L’ancien anesthésiste-réanimateur de Besançon (Doubs) est mis en examen pour 30 cas présumés d'empoisonnements de patients, dont 12 mortels. Une nouvelle audience devant le juge d’instruction a eu lieu ce mercredi 28 juin 2023. La défense conteste la validité des mises en examen de deux cas potentiels d'empoisonnement.
Ce mercredi 28 juin, la chambre de l’instruction s'est à nouveau penchée sur l’affaire Frédéric Péchier. Une audience de plus dans cette sombre histoire, qui a éclaté au grand jour en 2017. L'ancien anesthésiste-réanimateur est suspecté d’avoir empoisonné 30 patients, dont 12 cas mortels, alors qu’il exerçait à Besançon, entre 2008 et 2016.
L'audience de la chambre de l'instruction s'est achevée vers 11h40 ce mercredi. Maître Randall Schwerdorffer, l’un des deux avocats de l’anesthésiste, confirme avoir “demandé l’annulation de l’intégralité des nouvelles mises en examen”. Il s’agit de deux des six mises en examen annoncées en mars dernier. Des cas longtemps écartés de l’enquête faute de preuves. La décision sera rendue le 6 septembre prochain, à l'issue du délibéré.
Toujours selon Maître Schwerdorffer, “Frédéric Péchier souhaite être réentendu sur les nouveaux cas qu'on lui a opposés”. De nouvelles demandes d'auditions que la défense effectuera auprès du nouveau juge d'instruction, “après, bien évidemment, le 6 septembre”.
La défense a également fait machine arrière d’une seconde requête en nullité qu’elle a elle-même déposée le 29 mars dernier, et qui concerne de récentes expertises médicales.
"Retarder l’inévitable procès"
Pour Maître Phillipe Courtois, avocat de la famille d'une victime décédée, “c’est au-delà d’un piétinement". Il ne cache pas son agacement. “C’est un acharnement. Un acharnement sur le temps". "On veut retarder l'inévitable, le procès, en arguant de toutes les possibilités juridiques”, déclarait-il à la sortie du Palais de Justice de Besançon.
Un peu plus tôt, avant le début de l'audience, il s’exprimait déjà au micro de nos journalistes Emmanuel Rivallain et Laurent Brocard. À propos de la potentielle annulation de requête en nullité, disait regretter les aller-retour de la défense : “je trouve que c’est une deuxième souffrance pour la famille”.
Un avis qui semble être partagé par ses clients. Jacky Baugey a assisté à l’audience. Ce mari endeuillé se dit “déçu de voir que l'on va relancer d’autres investigations, d’autres requêtes et ça va prendre du temps”. Sa femme, Sylviane, n’a pas survécu à un arrêt cardiaque survenu en 2015, alors qu’elle était opérée de l’épaule à la clinique Saint-Vincent à Besançon. Son cas est retenu dans le cadre du dossier de l’anesthésiste.
Ça me met un petit peu en colère que, pour peu de choses, on retarde l’échéance.
Jacky Baugey, veuf d'une victime potentielle de Frédéric Péchier
Un de leur fils, Florimond, également présent ce matin, complète : “On a l’impression que la défense cherche à gagner un peu de temps. Ça ne se défend pas beaucoup sur le fond, mais plutôt sur la forme”. Après huit longues années, ils gardent espoir de voir le procès se tenir un jour. “On y croit, on est impatients.”
Ce à quoi la défense, par la voix de Randall Schwerdorffer, répond qu'elle “fait son travail”. “Le temps, ça n'est pas de nous qu'il dépend. Et, je vous dirais qu'on le subit comme tout le monde”.
Un dossier long et complexe
Frédéric Péchier, qui exerçait à la clinique Saint-Vincent à Besançon, est soupçonné d’avoir empoisonné 30 patients avec des anesthésiques locaux ou du potassium. Ce qui avait pour effet de déclencher un arrêt cardiaque des victimes. Dans 12 cas, les patients sont décédés. Interdit d'exercer son activité, le médecin nie toute accusation.
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Les premiers soupçons émergents fin 2016, quand une collègue anesthésiste du docteur Péchier donne l’alerte après trois arrêts cardiaques inexpliqués de ses patients en pleine opération. La justice s'empare de l'affaire. Frédéric Péchier est mis en examen en 2017 pour sept cas d'empoisonnements de patients, puis en 2019 pour 17 cas supplémentaires. Depuis, la justice a ordonné des expertises sur huit cas supplémentaires, soit, au total, 32 cas potentiels d'empoisonnements.
Au micro de France 3 Franche-Comté, Maître Phillipe Courtois dit espérer la fin de ce dossier, “fin 2024, début 2025”. Il conclut “Je vous le garantis, il y aura un procès, les faits sont présents”.