraient être concernés.
"En ville, on espère pouvoir vacciner mi-janvier (...) Ce n’est pas infaisable. Il faut juste qu’il y ait une petite organisation, une chaîne logistique qui soit bien maillée sur le territoire et pas éloignée des patients. »
Pour autant, une vaccination du grand public serait possible dès les semaines suivantes veut croire le docteur Aurélien Vaillant. « On est en train de voir si c’est possible sur des gros cabinets. En CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé) on s’est déjà organisé pour des centres Covid, des dépistages. En ville, on espère pouvoir vacciner mi-janvier. » La condition pour cela : disposer de capacités de stockages adaptées. Le ministère aurait déjà commandé des congélateurs capables de conserver les doses à moins 70°C qui pourraient servir de points de recharge. « Ce n’est pas infaisable. Il faut juste qu’il y ait une petite organisation, une chaine logistique qui soit bien maillée sur le territoire et pas éloignée des patients. »
Ce n’est qu’ensuite, avec l’arrivée de nouveaux vaccins plus faciles d’utilisation que la vaccination devrait être élargie. « L’objectif est de vacciner avant l’été toutes les personnes qui le souhaitent. On commencera mi-janvier avec les personnes à risque puis au printemps avec les personnes volontaires » poursuit le représentant du syndicat de médecins généralistes. Mais tous les reconnaissent ce calendrier peut encore changer. « Avec le covid, la vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain ».
Qui vacciner ?
Encore faut-il définir les critères de fragilité. L’âge uniquement ? Les problèmes respiratoires ? Le diabète ? L’obésité ? La Haute autorité de santé doit présenter « vers le 30 novembre » ses recommandations sur les publics à vacciner en priorité.
En Bourgogne, les médecins se préparent. « Nous allons devoir identifier dans notre patientèle les patients les plus à risque, détaille le Dr Vaillant. Il faudra sans doute que l’on fasse du phoning [des appels auprès des patients pour identifier les plus exposés]. C’est en tout cas ce que recommande le syndicat MG France et le ministère n’est pas fermé. »
Dans tous les cas, s’il souhaite une « vaccination massive et rapide », l’hypothèse d’une vaccination obligatoire a été écartée par Emmanuel Macron.
Quelle organisation ?
« Il est encore trop tôt pour évoquer les modalités de la vaccination en Bourgogne-Franche-Comté » répond l’ARS. Là aussi, les discussions sont en cours mais une hypothèse semble écartée. « On ne va pas recommencer les vaccinodrome, source de gabegie et inefficaces » confie un connaisseur du dossier. En 2009, lors de la grippe H1N1, ces grands barnums avaient symbolisé l’échec de la campagne de vaccination.
« Il faut éviter les contacts, on ne va pas s’amuser à regrouper les gens » confirme Aurélien Vaillant. « Il est plus simple que ce soient les médecins qui le fassent. Ils connaissent leurs patients. En 2009, le fait que les médecins aient été écartés, cela a participé à la méfiance des gens » ajoute le généraliste.
Il va falloir que tout le monde participe. On va aller vers une vaccination massive (...) On peut vacciner 20 millions de personnes par mois."
L’hypothèse d’une campagne qui s’appuie sur les généralistes semble pour l’instant privilégiée par les autorités sanitaires. Elle aurait aussi un double avantage. D’abord faciliter la vaccination quand près de 50% des Français se disent hostiles au vaccin. « Il y a des gens potentiellement réticents. Mais si on prend le temps, on peut les convaincre. S’il y a possibilité de se faire vacciner pas loin, on peut prendre directement un rendez-vous. Il faut vraiment que l’on fasse du porte-à-porte » juge Aurélien Vaillant. Selon lui, la vaccination par les médecins généralistes permettrait également un meilleur tracing des patients et des lots utilisés, notamment pour les premiers vaccins.
De leur côté, les pharmaciens militent pour une campagne de vaccination plus large par les médecins, les infirmiers libéraux, les pharmaciens, voire d’autres professionnels de santé. « Il va falloir que tout le monde participe. On va aller vers une vaccination massive » analyse Pierre-Olivier Variot. Selon lui, elle peut permettre en quelques semaine d’atteindre les objectifs de couverture vaccinale. « Si on prend l’exemple de la grippe, on [les pharmaciens] a vacciné 3.5 millions de personnes en deux semaines sans mettre le réseau de pharmacies à plat. Si on ajoute les médecins et les infirmiers, on arrive à 11 millions en 15 jours. On peut donc vacciner 20 millions de personnes par mois. D’autres personnes seront peut-être habilitées à vacciner.»
Quelles questions ?
Une interrogation demeure : la durée d’immunité. « On ne la connait pas » reconnait-il. « Mais on se rend compte que l’immunité pourrait durer plus de 8 mois. On voit des patients contaminés en mars et qui sont toujours protégés. » Il conclue. « On n’aura pas de garanties ou de certitudes à 10 ans. Faudra-t-il se vacciner tous les ans ? Je ne sais pas. »