La compagnie Pocket Théâtre implantée à Voiteur dans le Jura propose une drôle de production sur le marché de la commune. Celle de sa conververie théâtrale. Sur son étal, elle présente des dizaines de bocaux en verre dans lesquels infusent des phrases théâtrales.
Les samedis matins, sur le marché de Voiteur, au cœur de la Haute-Seille, berceau du vin jaune, se tient un drôle de stand. Des étals en bois semés de bocaux vides intriguent le chaland. Quelle matière invisible se cache ainsi derrière des étiquettes que l’on devine maison ? De l’air, un soupçon d’atmosphère, un souffle chaud ou glacé venu de lointaines contrées ? Le curieux se penche alors pour y voir plus clair, ou du moins pour lever ce voile de mystère.
Sur les bocaux, les guillemets offrent une piste. Des phrases, que dis-je des phrases, de la poésie, du théâtre ! La compagnie de Voiteur Pocket Théâtre a glissé dans ces nombreux écrins de verre, sa dernière production. Des phrases empruntées à la dramaturgie classique, contemporaine, ou au quotidien.
Petit troc et grande légèreté de l’être
La compagnie ne vend pas ses bocaux, non, elle les troque. Contre d’autres paroles pour les plus inspirés, contre n’importe quelle denrée du marché, miel, fromage de chèvre ou encore légumes pour les plus timides. Pour Thierry Combe, directeur et fondateur de la compagnie « cela créée du lien, il y a quelque chose qui change au marché, avec ce brin de malice, cela allège le climat. Je ne sais pas pourquoi mais ça fait du bien, en tout cas c’est ce que disent les gens quand ils repartent du stand. Il y a cette petite étiquette sur le bocal vide qui côtoie les pâtes, le riz. Cette absurdité provoque le décalage, on est à la croisée du théâtre, de la performance, de la poésie ».
Pas de son mais du sens
Parce qu’on a gardé une âme d’enfant, on se prend à imaginer une voix qui déclamerait la phrase théâtrale à l’ouverture du bocal. Un son grave ou aigu qui s’évaderait dès le « poc ». Mais la magie est tout autre avec ces paroles confinées, le chaland embarque la réplique choisie et en use à sa guise. Une rêverie sur mesure.
Pour la compagnie Pocket Théâtre, c’est un petit exploit, celui d’exister en tant qu’artistes sur l’espace public dans un cadre légal. Mais Thierry Combe l’affirme, il n’est pas question de militantisme, avec ce projet, il répond à une envie de création artistique.
Après le premier confinement, le maraîcher organisateur du marché de Voiteur avait demandé à la compagnie une participation. Thierry Combe avait alors écrit les rêves des volontaires sur des cartes postales envoyées partout en France.
Pour ce troisième confinement, le directeur de la compagnie s’est inspiré de sa vie privée, des bocaux dans lesquels sa femme et lui enfermaient des baisers pour leur enfant quand ils partaient de la maison.
« Au pire ça marche »
Cette phrase pourrait être inscrite sur l’un des bocaux. C’est le titre du prochain spectacle que prépare la troupe. Un projet de création qui permet à la compagnie de théâtre professionnelle de continuer à travailler malgré le confinement.
Quand le rideau pourra se lever, les comédiens reprendront la route, ils ont un calendrier de tournée bien chargé, avec d’abord « Jean-Pierre, Lui, Moi », puis la création en cours « Au pire ça marche ».
Et bien nous, pour une fois, on espère le pire.