Covid-19 : un an après, les troubles du sommeil engendrés par l’épidémie sont toujours bien présents  

Depuis un an, nous vivons avec la Covid-19. De jour, comme de nuit. Le virus s’est invité aussi sur nos oreillers. Il a engendré des troubles du sommeil pour de nombreux Français comme l’explique le docteur Hubert Bourdin, responsable de l’unité sommeil au CHU de Besançon. 

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La corona-somnia, nouveau phénomène planétaire

La pandémie a chamboulé les nuits de la planète entière. Selon une étude britannique d’août 2020, celle qu’on appelle du doux nom de “coronasomnia” a touché un Anglais sur quatre, alors qu’un Anglais sur six souffrait de problèmes de sommeil avant la pandémie. En Chine, les troubles du sommeil sont passés de 14,6% à 20 % durant le confinement. 

Sur toute la planète, en Italie ou Grèce, l’insomnie s’est faite grandissante, nourrie par le stress, la menace de la maladie, le décompte des morts, et le bouleversement du quotidien. En France, une étude est en cours pour évaluer l’impact de la maladie sur notre sommeil. 

Certains malades de la covid consultent pour des troubles du sommeil 

Le docteur Hubert Bourdin parle avec passion de ce sommeil qui rythme nos vies. 1.500 consultations “sommeil” ont lieu chaque année au CHU Besançon. Depuis un an, les spécialistes y ont vu arriver deux types de patients. Les premiers sont les malades qui ont contracté la covid. “Ces patients peuvent dans un certain nombre de cas développer des troubles du sommeil. C’est difficile d’établir la causalité entre covid et troubles du sommeil parce que ça peut très bien être la situation anxiogène liée à la pathologie qui va renforcer une insomnie, mais on pense aussi qu’il peut y avoir également un impact direct de l’infection par la covid, car la maladie provoque beaucoup de troubles neurologiques. On peut avoir une infection qui touche le cerveau et avoir un lien avec des troubles du sommeil” explique le docteur Bourdin. Les médecins et chercheurs cernent petit à petit cette maladie qu’ils ne connaissaient pas. 

Des nuits chamboulées pour les soignants, travailleurs essentiels, mères de familles, télétravailleurs... 

Mais le docteur Bourdin a vu aussi arriver dans son service d’autres profils. Certains malades étaient déjà suivis pour des problèmes de sommeil, la pandémie les a aggravés. 

Et puis, il y a les petits nouveaux. Parmi les personnes venues consulter en France, on trouve des profils bien précis. ”Les travailleurs essentiels, les travailleurs de la santé, les mères ont été plus exposés” a constaté le médecin. 

On a eu, nous, des mamans, qui criaient au secours, parce qu’elles n’en pouvaient plus, avec des ados à la maison, la promiscuité, le télétravail, s’occuper des enfants c’était devenu quelque chose d’infernal et invivable.

Hubert Bourdin, praticien hospitalier, responsable unité sommeil CHU de Besançon

“Cela se traduisait par des répercussions en terme de sommeil à la fois chez les enfants, et les parents. Il n’y avait plus de structuration des journées, car l’école sert aussi à cela. Bien séparer le travail, le personnel, les loisirs, tout cela s’est un peu mélangé. Le télétravail a supprimé les frontières entre vie perso et travail” ajoute le docteur Bourdin. Ajoutez à cela, la perte des contacts sociaux, l’incertitude permanente sur la santé, le travail, “tout cela ont été des éléments facteurs de recrudescence d'insomnie”. La consommation de somnifères a augmenté de 15 à 20% depuis le début de l’épidémie, complète le docteur Bourdin. 

 

On n’a jamais connu une situation ou une pandémie qui allait bouleverser autant les rythmes de l’individu

Le médecin décrypte ce qui s’est passé dans nos vies depuis le 17 mars 2020, et le soudain confinement en France. Un choc brutal. Celui d’une pandémie arrivée de l’autre bout du monde .“Une guerre, c’est la survie, une pandémie c’est différent, on perçoit le risque pour soi même si on est un patient à risque. C’est aussi un risque pour l’avenir, pour son entreprise, pour son travail” détaille Hubert Bourdin. 

Des enfants et adultes en perte de repères, un temps de sommeil réduit 

“On a vu une aggravation des troubles du sommeil lors des périodes de confinement. On a, je pense, un impact important chez les enfants où on a eu une absence de rythmes. Pour trouver le sommeil, il faut de la lumière, des rythmes, des interactions sociales, et là, on avait des enfants qui n’avaient plus obligation d’aller à l’école, on a eu des impacts sur les durées de sommeil” constate le médecin.

“Avant le confinement, nous avions 10% de la population française qui avait un temps de sommeil court, de moins de 6 heures. Pendant le confinement, on est passé à 20%” note le spécialiste du sommeil. Un paradoxe alors que le confinement pouvait nous offrir justement la possibilité de dormir un peu plus.

Des horaires de sommeils très tardifs

Pendant le confinement qui ne s’est pas couché plus tard ? Après avoir comblé son angoisse de l’épidémie en s’évadant devant une bonne série Netflix ? Le médecin du CHU de Besançon a pu constater les habitudes prises au plus fort de l’épidémie. “Les heures de sommeil ont glissé, les horaires de sommeil ont effectivement diminué, on a fait moins de sport, on a eu moins de lumière, on a plus été exposé aux écrans”, le cocktail idéal pour perdre le sommeil. Ou dérégler cette horloge invisible qui le régule. 

Comment remettre l’horloge du sommeil à l’heure ?

Le sommeil est régulé par des rythmes circadiens, un rythme biologique d'une durée de 24 heures environ. “Une journée pour le cerveau d’un humain, c’est plutôt 24h30, ce système il faut constamment le remettre à jour avec une exposition à la lumière, des rythmes sociaux, deux facteurs mis à mal par la pandémie” note Hubert Bourdin. “Ramener cette horloge dans le bon sens est plus compliqué. Cela va nécessiter parfois une prise en charge thérapeutique, avec de la luminothérapie ou des traitements médicamenteux”. Le docteur Bourdin conseille de se lever chaque jour à peu près à la même heure, de se coucher à la même heure, avec une latitude malgré tout. Couche tôt, couche tard, chacun a un profil de sommeil. Si vous faites une sieste, elle ne doit pas excéder 20 minutes, au risque d’entamer votre crédit de sommeil la nuit. Idem si vous télétravaillez, il faudrait continuer à garder un rythme normal et ne pas travailler à toute heure. 

Les troubles du sommeil, une bombe à retardement ?

Les troubles du sommeil, c’est un des premiers symptômes vers le chemin de la dépression, et on peut parfois les minimiser par une surcharge de travail par exemple

Hubert Bourdin, patricien hospitalier, responsable de l'unité sommeil du CHU de Besançon

Pour les soignants notamment en proie à des difficultés, le médecin bisontin craint que ces troubles du sommeil n’aient d’autres conséquences. “On ne sait pas trop quel va être l’impact sur la santé mentale, on pense qu’il peut être considérable, mais on n’est pas au sommet de la vague encore en terme de santé mentale, notamment pour les soignants. Ils sont très sollicités, mais là, ils sont dedans, c’est après qu’on risque de voir la partie immergée de l’iceberg avec probablement des éléments du registre dépressif, et on n'exclut pas non plus des éléments du registre post-traumatique” confie le médecin.

Pour les plus jeunes, les étudiants notamment, le retour à une vie normale risque de poser problème. “Quand la société reprendra un rythme normal, on verra peut être les problèmes arriver. Ces jeunes en se remettant dans des horaires classiques de cours en présentiel vont se mettre en privation de sommeil et ressentir de la fatigue et des difficultés de concentration" s'inquiète le médecin. Le sommeil de la nuit à venir, se prépare chaque matin, un adage qu’il va nous falloir réapprendre. 

 

Soignants, malades, commerçants, employés de supermarché, artistes, élus ou encore parents : nous les avions rencontrés il y a un an. Aujourd’hui ils nous racontent leur année Covid. Pour les découvrir, cliquez sur un point, zoomez sur le territoire qui vous intéresse ou chercher la commune de votre choix avec la petite loupe. 

 

Bien dormir : Voici ce qu’il faut savoir ou se remettre en tête pour faire de bonnes nuits
  • S’exposer à la lumière naturelle ou ambiante pendant la journée et surtout le matin
  • Eviter les écrans LED avant l’heure du coucher
  • Adopter des heures régulières de lever et coucher
  • Renforcer les interactions sociales dans la journée
  • Pratiquer une activité physique régulière en particulier le matin, éviter le sport à l’approche du coucher
  • Renforcer l’association lit = sommeil. Éviter de tout faire dans votre lit, jeux, films, télétravail !
  • Après 16 heures, on évite le café, thé, cigarettes, boissons énergisantes, alcool et même chocolat
  • Une heure avant de se coucher, on arrête les écrans et on prépare son sommeil en se détendant (relaxation, méditation si besoin)
  • Garder votre chambre à 18 à 20 degrés

Source : Société Française Médecine du sommeil 

 

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