Le parlementaire socialiste de Saône-et-Loire veut protéger les jeunes majeurs étrangers pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Sa proposition de loi sera examinée au Sénat le 13 octobre. Le texte s'inspire du combat de Stéphane Ravacley, boulanger à Besançon, pour son apprenti guinéen.
"C'est énorme !"
Stéphane Ravacley, boulanger à Besançon, est un homme et un patron heureux.
Il y a quelques mois, il a gagné son combat. Pour alerter sur la situation de son apprenti, menacé d'expulsion car désormais majeur, Stéphane Ravacley s'est mis en grève de la faim. Pendant plus d'une semaine, il n'a pas mangé. Dans son fournil bisontin, il reçoit de nombreux journalistes, leur confie son désarroi, sa colère aussi. Pourquoi l'Etat français veut-il donc expulser son apprenti guinéen, un jeune homme dont il est pleinement satisfait ?
À la mi-janvier, la bonne nouvelle tombe : Laye Fodé Traoré peut rester en France. L'obligation de quitter le territoire est abrogée, la préfecture de Haute-Saône lui délivre un titre de séjour.
L'histoire aurait pu s'arrêter là. C'était sans compter l'abnégation et la persévérance du boulanger bisontin. Stéphane Ravaclay crée l'association "Patrons solidaires", pour, comme il l'explique, "rendre visibles" les entrepreneurs qui ont des migrants en apprentissage.
Les témoignages se multiplient, repris par les médias. À Besançon, un autre boulanger, Alexandre Figard, est confronté au même problème, avec un autre apprenti guinéen.
Aujourd'hui, le combat de Stéphane Ravacley se poursuit sur le terrain législatif. Jérôme Durain, sénateur PS de Saône-et-Loire, a déposé une proposition de loi le 23 mars 2021. Cette proposition sera débattue le 13 octobre. Le texte est directement inspiré du combat du boulanger bisontin.
L’injustice faite à Laye Fode Traoré, réparée à la faveur d’une mobilisation citoyenne, ne relève pas de l’anecdote ou du fait divers. Elle est le symbole de l’arbitraire et de l’absurde qui régissent le traitement fait aux étrangers, soumis à des lois toujours plus complexes qui s’apparentent à de véritables chausse-trappes.
Jérôme Durain se réjouit que cette proposition soit inscrite à l'ordre du jour dans le cadre d'une niche parlementaire socialiste: "C'est une super nouvelle. Il a fallu mener un travail de conviction. Nous n'avons que deux textes, le premier sur la vaccination obligatoire, le second sur ces jeunes majeurs qu'on oblige à partir."
Vous vous souvenez tous du combat de Stéphane Ravacley, le boulanger de Besançon. Stéphane a déjà raconté à de nombreux médias son histoire : qu'il ne s'intéressait guère au sort des migrants avant de croiser le chemin d'un jeune guinéen pic.twitter.com/D0KoZd6dDf
— Jérôme Durain (@Jeromedurain) September 16, 2021
Alors bien sûr, rien n'indique que la proposition sera adoptée par le Sénat, ancré à droite. "On verra si la droite veut instrumentaliser ce débat. Je crois qu'elle peut y être sensible, c'est la valeur travail, ça concerne le boulanger du coin". Et si le Sénat adopte ce texte, il faudra ensuite le faire voter à l'Assemblée. "Si le gouvernement est malin, il peut le reprendre", espère le sénateur bourguignon.
Nous ne sommes donc qu'au début d'un processus aléatoire. Mais Stéphane Ravacley veut y croire: "Toutes les alliances politiques sont bienvenues, hors extrêmes. A gauche, il n'y a pas de souci, à droite c'est un peu plus difficile. On a des rendez-vous sur Paris, on va faire un gros lobbying, promet le boulanger. Il faut qu'on enlève cette épée de Damoclès au-dessus de la tête des gamins".
Laye Fodé Traoré, lui, a décroché son CAP cet été. Il travaille désormais chez un boulanger dijonnais. Un destin qui aurait pris une tout autre tournure sans son précédent patron.