Le tribunal judiciaire de Besançon a refusé mardi 27 décembre la demande de l’acquéreur d’expertiser le "Saut du Doubs", par manque d’éléments objectifs solides concernant cette œuvre signée Gustave Courbet.
Coup de massue pour le propriétaire américain du "Saut du Doubs". Quatre ans et demi après avoir acheté le tableau de Gustave Courbet lors d’une vente aux enchères à Besançon, le riche retraité, suspicieux quant à l’authenticité de l’œuvre, avait demandé une expertise judiciaire en début de mois. Demande rejetée par le tribunal judiciaire de Besançon mardi 27 décembre.
Des arguments qui font "défaut"
Dans son ordonnance de référé, le président Alain Troilo est catégorique. Selon lui, "il ne suffit pas d’avoir un doute sur l’authenticité d’un tableau pour exiger une expertise. La demande d’expertise, poursuit-il, doit être étayée par des éléments extérieurs objectifs qui font défaut en l’espèce".
Une décision très contestable selon maître Béatrice Cohen, avocate du plaignant : "On avait apporté au juge tous les éléments, tous les indices qui montraient qu’il y avait des doutes sur l’authenticité […]. Pourtant le juge a fait fit de tout ça, regrette la spécialiste en droit du marché de l'art, alors qu’il n’est ni expert en Courbet, ni en peinture."
Pour le juge en référé, l’inscription de l’œuvre au catalogue raisonné – ouvrage qui recense les œuvres du célèbre peintre – est un argument de poids qui appuie sa décision de justice. Une erreur selon Me Béatrice Cohen : "L’inclusion d’une œuvre dans un catalogue raisonné est un simple avis de son auteur, ce n’est pas du tout une expertise émanant d’un expert sur le peintre", détaille-t-elle.
Authenticité et état de conservation remis en cause
Au-delà d’être faux selon son nouveau propriétaire, le tableau en question, acheté 50 000 euros, ne serait d’après lui pas dans l’état de conservation annoncé par le commissaire-priseur au moment de l’adjudication. L’acquéreur s’appuyant sur un diagnostic posé par le centre de conservation américain Balboa Art Center.
Un avis extérieur inapproprié selon le tribunal de Besançon : "Il n’est pas sérieux de soumettre au juge des référés, pour étayer une demande d’expertise, un document émanant d’un organisme dont on ne sait rien de ses compétences et dont l’impartialité objective fait défaut." En effet, l’acheteur serait un donateur important du centre au sein duquel sa femme serait administratrice.
Un débat secondaire qui n’a pas lieu d’être selon les demandeurs : "[Le centre] a juste émis un avis sur l’état du tableau et a fait apparaître qu’effectivement, le tableau n’était pas en bon état [...] et que la signature n’avait pas vieilli avec le vernis, c’est pour ça qu’on demandait une expertise d’un spécialiste de Courbet", détaille Me Béatrice Cohen.
"C’est une toile qui a été vendue aux enchères en 2018 et qui est arrivée aux Etats-Unis en 2020, rappelle l’avocat de la partie adverse. Est-ce qu’elle s’est dégradée dans l’intervalle après s’être baladée en Suisse ou ailleurs, tout ça on ne sait pas", s’interroge Maître Denis Leroux.
Affaire à suivre
Dans le cas d’une demande d’annulation de vente au Fonds de commerce, les magistrats réclament souvent l’analyse d’un expert. "La demande de mon client était légitime, dans le droit, conforme à ceux que demandent aujourd’hui les juges, assure Me Béatrice Cohen. On n’avait pas de position arrêtée, on voulait simplement lever les doutes via cette expertise".
L’acquéreur américain a dorénavant quinze jours pour faire appel de cette décision.
-Avec Stéphanie Bourgeot-