Le parquet général de Besançon a décidé de se pourvoir en cassation. Il s'oppose au maintien en liberté sous contrôle judiciaire de l'anesthésiste Frédéric Péchier soupçonné de 24 empoisonnements dans des cliniques de Besançon (Doubs). En quoi consiste la procédure lancée à l'encontre du médecin ?
Quelle est cette nouvelle procédure ?
Le parquet général de Besançon saisit la cour de cassation. Il conteste la décision de la chambre d'appel de Besançon rendue le 12 juin 2019. Cette dernière avait prononcé le maintien en liberté sous contrôle judiciaire du médecin de 47 ans.Dès la sortie de l'audience, les parties civiles, victimes et avocats avaient fait part de leur colère face à cette nouvelle décision de la justice de laisser en liberté le médecin qui est soupçonné de 24 empoisonnements dont 9 morts entre 2008 et 2017 dans des cliniques de Besançon. Le parquet autrement dit le Procureur de la République était à l'origine de cette procédure devant la cour d'appel.
Malgré les lourdes accusations qui pèsent contre lui, le Dr Frédéric Péchier n'a jamais été placé en détention depuis sa première mise en examen en 2017. Il n'a plus le droit d'exercer, ni de résider sur Besançon, ni d'entrer en contact avec les victimes ou collègues de la clinique.
En fin de semaine dernière, un journaliste du Point révélait une possible collusion entre l'avocat de la défense Me Schwerdorffer et le président de la chambre de l'instruction. Le journaliste avait publié des extraits d'écoutes téléphoniques et sms faisant allusion à l'appartenance des deux hommes à une même confrérie maçonnique. Les familles de victimes ont écrit au parquet pour s'en indigner. "Ces soupçons sont très gênants, ils sont ennuyeux et on ne peut pas avoir un doute. Il faut que les choses soient claires" explique Me Frédéric Berna, avocat des parties civiles.
Combien de temps va prendre cette nouvelle procédure ?
Le dossier de l'anesthésiste de Besançon entre dans un nouveau temps judiciaire. Et les parties civiles qui aimeraient voir l'instruction avancer vont devoir à nouveau faire preuve de patience.Le parquet qui a décidé d'interjeter appel dispose d'un délai "d'un mois pour rédiger le mémoire". Ce texte détaillera les motifs du pourvoi.
Saisie la cour de cassation de Paris se prononcera ensuite. Cette décision pourrait se faire dans les trois à quatre mois.
La cour de cassation, quel est son rôle déjà ?
Installée à Paris, dans l'enceinte du Palais de Justice, la cour de cassation est la plus haute juridiction française. Sa mission est de contrôler l’exacte application du droit par les tribunaux et les cours d’appel. Elle est appelée, pour l’essentiel, non à trancher le fond, mais à dire si les règles de droit ont été correctement appliquées. Elle est finalement le juge des décisions des juges : son rôle est de dire s’ils ont fait une exacte application de la loi au regard des données de fait, déterminées par eux seuls, de l’affaire qui leur était soumise et des questions qui leur étaient posées. La cour de cassation, que va-t'elle examiner précisément ?
La cour va devoir décider si la décision de la cour d'appel de Besançon en date du 12 juin a été prise dans la conformité des exigences légales. Si c'est le cas, l'arrêt prononcant le placement en liberté sous contrôle judiciaire du médecin anesthésiste sera validé.Si ce n'est pas le cas, l'arrêt sera annulé. Le dossier sera renvoyé soit à la cour d'appel de Besançon avec trois magistrats différents. Soit la cour de cassation renvoie le dossier vers une autre cour d'appel en terrain neutre, à Dijon, Nancy, Colmar ou Paris explique Me Berna, avocat des parties civiles.
Liberté, appel, liberté, appel ...: On est est où dans tous ces allers-retours judiciaires ?
A quatre reprises - en première instance puis en appel -, la justice a décidé du maintien en liberté sous contrôle judiciaire du médecin mis en examen en mars 2017 pour 7 empoisonnements, puis 17 autres en mai 2019.Les avocats du médecin ont demandé depuis deux ans de multiples fois sa remise en liberté et une autorisation de pouvoir retravailler. La justice n'a pas donné suite. Selon le Procureur de la République, Frédéric Péchier est "le dénominateur commun" de tous ces cas d'empoisonnements. Sa défense et le médecin conteste les faits dénonçant le manque de preuves matérielles à l'encontre du médecin.
Les enquêteurs soupçonnent le médecin d'avoir empoisonné à Besançon des poches de perfusion de 24 patients, âgés de 4 à 80 ans, pour provoquer des arrêts cardiaques, démontrer ses talents de réanimateur et discréditer ses collègues de clinique, avec lesquels il était en conflit. Parmi ses victimes présumées, neuf sont décédées. D'autres sont restées plusieurs jours dans le coma après avoir subi des arrêts cardiaques à l'occasion d'opérations qui ne présentaient pas de difficultés particulières et en portent encore des séquelles.