Covid-19 : les Salles de Musiques Actuelles de Franche-Comté rebranchent (doucement) les guitares

C'est le grand flou pour les organisateurs de concerts et les gestionnaires de salles, en Franche-Comté comme dans tout l'hexagone. Difficile de jongler entre les normes sanitaires et d'y voir clair en matière de jauges maximales. Les quatre SMAC comtoises repartent pourtant à l'attaque. 

Le responsable communication de la Rodia a le sens de la formule. Elle est forte mais elle a le mérite d'être explicite : " La crise de la Covid, explique Simon Nicolas, c'est comme un tsunami. Si la terrible vague est passée, l'eau stagne encore. Quand elle va complètement se retirer, dans plusieurs mois, on pourra alors seulement commencer à compter les morts."

Les morts, ce seront ces techniciens du son, assistants de plateau, régisseurs de scènes, mais aussi tous les prestataires d'un soir de concert, comme les traiteurs ou les agents de sécurité. "C'est pour ces métiers-là qu'il était important de remettre de l'huile dans le moteur et de relancer la machine" poursuit Vincent Ilhe, le directeur de la Poudrière, la SMAC du Territoire de Belfort.

La Poudrière. La plus intime des quatre SMAC Comtoises, avec ses 235 places debout et son bar accolé à la salle. Le debout, c'est impossible pour l'instant. Et le bar reste fermé. Du coup, les prochains concerts se feront assis. 40 places maximum. Masque obligatoire.

Mais pas le concert de Lou Doillon, prévu au printemps, puis décalé pendant la Covid à début septembre...puis décalé une troisième fois à novembre, avant que l'artiste annule sa fin de tournée, devant l'enchaînement des contraintes liées à la pandémie.

" Je peux la comprendre. Certains artistes refusent pour des questions d'esthétique de spectacle. Allez dire à un groupe de Métal que son public sera assis tout le concert et devra respecter la distanciation sociale!" conclut le directeur de la Poudrière.À moins de 200 kilomètres plus au sud de la région, les jurassiens du Moulin de Brainans boivent (pour l'instant) du petit lait. Les photos du premier concert de reprise dans la SMAC jurassienne font rêver. On y voit la chanteuse brésilienne Flavia Cohelo jouer...à guichet fermés ! 

En fait, la salle de 650 places doit limiter sa jauge à 150 places assises. Mais, à la différence du Doubs et du Territoire de Belfort, pas besoin de maintenir des sièges vides entre le public. Car le Jura n'est pas (encore) en zone alerte sur la carte de France de la propagation de la Covid-19.

Pour Amandine Laurent, qui s'occupe de la communication et du mécénat, les salles doivent désormais apprendre à avancer sans grande visibilité. 

"Au début de l'été, on était plutôt optismistes sur les chances de commencer la saison normalement, avant de revoir tous nos plans. Désormais, pour chaque artiste que nous bloquons pour une date, nous réfléchissons à différents scénarios en matière d'installation et de jauge".

Le plaisir de rejouer. Pour les artistes, aussi, ces moments sont importants. Ana Benabdelkarim est une chanteuse heureuse. Celle dont le nom de scène, Silly Boy Blue, se murmure de programmateurs à disquaires, est de passage dans notre région pour quatre concerts.

Elle a été programmée par la Poudrière et le Moloco. Les SMAC de Belfort et Montbéliard unissent leurs forces pour proposer des concerts "hors les murs". Saint Dizier, Pont de Roide, Dampierre les Bois et Giromagny. Des concerts dans un théâtre, un temple et deux églises, comme celle de Saint Dizier ce jeudi soir.


"Oui, ça fait du bien de reprendre la route, explique Ana, alors qu'elle prépare le concert de Pont de Roide. Je pense que le monde du spectacle s’est senti et se sent encore comme les laissés-pour-compte de cette crise. Alors, moralement, de pouvoir prendre part à ce projet, c’est presque salvateur.

On se souvient de pourquoi on fait ce métier, et pourquoi il est important pour tout le monde : des techniciens aux programmateurs, en passant par les musiciens et bien sûr rencontrer le public et les amoureux de musique."
Silly Boy Blue a fait le plein entre les murs de l'église de Saint-Dizier. 70 personnes, masquées et assises, ont profité de ce concert avec un quatuor de l’Ecole Supérieure de Musique de Bourgogne Franche-Comté.

Dans le public, Pauline Pobès. La responsable communication du Moloco explique que la salle ne peut rouvrir comme avant. "On a décidé, la semaine dernière, de continuer cette programmation "hors les murs" jusqu'en décembre. La programmation des concerts se fait au fil de l'eau, en fonction des dernières annonces du gouvernement".

Le Moloco revendique complétement le slogan " Concerts debout touchés en plein coeur", cette lettre ouverte des professionnels de la musique adressée cet été au gouvernement. Et essaie de tirer parti de la situation, "en multipliant les concerts dans des territoires ruraux qu'on intègre complétement à notre mission de SMAC, de faire découvrir les musiques actuelles."

Pour la Rodia, la plus grande SMAC de Franche-Comté, avec ses 1100 places, le grand soir c'est ce vendredi. Enfin...1100 places, ça, c'était avant, évidemment.

Pour le concert de reprise, avec le chanteur Hervé en tête d'affiche, ce sera une jauge de 120 personnes. Simon Nicolas détaille: "les couples et groupes pourront être assis les uns à côté des autres. Par contre, il y aura forcément un siège vide entre les groupes. Et, bien entendu, port du masque obligatoire pendant tout le concert !"

Hervé, c'est un chanteur qui monte. Mais qui, jusqu'à ce lundi, ne devait pas se produire à Besançon. C'est la très talentueuse et remarquée P.R2B qui devait pour la première fois se produire le long du Doubs. Sauf qu'elle a été testée positive..à la Covid-19. 

À la Rodia, il sera possible de boire un coup, car le bar est situé dans une autre salle. "Mais pas de retourner avec sa boisson assister au concert", prévient Simon Nicolas, qui a bien bossé le sujet.

"On boit au bar, assis et sans le masque. Et le concert, c'est sans boisson, mais avec le masque", détaille le responsable communication bisontin avant de conclure :"on le fait pour faire vivre la musique live. Clairement. On a annulé 90% de nos événements. On fait cela pour faire vivre les artistes et aussi rassurer le public."

Avec un tarif unique de 5€, le concert leur coûte paradoxalement plus cher à organiser qu'un concert gratuit.

À la Poudrière, Vincent Ilhe abonde dans ce sens. "Il faut que les salles proposent des concerts, qu'ils soient hors les murs ou en jauge réduite, quitte à perdre de l'argent. On a peur que le public se déshabitue d'aller écouter de la musique live. On veut capter les 18-30 ans, qu'ils n'aillent pas se retrouver dans des fêtes sauvages au milieu des bois".

(re)Branchez les guitares.




 

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