Affaire Péchier. L'ancien anesthésiste de Besançon renvoyé devant les assises, il risque la perpétuité

Après sept années d'instruction, l'ancien anesthésiste Frédéric Péchier est renvoyé devant la cour d'assises du Doubs pour les empoisonnements de 30 patients, dont 12 mortels, dans des cliniques de Besançon entre 2008 et 2017. L'avocat du médecin ne fait pas appel de cette décision.

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Le procès de cette affaire sans précédent ne devrait avoir lieu qu'en 2025. Après plus de sept ans d'instruction, la perspective d'un procès hors norme se dessine : malgré ses dénégations, l'ancien anesthésiste de Besançon Frédéric Péchier a été renvoyé, ce lundi 5 août 2024, devant les assises du Doubs pour les empoisonnements de 30 patients, dont 12 mortels. C'est ce qu'a annoncé Etienne Manteaux, le procureur de la République de Besançon, à nos confrères de l'AFP.

Les deux juges d'instruction ont signé, ce lundi 5 août 2024, l'ordonnance de mise en accusation (OMA) devant la cour d'assises, qui résume les charges pesant sur Frédéric Péchier. Ce document de 369 pages a été notifié à la défense et aux parties civiles.

L'anesthésiste clame toujours son innocence

Les magistrats instructeurs ont donc décidé de renvoyer Frédéric Péchier, qui n'a jamais cessé de clamer son innocence, devant les assises pour qu'il soit jugé pour des empoisonnements lors d'opérations chirurgicales de 30 patients, dont 12 sont décédés. Des faits qui se sont déroulés entre 2008 et 2017.

Contacté par notre collègue Emmanuel Rivallain, l'avocat de Frédéric Péchier, M°Randall Schwerdorffer se veut rassurant et serein.

L'histoire est écrite depuis le début dans ce procès, selon l'avocat du médecin. À partir du moment où on a voulu incarcérer Frédéric Péchier, ce que la justice a refusé. On lui a interdit de travailler, on l'a empêché de vivre chez lui, à Besançon, tout ça pour sept ans. Il était évident que la justice n'allait pas se lever d'un coup et dire "on s'est trompé, pardonnez-nous" et prononcer un non-lieu. La justice ne fonctionne pas comme ça. C'est l'institution qui a le plus de mal à reconnaître ses erreurs, elle n'y arrive quasiment jamais.

Randall Schwerdorffer, avocat de Frédéric Péchier

La perpétuité pour ces faits présumés

Selon les indications du procureur de la République, Frédéric Péchier, 52 ans, encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour ces faits présumés.
Le médecin ne sera en revanche pas jugé pour deux autres cas pour lesquels il avait été placé sous le statut de témoin assisté, plus favorable qu'une mise en examen, les juges ayant décidé pour ces deux empoisonnements d'un non-lieu partiel, a encore indiqué Etienne Manteaux.

Un dossier "sans précédent"

L'ensemble de ces décisions des juges est "conforme aux réquisitions" qu'Etienne Manteaux avait communiquées à la presse en mai dernier.

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La défense de Frédéric Péchier n'a présenté aucune observation à l'issue de ces réquisitions, a relevé le magistrat.

L'avocat du médecin, M°Randall Schwerdorffer a précisé à notre collègue Emmanuel Rivallain que son client et lui-même ne feront pas appel de cette décision d'ordonnance de mise en accusation. Une décision à souligner car depuis le début de cette instruction, la défense a plusieurs fois contesté les décisions du parquet.

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La date du procès n'est pas encore fixée, cela ne devrait pas avoir lieu d'ici 2025. Selon M°Randall Schwerdorffer, l'audience pourrait avoir lieu entre mars et juin 2025. Un procès qui devrait durer plusieurs mois. "En face, précise M°Randall Schwerdorffer, il y a énormément de parties civiles, d'avocats de parties civiles et il faudra coordonner tout ce monde-là. On se rencontrera pour l'organisation de ce procès et rien que pour ça, pas pour parler du fond de l'affaire. Ça, on le fera lors du temps de l'audience."

Je plaiderai l'acquittement. Je connais la position du procureur, elle est très ferme, il va requérir la condamnation de Frédéric Péchier. Et ce sera l'objet de ces deux ou trois mois d'audience.

Randall Schwerdorffer, avocat de Frédéric Péchier

Qu'attendent les victimes et leurs représentants ?

Frédéric Péchier est soupçonné d'avoir pollué, entre le 10 octobre 2008 et le 20 janvier 2017, les poches de perfusion de patients dans deux cliniques privées de Besançon pour provoquer des arrêts cardiaques puis démontrer ses talents de réanimateur, mais aussi pour discréditer des collègues avec lesquels il était en conflit.

À lire aussi : "Pour nous, il y a eu empoisonnement" : le témoignage du père d'une victime de l'anesthésiste de Besançon

Initialement, la justice avait été saisie pour 77 événements indésirables graves (EIG). L'affaire avait débuté lorsqu'une anesthésiste d'une clinique de Besançon avait donné l'alerte après trois arrêts cardiaques inexpliqués de patients en pleine opération.

Contacté par visio conférence, l'un des avocats des parties civiles, M° Frédéric Berna réagit au nom de ses clients. 

Ils savent qu’ils n’ont manifestement rien à attendre de lui, on peut espérer qu’il fasse preuve en dernière minute d’un peu d’humanité et d’un peu de rédemption, mais on n’y croit pas beaucoup. Ils appréhendent la posture qui va être la sienne, et une potentielle stratégie de défense qui risque d’être ultra-dénigrante pour eux.

Frédéric Berna, avocat de parties civiles

"On n'est pas du tout dans un cadre d'euthanasie"

Ce dossier est "sans précédent" dans les annales de la justice française, 

On n'est pas du tout dans un cadre d'euthanasie. (...) C'est totalement unique.

Etienne Manteaux, Procureur de la République

Les faits reprochés ne visaient pas à "empoisonner pour abréger les souffrances de patients. Là, ce sont des personnes pour la plupart en bonne santé qui venaient subir des opérations anodines" et "dont le pronostic vital n'était pas engagé".

L'autre "dimension vertigineuse" de ce dossier, c'est que les patients n'étaient pas visés en tant que tels, a analysé Etienne Manteaux : selon le scénario de l'accusation, ce sont en effet les médecins avec lesquels Frédéric Péchier était en conflit qui étaient visés, les patients n'étant "qu'un vecteur pour (les) atteindre", a-t-il ajouté.

"Suspicions fortes"

Dans la grande majorité des cas, les nombreuses expertises qui émaillent ce dossier extrêmement complexe ont jugé qu'il existait des "suspicions fortes"  et pour certains cas des "certitudes" que des substances en doses parfois létales avaient été administrées aux patients venus se faire opérer dans les deux cliniques où officiait Frédéric Péchier, souvent pour des interventions bénignes, avait indiqué M. Manteaux en mai 2024.

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Sur 1.514 personnes recensées par les enquêteurs et susceptibles d'avoir eu accès aux salles d'opération entre 2008 et 2017, Frédéric Péchier est la seule "présente dans ces établissements, aux périodes où les 30 empoisonnements présumés ont été constatés", avait assuré M. Manteaux."Primo intervenant quand survenait un arrêt cardiaque", il avait, selon ses collègues, "toujours la solution", "se prenait pour le meilleur" et "s'était créé un vrai personnage charismatique de sauveur", avait-il encore pointé, notant que, "dans les empoisonnements où les patients sont décédés, il était en conflit plus marqué avec les collègues auxquels ça arrivait".

Après avoir gardé le silence durant plusieurs interrogatoires, Frédéric Péchier avait incriminé lors d'une de ses auditions ses anciens collègues, assurant que la majorité des EIG résultaient "d'erreurs médicales" de leur part.

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