Rouge ou vert ? C’est la carte qui détermine les modalités du déconfinement dans chaque département. En Bourgogne Franche-Comté, tous les critères fixés par les autorités sont repassés dans le vert. Pourtant, la région reste classée rouge. Une situation que même l’ARS peine à expliquer.
Depuis le 1er mai, la Bourgogne Franche-Comté est intégralement classée en rouge sur la carte du déconfinement. Un rouge synonyme de déconfinement moins rapide. Ailleurs, le classement en vert autorise d’ors et déjà la réouverture des parcs et jardins, des collèges. Il permettra celle des bars et restaurants à compter du 2 juin.
Pour établir ce classement, 3 critères ont été fixés. Dans la région, tous sont pourtant passés au vert depuis plus de 10 jours. Mais la région Bourgogne Franche-Comté reste irrémédiablement classée en rouge. C’était à nouveau le cas lors de la dernière actualisation, jeudi 14 mai.
Plus de saturation des services de réanimation
C’est le critère qui a longtemps conduit au classement en rouge de l’ensemble de la région. Avec 295 patients accueillis en réanimation le 7 avril 2020, la Bourgogne Franche-Comté a connu son pic épidémique. En temps normal, la région compte un peu plus de 200 places de réanimation (212 selon les chiffres fournis par les groupements hospitaliers). Ces prises en charge ont donc été possibles grâce à d’importants redéploiements de moyens.Mais depuis 6 semaines, le nombre de patients admis en réanimation a progressivement reculé. Le lundi 18 mai, 86 personnes étaient encore soignées dans ces services. La Bourgogne Franche-Comté est donc nettement en dessous du seuil de 60 % fixé pour repasser en vert. C’est le cas depuis le 6 mai dernier. Pourtant, lors du point presse du 7 mai et invariablement depuis, les 8 départements de la région sont restés classés en rouge.
Dans le détail, 7 des 8 départements bourguignons ont vu le taux d'occupation des services de réanimation par des patients Covid repasser sous le seuil des 60%. Seule l'Yonne fait exception mais avec un petit nombre de places. Les autorités de santé font d'ailleurs valoir que les capacités des service de réanimation s'évaluent au niveau régional.
La circulation du virus est maitrisée
Le virus circule-t-il activement dans la région ? Pour évaluer ce deuxième critère, les autorités sanitaires ont choisi le nombre de passages aux urgences pour suspicion de Covid-19. Pour être classé en vert, un département doit se situer sous le seuil de 6% des admissions aux urgences.Dans les 8 départements bourguignons, selon les chiffres fournis par Santé Publique France, cet indicateur est repassé au vert depuis la semaine 19 (du 4 au 10 mai).
Le 11 mai, la Saône-et-Loire (5,3%), l’Yonne (4,49%) et la Haute-Saône (4,04%) connaissaient les chiffres hebdomadaires les plus élevés. Mais tous se situaient déjà en dessous du seuil des 6 %. C’est en Côte d’Or, dans le Doubs et le Jura que la proportion de patients admis aux urgences pour une suspicion de coronavirus est la plus faible.
Le cumul des chiffres hebdomadaires n’a pas encore été publié pour la semaine du 11 au 17 mai, mais les chiffres quotidiens ont depuis continué à baisser.
Toutes les capacités de tests au vert
C’est le troisième critère. Et pour celui-ci, tous les indicateurs sont au vert selon le gouvernement. Dès le 11 mai, le ministre de la Santé indiquait que les capacités de tests dans chacun des départements dépassaient 100 % des besoins.Vert + Vert + Vert = rouge ?
Alors dans ces conditions comment expliquer un classement en rouge ? Dès le 8 mai, Pierre Pribille, le directeur de l’Agence régionale de Santé en Bourgogne Franche-Comté, estimait que le passage de la région en vert était « une question de jours ».Dix jours plus tard, alors que dans d'autres régions de zone verte les collégiens reprennent les cours, en Bourgogne Franche-Comté, le même directeur de l’ARS attend toujours. « L’indicateur qui faisait basculer notre région dans la zone rouge était le taux d’occupation des places de réanimation, rappelle Pierre Pribille. Depuis maintenant plus d’une semaine, cet indicateur est repassé dans le vert. On attend donc une réactualisation de la carte qui restitue cette nouvelle situation. »
Le directeur de l’ARS tente d’expliquer le délai. « Cette carte n’a pas été réactualisée parce qu’elle est destinée à éclairer les mesures qui sont prises au début du mois de juin, donc on a encore le temps mais elle sera probablement actualisée dans les jours ou les semaines qui viennent. » Début juin, la réouverture des restaurants et des bars sera par exemple décidée en fonction du classement en rouge ou vert de la région.
« On se fout de nous ? » s’interrogent les élus
Mais pour nombre de responsables politiques, il n’est plus question d’attendre ! Le classement en rouge empêche la réouverture des parcs, des collèges, mais selon eux, il pèse aussi sur la capacité de rebond de certains secteurs économique comme le tourisme en freinant les réservations. Dans la Nièvre, les élus ont par exemple appelé à plusieurs reprises à un classement en vert de leur département où l’épidémie a été beaucoup moins virulente. Leur demande a été rejetée au motif d’une prise en charge régionale des patients.Mais avec une région qui aurait elle-même pu passer en vert, cette fois-ci, le ton monte. « La Nièvre toujours dans le rouge, on se fout de nous ?! » s’insurge ainsi le sénateur de la Nièvre Patrice Joly (PS). Dans un communiqué diffusé vendredi 15 mai après la dernière actualisation de la carte, il s’explique. « Nous étions encore plein d’espoir dans les propos de l’Agence Régionale de Santé (ARS) indiquant que le classement dans le vert de la Nièvre était une question de jours.(…) Déception donc à la lecture de cette carte qui continue de nous interroger. » Le parlementaire demande des explications qu’il estime « indispensables ».