Le tribunal correctionnel de Besançon (Doubs) jugeait mercredi 4 septembre un jeune homme pour blessures ayant entraîné une incapacité supérieure à trois mois. En mai 2020, un "mauvais placage" a condamné Anthony à vivre en fauteuil roulant. Quatre ans plus tard, Théo J. comparaissait pour faire la lumière sur les circonstances de cette soirée dramatique.
“Je tiens avant tout à m'excuser envers Anthony et sa famille, je ne voulais pas du tout faire ça.” Voilà les premiers mots de Théo J., aujourd’hui âgé d’une vingtaine d’années, à la barre du tribunal correctionnel de Besançon. Ce 4 septembre 2024, le jeune homme comparaissait devant la justice pour avoir rendu l'un de ses amis, Anthony, tétraplégique, lors d'un jeu pratiqué durant une soirée alcoolisée.
Une soirée aux conséquences dramatiques
Il y a quatre ans, deux semaines seulement après la levée du confinement lié à la pandémie de COVID-19, une quinzaine de jeunes, bravent l’interdiction de rassemblement et organisent une fête à Malpas dans le Haut-Doubs. La soirée se déroule dans un premier temps sans encombre, mais l’alcool coule à flots.
Vers 1 h 30 du matin, Anthony propose à l’un des jeunes présents, de jouer à une sorte de “combat de lutte” dans le jardin. Le but : faire tomber l’autre et l’immobiliser au sol. Un jeu décrit par l’avocat de la victime, Maitre Julé-Parade, comme “une erreur, un jeu maladroit”. Un jeu maladroit certes, mais aux conséquences plus que dramatiques.
Après plusieurs manches, Théo J. réalise un placage sur son camarade, Anthony retombe mal, probablement sur la nuque, et voit ses vertèbres C4 et C5 fracturées. Une fracture qui engendrera une tétraplégie, avec immobilité des jambes, des mains et de grandes difficultés respiratoires.
Néanmoins, au moment de la soirée, les faits ne sont pas très clairs et personne ne prend vraiment conscience de la gravité de la situation. Anthony déclare tout de suite ne plus sentir ses jambes, et perd très vite connaissance. Ses amis envisagent alors la possibilité d’un coma éthylique, ils le déplacent jusqu’à l’étage. Les pompiers ne sont appelés que plus tard dans la soirée.
Comprendre le déroulé des faits
Si le rôle des deux protagonistes dans cette affaire et le caractère involontaire du préjudice n’ont jamais été remis en cause, le but de ce procès devant le tribunal correctionnel était avant tout d’essayer d’analyser les événements qui ont conduit à la paralysie d’Anthony.
D’abord comprendre quel geste a réellement été effectué lors de ce “combat”. L'expertise médicale atteste qu’Anthony n’a pas pu se briser les vertèbres uniquement en tombant de sa hauteur et envisage la possibilité que Théo ait pu effectuer un placage dit “cathédrale” (c’est-à-dire saisir une personne, la soulever et la faire plonger la tête la première vers le sol). Des faits que le jeune homme conteste ardemment : “J’ai fait huit ans de rugby, je sais ce qu’est un placage cathédrale, je sais que c’est dangereux, je sais que je n’ai pas fait ça.”, clame-t-il à la barre.
L'autre point est d’essayer de savoir si Théo a pris conscience de la gravité de la chute de son camarade au moment des faits. Sur ce point, le prévenu apporte aussi une justification : “je n’ai pas du tout pris conscience de la situation, quand je suis parti, je me suis dit qu’il allait dormir et que ça irait mieux le lendemain” affirme-t-il.
Ce qui s’est passé ce soir-là, c'est la terreur de tous les parents.
Maître Julé-ParradeAvocat des parties civiles
Une réalité contestée par la défense : “Pour moi, il s’est rendu compte que suite à cette chute, il s’était passé quelque chose de pas normal. Le grief que l’on pourrait lui faire, c’est de ne pas avoir dit les choses tout de suite” déclare Maitre Julé-Parrade lors de sa plaidoirie.
Quelle indemnisation pour Anthony ?
Ce procès permet à tout le monde de se diriger vers de nouveaux horizons. “C’est déjà pas mal que ça avance, parce que là, quatre ans, ça a été vraiment long sans que l’on ne sache rien. On a dû avancer tous les frais, on va peut-être enfin avoir une compensation” nous confie Anthony.
Cette compensation financière est l’une des questions les plus importantes de ce procès. Elle devrait en partie être prise en compte par l’assurance de responsabilité civile de Théo. Cette dernière prenait également part à l’audience. Elle a demandé que la responsabilité d’Anthony, d’avoir participé au jeu, soit aussi mise en avant. Ainsi, la compagnie d’assurance de Théo J. demande de ne prendre en charge que 50% de l’indemnisation.
Se reconstruire après l'accident
Aujourd’hui, Anthony tente de se reconstruire comme il peut, et ce procès fait aussi partie du processus, mais comme en témoigne son avocat, “le chemin judiciaire est encore très long”. Depuis quelques mois, le jeune homme a commencé le para-cyclisme dans un club à Pontarlier (Doubs). Quant à ses attentes, elles sont claires : “Je ne veux pas forcément qu’il soit condamné à de la prison avec sursis, juste que le tribunal reconnaisse sa culpabilité” explique Anthony.
“Dans ce dossier, il y a un mot qui sera important : c’est le mot regret. Regret pour Anthony d’avoir proposé ce jeu stupide. Regret du côté de Théo, d’avoir essayé ce placage qui va avoir des conséquences dramatiques” déclare la procureure de la République lors de ses réquisitions. “Mais les regrets ne suffisent pas, et une sanction est nécessaire” ajoute-t-elle. C’est en ce sens qu’elle requiert devant la cour un an d’emprisonnement avec sursis à l’encontre de Théo J. La décision du tribunal sera rendue le 16 octobre 2024.