Les agents des Musées d'Art et du Temps (MAT) de Besançon (Doubs) se sont mis en grève vendredi 12 avril 2024 pour dénoncer le management de leur nouvelle directrice et la souffrance au travail qui en résulte depuis son arrivée il y a un an.
"Une année de souffrance au travail, c'est long, c'est très très long", lance un agent au milieu de ses collègues. Les personnels des Musées des Arts et du Temps (MAT) de Besançon (Doubs) se sont mis en grève vendredi 12 avril 2024 pour dénoncer les méthodes de management de leur nouvelle directrice, Laurence Madeline, nommée en avril 2023, et une charge de travail qui augmente. "Du jamais vu depuis 25 ans", souligne un gréviste.
90 personnes dont 67 titulaires travaillent dans les deux musées de la capitale comtoise. Des employés "à bout" selon l'intersyndicale SUD/FO. Elle dénonce "l'envers du décor" et notamment les arrêts maladie qui se multiplient parmi les employés depuis des mois.
"L'envers du décor"
Le devoir de réserve des fonctionnaires territoriaux leur interdit normalement de parler à la presse mais ils sont nombreux à faire part anonymement de leur malaise. "On nous a prêté un Monet du Musée d'Orsay ("Le déjeuner sur l'herbe", ndlr) et on a l'impression que tout va bien, se désespère cet autre agent. Mais ça cache ce qui se passe vraiment à l'intérieur."
Nous ne sommes plus associés à aucune décision, elle veut externaliser certaines fonctions. On nous supprime des postes. Elle s'est déjà fait virer de Paris et de Genève mais ce qu'on comprend, c'est que c'est de notre faute.
Un agent des Musées des Arts et du Temps de Besançon.
Avant d'arriver à Besançon, Laurence Madeline était conservatrice en cheffe du patrimoine au Musée national des arts asiatiques Guimet. Auparavant, elle a été responsable du pôle Beaux-Arts des Musées d'Art et d'Histoire de Genève de 2011 à 2017 et conservatrice en cheffe au Musée d'Orsay de 2007 à 2011. Elle avait également été conservatrice au Musée Picasso à Paris en 2002.
En Suisse, on évoque "un passage pour le moins mouvementé au bord du Léman "avant son éviction" du MAH de Genève. Ici à Besançon, beaucoup décrivent une directrice "très autoritaire" qui "décide de tout, sans concertation sans tenir compte de la charge de travail et des réalités budgétaires". "Elle a la culture du secret, elle n'a aucune confiance en nous, déplore une proche collaboratrice à France 3 Franche-Comté. Un musée, cela ne peut être que du collectif, on ne peut pas travailler seul."
Sans en parler à son équipe, Laurence Madeline aurait ainsi ajouté à la programmation 2024 une nouvelle exposition, annoncée pour novembre prochain, afin de mettre en lumière des dessins de Gustave Courbet, conservés dans les collections. "Sans parler de la charge de travail supplémentaire, c'est bien plus compliqué qu'on imagine de monter une exposition, explique Sophie Caron, secrétaire générale FO Territoriaux du Grand Besançon. Il faut plusieurs mois de montage et démontage. Et c'est aussi un projet scientifique qui ne se décide pas comme ça."
La directrice souhaite également procéder à l'inventaire des collections du Musée du Temps mais les agents assurent que cela leur est impossible sans moyens supplémentaires.
Des alertes depuis novembre
"Les agents sont dans un état d'épuisement et de souffrance qui nous inquiètent beaucoup", s'alarme Emmanuelle Monnin, déléguée du personnel SUD Solidaires à la ville de Besançon. Le directeur général des services a été alerté en novembre par les représentants du personnel. Depuis, près d'une dizaine de témoignages révélant un management "inadapté" auraient été recueillis. Une réunion a eu lieu le 12 mars en présence de Laurence Madeline, qui n'a débouché sur aucune solution selon les agents. "On a parlé d'un coaching collectif, explique Emmanuelle Monnin. Est-ce vraiment à la hauteur de l'enjeu ?"
Difficile à digérer aussi ces déjeuners offerts aux partenaires, avec des notes de restaurant plutôt salées selon les grévistes. "Cela ne se fait pas du tout chez nous, surtout avec notre budget", confient les grévistes. La directrice aurait surtout "mobilisé le matériel et le personnel de la collectivité à des fins personnelles pour terminer son déménagement". Un comportement inacceptable pour Sophie Caron.
Au mieux, c'est une méconnaissance totale des règles de la fonction publique terrioriale, au pire, c'est qu'elle les méprise.
Sophie Caron, secrétaire générale FO Territoriaux du Grand Besançon.
"On demande à la maire-présidente (Anne Vignot, ndlr) en tant qu'employeur de faire le nécessaire pour que ça cesse et de préserver la santé de ses agents", ajoute Emmanuelle Monnin.
"Un dossier brûlant"
"C'est un dossier brûlant", reconnaît Elise Aebischer, adjointe à la maire en charge notamment des ressources humaines, venue à la rencontre des grévistes. "Il y a eu des alertes et on a mis des choses en place, individuelles et collectives, pour accompagner l'équipe et la directrice qui est aussi une agente de la ville. Notre objectif est de renouer la confiance entre nos agents."
L'élue a proposé de rencontrer une délégation dans les15 jours, en compagnie d'Aline Chassagne, adjointe à la maire en charge de la culture, du patrimoine et des équipements culturels, pour trouver une issue. Elle confirme par ailleurs qu'une "procédure" est en cours concernant le fameux déménagement de Laurence Madeline.
Contactée par France 3 Franche-Comté, la directrice, elle, n'a pas pour l'instant répondu à nos sollicitations.