Désert médical : comment la ville de Donzy a convaincu un médecin roumain de s’installer

Cela fait plus d’un an que les habitants de Donzy, dans la Nièvre, n’avaient plus de médecin. Ils devaient faire des dizaines de kilomètres pour aller consulter. Une généraliste, venue de Roumanie, a mis fin à cette "souffrance".
 

"Les gens sont gentils ici"


"Les gens sont gentils ici", l’expression revient plusieurs fois dans la conversation quand on demande à Isabela Bibiri ce qui l’a décidée à venir s’installer à Donzy, uns petite commune de 1 600 habitants, dans la Nièvre. Il faut dire que cette médecin généraliste a eu droit à un accueil particulièrement chaleureux.

"Elle a été trouvée par un chasseur de têtes et elle a visité plusieurs endroits en France. Au final, elle a choisi de poser ses valises à Donzy, car on a mis tout en œuvre pour que ça se passe bien.
Ce qui a fait la différence, c’est l’accueil des Donziais. Elle est venue plusieurs fois, elle a rencontré des habitants et elle a vu qu’il y avait une réelle attente. Elle a vu aussi que le fait qu’elle soit roumaine ne nous dérange pas, on ne la stigmatise pas pour ça", explique Catherine Jaillard, coordinatrice de la maison de santé.
 
 

Les avantages du dossier médical partagé


Le nouveau médecin de Donzy le reconnaît volontiers. Elle a été séduite par  une équipe médicale "sympa". Médecins, infirmières, kinés, etc : plusieurs professionnels travaillent ensemble à la maison de santé pluridisciplinaire multi-sites, qui couvre les communes de Donzy, Pougny, Cosne-sur-Loire, Alligny et bientôt Pouilly-sur-Loire.

Un des avantages, c’est que - grâce au dossier médical partagé - elle ne se retrouve pas seule face aux patients.
"Les dossiers ont été mis en réseau avec sa consœur de Pougny et ses confrères de Cosne-sur-Loire. Ainsi, les jours de garde - ou si elle doit recevoir en urgence un patient qui n’est pas le sien - elle a tous ses antécédents", explique la coordinatrice de la maison de santé.
  

Trois mois pour avoir un rendez-vous chez le médecin


Les patients, qui sont déjà nombreux à venir consulter, ne cachent pas leur satisfaction. "Au moins, quand on a besoin, elle est à côté."
 
Cette clientèle, souvent âgée, se dit "soulagée". "On était dans un désert médical", dit une patiente. "Depuis des années, les médecins du secteur sont partis en retraite et ils n’étaient pas remplacés. On avait d’autres solutions, mais il fallait se déplacer et faire plusieurs kilomètres. Et puis, il y avait des difficultés pour avoir un rendez-vous."

Concrètement, dans cette région rurale, cela signifie qu’il faut souvent "deux mois et demi ou trois mois pour avoir un rendez-vous pour un renouvellement banal". Sans compter, que beaucoup de médecins ne se déplacent pas à domicile, parce que c’est trop loin. "Du coup, si on a quelque chose à la maison, le médecin traitant ne peut pas venir."

L’arrivée du docteur Isabela Bibiri est une bonne nouvelle pour la santé des patients, mais aussi pour leur porte-monnaie, fait remarquer la coordinatrice de la maison de santé. En effet, ici, de nombreuses personnes n’ont pas de médecin traitant.

"Economiquement, cela fait une différence pour eux, car leurs actes ne sont pas remboursés de la même façon. Il y avait aussi toute une équipe autour qui était en souffrance également, à cause du manque de médecin : des infirmières sans personne à qui demander conseil en cas d’urgence ou le pharmacien qui peut aussi avoir des interrogations sur les ordonnances. Bref, il y avait une grosse attente."
 
 

"On la remercie de nous avoir fait confiance"

C’est pourquoi les Nivernais n’ont pas ménagé leurs efforts pour attirer la médecin roumaine. "Et quand la décision a été mûre dans sa tête, c’est Donzy qu’elle a choisi et on la remercie de nous avoir fait confiance. J’espère que ce sera une belle aventure qu’elle ne regrettera pas."

Du côté de la communauté de communes, qui a payé les frais du cabinet de recrutement, on souhaite aussi de tout cœur que le nouveau docteur va "s’installer durablement". Car, au-delà de l’aspect médical, sa présence est une plus-value pour la commune de Donzy.

"On a une école, on a un collège, on a encore beaucoup de commerces. Si en plus, on a des professionnels de santé qui offrent une palette de services assez large, c’est quelque chose qui ajoute à l’attractivité de Donzy", dit Marie-France Lurier, maire de Donzy.

Isabela Bibiri a commencé ses consultations au mois de septembre. "C'est un peu compliqué au début pour la langue, et pour connaître le pack informatique aussi. C’est un autre système médical, il faut que j’apprenne les règles, les programmes de prévention de cancer, de dépistage d’hypertension, de diabète… Mais, je suis ouverte, enthousiaste", assure-t-elle.

Sa nouvelle vie dans "un village avec beaucoup de nature" lui plaît beaucoup et la ville n’est pas très loin. "Cosne c’est très proche, Nevers est à environ une demi-heure et il y des villes importantes comme Auxerre et Bourges qui sont à une heure d’ici. Et surtout, répète-t-elle, "les gens sont gentils ici".
 

248 médecins pour 100 000 habitants à Paris contre 122 dans la Nièvre

La Bourgogne-Franche-Comté fait partie des régions les plus touchées par la pénurie de médecins, généralistes et spécialistes confondus, indique un rapport du Sénat du 29 janvier 2020.

Ce rapport, rédigé par le groupe de travail sur les déserts médicaux, rappelle que "les écarts de densité médicale se creusent" et que "les délais d’attente pour accéder à un médecin augmentent malgré les efforts des collectivités territoriales pour attirer des médecins".

"Pour les médecins généralistes, les écarts vont de 248 médecins pour 100 000 habitants à Paris, à 48 à Mayotte, 114 en Mayenne, 122 dans la Nièvre ou encore 116 dans l’Yonne, avec une moyenne de 153 médecins généralistes pour 100 000 habitants à l’échelle de la France entière."

Une situation qui va en s’aggravant : "Dans une analyse d’octobre 2019, la direction générale du Trésor du ministère de l’économie et des finances note que « les disparités entre territoires se sont accentuées ces dernières années. En 2016, il y avait en moyenne en métropole 284 médecins en activité régulière pour 100 000 habitants, l’Eure en comptabilisant 167 contre 678 pour Paris. Les disparités se sont accentuées sur la période 2007-2015, les effectifs de médecins diminuant dans les départements déjà relativement moins dotés (Nièvre, Creuse, Cher) et augmentant dans d’autres départements où la densité médicale dépassait déjà la moyenne nationale (Haute-Garonne, Hérault, Pyrénées-Atlantiques)".
 
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