À 77 ans, William Triolet est champion du monde et d'Europe de cyclisme : "le vélo est ma source de vie"

Dimanche 1er septembre, le Franc-Comtois William Triolet est devenu champion du monde de cyclisme, à 77 ans, deux mois après son titre européen. Rencontre avec un sportif expérimenté, au moral et aux jambes d'acier.

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Un sourire ému et des yeux pétillants. Une main sur le cœur, alors que retentit La Marseillaise. Et sur le torse, un magnifique maillot aux liserés arc-en-ciel, synonyme de victoire aux championnats du monde de cyclisme. Dimanche 1er septembre 2024, voilà ce qu'a vécu William Triolet. À plus de 1250 km de son village de Devecey (Doubs), le Franc-comtois a été sacré champion du monde de cyclisme à Aalborg, au Danemark. Le tout à 77 ans. Rien que ça.

"Je me suis préparé, et j'y suis allé. Voilà tout". Si on l'écoute, la performance paraît presque normale, voire banale. Cette phrase d'une désarmante simplicité vient pourtant décrire une incroyable performance : une couronne mondiale dans la catégorie "plus de 70 ans" de l'UCI (Union cycliste international), quelque mois seulement après avoir, déjà, raflé le titre européen.

112 km avalés à 37 km/h en moyenne

Lorsque nous le contactons, nous nous rendons vite compte que le septuagénaire n'est pas un grand bavard. Encore moins lorsqu'il s'agit de parler de lui, de sa relation avec son deux-roues et de sa victoire aux mondiaux. "Les championnats du monde ont été très stratégiques" nous explique-t-il du bout des lèvres. "112 km, avec 980m de dénivelé. Il y avait un vent assez fort, dans un parcours assez "toboggan", avec des montées et descentes qui s'enchaînaient. C'est typique du Danemark, il fallait faire attention aux cassures". 

J'ai fait un chrono d'un peu plus de 3h de course, avec une vitesse moyenne de 37 km/h, c'est plutôt pas mal.

William Triolet,

champion du monde de cyclisme (+ 70 ans)

Toujours à l'avant, lui a su dompter les éléments et ses concurrents. Parmi un peloton de 26 courageux âgés de 75 à 79 ans, il a finalement levé les bras, en réglant au sprint le Canadien Paul McRae, le seul qui lui avait résisté. "Je connaissais les forces et les faiblesses de chaque coureur" sourit William. "Ça m'a aidé dans la construction de ma course. J'ai pu prendre les bonnes roues et accélérer quand il le fallait. C'est l'expérience". Car ne vous y trompez pas. Cette stratégie, cette science de l'observation, William Triolet les perfectionne depuis de longues années.

"On se réfère souvent à son âge, mais il ne faut pas oublier qu'il a un passé de cycliste glorieux, avec plus de 80 victoires" s'exclame Didier Marinesse, un des créateurs de la Team Geneuille Vélo, une des deux formations de William. "Dans les années 70, il était coureur chez l'équipe parisienne BIC. C'était juste en dessous du niveau professionnel. Le vélo, il a grandi avec. C'était et c'est toujours un grand champion".

"Ça a été ma vie pendant mes jeunes années" se souvient William Triolet. "J'ai passé sept ans chez Bic, et j'y ai créé des souvenirs, des amis, que je garderai à tout jamais. Le vélo est ma première passion. Il m'a permis d'avancer dans la vie, de me fixer des objectifs à atteindre, d'être toujours en mouvement".  Passé les 30 ans, William Triolet met pourtant le cyclisme de côté pour se consacrer à son travail.

J'ai travaillé dans l'industrie, la grande distribution, le secteur automobile. J'avais des responsabilités qui ont en quelque sorte pris le relais de la compétition sportive en terme d'adrénaline.

William Triolet,

champion du monde de cyclisme (+ 70 ans)

Le vélo n'est jamais bien loin, certes, "désormais un loisir, pour se balader les week-ends" confesse le septuagénaire. Mais on ne se départit pas comme cela d'une passion de jeunesse. Et elle finit même, toujours, par venir vous rattraper. Ce n'est pas William Triolet qui dira le contraire. "Arrivé à la retraite, je n'avais rien à faire. J'avais du temps devant moi" se souvient-il. "Revenir au vélo a donc été naturel. Je savais que j'avais certaines prédispositions physiques. Il fallait juste que je retrouve mon coup de pédale".

"On le regarde, on est impressionné"

Objectif vite réalisé. "On l'a vu arriver il y a 10 ans et on a vite été bluffé" témoigne Didier Marinesse, de la Team Geneuille Vélo. "Il a très rapidement performé. On a tout de suite senti une science de la course en lui. Il ne fait aucun effort inutile, il sait se placer. Et surtout, quel peps". À Geneuille, William Triolet impressionne. "Au club, on a des groupes de niveaux. Et lui, il est habitué au groupe 1, là où roulent les meilleurs" rit Didier Marinesse. "Il faut se rendre compte qu'il court toutes les semaines avec des jeunes de 25-30 ans. Et il est loin d'être ridicule".

On le regarde, et on est impressionné. Les gars l'admirent. William nous donne aussi de l'espoir. C'est un exemple. On se dit qu'on peut performer à tout âge, et continuer à progresser.

Didier Marinesse,

membre de la Team Geneuille Vélo

William l'admet aussi, "continuer à rouler 4-5 fois par semaine, souvent avec des plus jeunes, c'est aussi une motivation personnelle. Je veux rester à leur hauteur, je fais les efforts pour les suivre, voir les dépasser. Ça me permet aussi d'avoir une vie sociale et de bien vieillir".

Un mental à toute épreuve, qui aurait pu se briser lorsque le Franc-comtois chute lourdement à vélo en 2022 et se fracture le bassin. "J'ai passé onze mois sans monter en selle" évacue-t-il. "Un moment difficile, tant physiquement que psychologiquement. Mais je m'étais juré, d'abord, de retrouver une condition physique, avant de m'aligner sur La Flèche Bisontine, en avril 2024".

Course qu'il gagnera dans sa catégorie d'âge, pour son retour. Avant de gagner le titre européen sur les routes de l'Ardéchoise, deux mois plus tard. Victoire qui lui ouvrira les portes des mondiaux à Aalborg, avec la réussite que l'on sait. "Au départ, je n'avais pas prévu de faire les championnats du monde" révèle William. "Mais j'étais qualifié d'office grâce à mon titre européen. Alors j'ai foncé". 

William Triolet, quand il se prépare, il ne fait pas les choses à moitié. Il avait la victoire dans la tête, et le corps a suivi. C'est la marque des grands. Pour les Mondiaux, le niveau est relevé. Il y a beaucoup d'anciennes stars. Vinokourov ou Jeannie Longo ont déjà gagné ce genre de course.

Didier Marinesse,

membre de la Team Geneuille Vélo

Reste maintenant la fierté du devoir accompli. Celle, aussi, de la victoire, même si le septuagénaire ne s'y attarde pas. "Il est pudique" reprend Didier Marinesse. "Mais nous, au club, on est tellement admiratifs. Il n'y a pas assez de superlatifs pour qualifier ce grand monsieur. On se rend compte qu'on a la chance de le côtoyer".

Un maillot arc-en-ciel sur les routes du Doubs

C'est ce mardi 3 septembre que William Triolet rentrera de son périple danois, après la plus belle victoire de sa vie, quelques jours après avoir soufflé sa 77e bougie. Et une petite surprise l'attendra à Geneuille. "Je ne sais pas pourquoi, mais au moment de commander notre gamme de maillot pour la nouvelle saison, j'ai demandé à notre équipementier de prévoir un maillot arc-en-ciel pour William" raconte Didier Marinesse. "J'étais sûr qu'il gagnerait. Je ne me suis pas trompé".

Si vous circulez sur les routes du Doubs, vous pourrez donc apercevoir un maillot de champion du monde de cyclisme, sur les épaules d'un athlète dont la motivation a été décuplée par les années. Et qui n'est pas près de s'arrêter. "Je lui ai lancé un défi" déclare Didier Marinesse. "Dans 23 ans, il aura 100 ans. Il sera alors temps de battre le record de l'heure établi par un centenaire". Challenge accepté par le principal intéressé. "Le vélo, c'est ma source de vie, et je n'ai pas prévu de raccrocher".

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