Le 15 mars 2020, nombreux sont les maires à avoir été élus pour un premier mandat dès le 1er tour. Mais en raison de la crise sanitaire, leur début de mandat a quelque peu été tronqué et mouvementé. Un an après leur élection, ils nous racontent les difficultés auxquelles ils ont été confrontées.
15 mars 2020, les résultats officiels des élections municipales viennent de tomber. Après 18 mois de campagne durement menés, Martial Mathiron remporte l'élection à Genlis, une commune d'environ 5300 habitants située en Côte-d'Or. Il succède alors à Vincent Dancourt, le maire sortant. Mais sa joie et celle de toute son équipe sont de courte durée. "Du jour au lendemain, après 18 mois de campagne, tout s’arrête. On est élu le 15 mars, et le 16 mars, le confinement est décidé. Il a fallu rester à la maison, ne plus rencontrer les gens", raconte le maire .
Le gouvernement annonce dans les jours qui suivent que les conseils municipaux des communes dont le maire a été élu ou réélu au premier tour au mois de mars vont devoir attendre pour se rassembler et être officiellement installés. Comme dans beaucoup de communes, c'est donc une période de transition qui débute à Genlis avec une équipe du maire sortant contraint de rester aux commandes et une équipe nouvellement élue qui doit prendre son mal en patience.
Elus mais pas encore maires
De ne pas pouvoir travailler entre le 16 mars et le 27 mai, cela a été très compliqué car il y avait la gestion de la crise mais on n’était pas encore aux manettes. Mon prédécesseur a fait en plus le choix ne nous écarter complètement de cette gestion là et de la mairie", déplore Martial Mathiron.
Une installation tardive comme l'a vécue Cédric Clech. Sa liste sans étiquette est arrivée largement en tête le 15 mars. Elu dès le premier tour à Tonnerre (Yonne) avec 61,7 % des voix face à la maire sortante Dominique Aguilar, il a dû lui aussi attendre jusqu'au 23 mai avant la passation de pouvoir. "Quid du statut de maire élu et quid de la gestion de crise" s'interroge à l'époque l'élu. Car se pose vite la question de la responsabilité de la gestion de la crise sanitaire.
"Début mai, on s'est retrouvé à l'occasion de la commande des masques et la possibilité de travailler ensemble sur une démarche de solidarité qui a été le lancement de notre action" raconte le maire de Tonnerre. "A partir de ce moment là, on a travaillé les deux équipes sortante et arrivante pour travailler main dans la main dans la gestion de cette crise".
Formation accélérée
Si l’année 2020 ne fut guère aisée à gérer pour la plupart des maires déjà en place, la tâche n’en a été que plus ardue pour les élus qui accédaient pour la première fois à cette fonction. Entre gestion de la crise sanitaire avec l’épidémie de Covid, confinements et prise en charge d’une commune, le challenge s’est annoncé complexe et ambitieux. "Oui, cela a été très copieux", reconnaît Cédric Clech. "Je me retrouve de jour au lendemain président du conseil de surveillance d'un hôpital loin de mon expérience professionnelle. On est dans le grand bain tout de suite avec déjà une grande part de responsabilité."
"Ce sont des difficultés qui s’accumulent. Un nouveau maire doit appréhender les questions budgétaires, fiscales, de compétences entre communes et intercommunalités" souligne Ludovic Rochette, représentant des maires de Côte-d'Or. "En plus de cette difficulté, on est dans un cadre des plus complexe car il y a en plus la situation sanitaire qui fait qu’on a des complexifications du quotidien."
Lydie Martin a de con côté essayé de garder et maintenir en présentiel les conseils municipaux car il y a eu beaucoup de discussions importantes comme la gestion des écoles, la mise en place des protocoles sanitaires. "Au niveau de la commune, on a mis en place aussi la distribution de masques pour les plus de 75 ans et on a proposé de prendre rendez-vous et de les emmener au centre de vaccination de Châtillon-sur-Seine".
Une première année de mandat chronophage
Si les nouveaux élus s'attendaient à consacrer beaucoup de temps à leur fonction, ils n’ont pas moins été surpris par son intensité. "C'est une fonction chronophage" décrit Martial Mathiron. "C’est 7 jours sur 7. Les nuits sont courtes. Et il y a toute cette partie de gestion de personnel. On a une cinquantaine d’agents, plusieurs millions d’euros de budget mais je les assume avec calme."
Pour Lydie Martin, élue il y a un an maire (SE) de Coulmier-le-Sec (Côte-d'Or), "c’est un poste qui demande beaucoup de temps, beaucoup d’investissements. Je pensais que ça allait être facile mais c’est prenant."
Comme la maire de Coulmier-le-Sec, Cédric Clech continue à exercer une activité professionnelle, celle de producteur télé, en parallèle de sa fonction de maire. Avec la gestion de la crise sanitaire, il a dû revoir son emploi du temps plusieurs fois dans l'année. "Même si j’exerce une activité professionnelle, je passe beaucoup de temps à la ville, à la mairie, plus que prévu. C’était très important pour mes habitants, pour les entreprises car les sollicitations sont nombreuses. Elles viennent de tous bords."
Des projets de mandat en suspens
Cette crise prend beaucoup de temps et monopolise l'action des maires. Beaucoup de maires ont été élus pour la première fois au début de l'été, et depuis un an leur quotidien est marqué par le virus. Ils ne peuvent appliquer leur programme, ni lancer d'autres initiatives.
Quand on parle d’un mandat de 6 ans, on est plutôt parti pour un mandat de 5 ans."
Avec la période de transition, l'installation tardive de leur équipe municipale, le vote des budgets et la mise en place de leur programme ont été retardés. "Au niveau budgétaire, cela a été compliqué en 2020", reconnaît Martial Mathiron. "Car pour un budget voté normalement le 18 mars, il a été voté le 10 juillet. On aurait pu lancer les études pour la première année mais on a un an de retard".
De quoi laisser un sentiment mitigé sur cette première année de mandat. "Quand on parle d’un mandat de 6 ans, on est plutôt parti pour un mandat de 5 ans. On va avoir des choses à rattraper et il va falloir aller vite" explique le maire de Genlis.
Malgré des débuts difficiles, ils ont su s’adapter et certains entendent bien mener leurs projets à terme. "Ce que je vois, c’est que les maires ont cette capacité à ne pas être non plus monopolisé par cette crise" explique Ludovic Rochette, président de l'association des maires de France en Côte d'Or. "Les élus ne font pas que gérer la crise sanitaire. On gère des services, on imagine l’évolution de nos territoires, on prépare l’avenir notamment avec le contrat de relance et de transition écologique."
C'est le cas de Cédric Clech à Tonnerre. "On est les mains dans les dossiers, dans des réunions. On doit déjà être dans l’après-crise, dans la volonté de monter de projets, dans l'investissement pour donner une ligne directrice car on a tous besoin de savoir quand cette crise va se terminer."
Conseil municipal ce soir à #Tonnerre, petite ville de demain, et vote du budget. On suit les grandes lignes tracées par @cedricclech : on rénove, on bâtit, on rayonne ! pic.twitter.com/nLvfu5FjPa
— Lucas Manuel (@LucManLM) February 5, 2021
Les maires en première ligne
Maires, adjoints et conseillers municipaux. Ces élus ont été en première ligne sur le front de la Covid. Dans les zones rurales notamment, pendant les confinements, ils étaient souvent le dernier lien social auprès des plus démunis. "Je ne m’attendais pas dans un contexte aussi inédit que le rôle du maire, l’incarnation de la fonction ne soit aussi important pour les Tonnerrois" témoigne Cédric Clech.
Avec par exemple la mise en place des protocoles dans les écoles, dans les centres de loisirs, "ce qui se retrouve partout" selon Ludovic Rochette, "c’est la proximité et la solidarité que l’on va retrouver dans chaque commune. C’est le maire qui est à portée de visite, de coups de téléphone. Quand on a des difficultés, on va voir son maire."
Mais malgré ces difficulté structurelles et surtout conjoncturelles, le président de l'AMF 21 ajoute que "les maires ont la niaque."
Aucun regret
Si certains se disent fatigués et ont vécu des moments de "surchauffe" durant cette première année de mandat, la grande majorité ne regrette pas leur choix de s'être embarqué. "Je n'ai pas de regrets", témoigne Cédric Clech. "Dans cette période, il y a cette notion de servir qui est plus que passionnante."
Depuis sa prise de fonctions, Martial Mathiron, maire à Genlis, "n'a jamais pensé que c'était une galère. Cela reste passionnant quand même. Il faut se réinventer".
Soignants, commerçants, employés de supermarché, artistes, élus ou encore parents : nous les avions rencontrés il y a un an. Aujourd’hui ils nous racontent leur année Covid. Pour les découvrir, cliquez sur un point, zoomez sur le territoire qui vous intéresse ou chercher la commune de votre choix avec la petite loupe.