Besançon : à la sortie de prison, le chemin chaotique de la libération à la liberté

"Un jour vous sortez de prison et vous vous retrouvez dans la rue avec le champ de tous les possibles devant vous mais avec un grand vide dans le cœur et dans l’âme, une déshumanisation réelle". Jean-Michel, ex-détenu témoigne dans le documentaire "Au nom de la loi, je vous libère..."

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Ils ont été qualifiés d’irrécupérables par le système pénitentiaire.
A eux trois, ils cumulent 84 ans de prison. Paulo (67 ans), 26 ans de détention - Jean-Michel (62 ans) et 20 ans de détention - Claude (82 ans) condamné à perpétuité et qui a effectué une peine totale de 36 ans.

Le film "Au nom de la loi, je vous libère...", réalisé par Nathalie Plicot et co-écrit par Christian Jacquot, nous montre qu’entre la libération et la liberté, il y a un chemin difficile, semé d’embuches.
A travers l’expérience de ces hommes ainsi que d’autres comme Dominique, Jean-Marc ou Eric, ce documentaire met en lumière limpact, à la sortie de prison, des effets de la détention et d’une libération pas assez préparée.

La détention en France

En France, 62 673 personnes étaient détenues dans les prisons au 1er janvier 2021 pour 60 585 places opérationnelles (chiffres DAP ). Notre pays fait partie des États européens dont les prisons sont les plus encombrées. Un record a été atteint en mars 2020 (72 400 détenus) avant les libérations qui ont fait suite à l'épidémie de coronavirus.
Les conditions de détention, jugées indignes, sont régulièrement montrées du doigt et condamnées par les instances européennes.

63 % des sortants de détention sans suivi retournent en prison dans les 5 ans. Tous ces hommes et toutes ces femmes seront un jour amenés à sortir de prison, après avoir purgé leur peine. Quelque soit la durée de leur emprisonnement, ils devront retourner vivre au sein de la société et mettre en place des actions pour éviter la récidive.  
Il est dans l’intérêt de la société qu’ils puissent se réinsérer, notamment par le logement et l’emploi. Mais une telle réinsertion ne se fait pas du jour au lendemain. Pour qu'elle réussisse, elle doit être préparée et accompagnée. Préparée pendant la détention et accompagnée à la sortie. 

Au moment crucial de la sortie, signifié par cette phrase symbolique "Au nom de la loi je vous libère",  chacun d’eux ne devrait plus être réduit à ce qu’il a commis mais être considéré pour ce qu’il est ou pourrait être.

La détention prépare-t-elle à la réinsertion ?

Ces années sous les écrous restent vives dans la mémoire des anciens détenus. 
A l’aide de baguettes posées au sol, Paulo délimite le périmètre de sa cellule où il n’avait pas besoin d’étendre les bras pour toucher les murs. Claude dessine un espace encore plus petit, le mitard. Quand il y était enfermé, il se mettait à marcher de long en large les mains derrière le dos. Jean-Michel se souvient d’une odeur atroce et des rats dont il se méfiait la nuit pour ne pas se faire mordre le visage.

Ces hommes décrivent la prison comme un univers difficile, intenable, où la violence règne.
 

Dans ces lieux-là vous êtes toujours sur vos gardes. La violence est potentiellement permanente. Elle peut être très dangereuse, car soit vous faites peur soit vous avez peur, il n’y a presque pas d’autres solutions.

Jean-Michel

A leur sortie de prison, tous ces hommes doivent faire avec la mémoire de ces conditions de détention : manque d’hygiène, conditions de vie indignes dues à la surpopulation. 

Tous se souviennent qu’à leur libération une partie d’eux est restée enfermée.
La plupart du temps ils n’ont plus de lien avec leurs familles ou leurs amis et personne n’est là pour les accueillir à leur sortie. Très souvent, ils ne sont pas autorisés à revenir dans leur région d’origine. L’adresse d’un SPIP (Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation) en poche, ils doivent revenir à une vie de citoyen avec un logement, du travail, des droits et des devoirs.

Le GARE-BTT (Groupement d'Action et de Recherche sur l'Exclusion - Besançon Tous Travaux)

Même si chaque parcours est unique, tous les anciens détenus qui apparaissent dans ce documentaire ont un point commun. A leur sortie de prison, ils ont été accueillis et accompagnés par une association engagée dans l’accueil des anciens détenus, le GARE-BTT, basée à Besançon. Un organisme rare : dans notre pays, peu d’associations s’occupent de la réinsertion des longues peines.
 

C’est le regard qui change tout et permet de construire avec eux un avenir. Ce changement de regard ne signifie de la complaisance. Ils ont payé leur peine et ont droit à un nouveau départ.

Christian Jacquot co-fondateur du GARE-BTT

L’association GARE-BTT fondée par Roger Gauthier et Christian Jacquot suit les anciens détenus depuis plus de 40 ans. Grâce à ce changement de regard et un accompagnement personnalisé, l’association les accompagne à leur sortie de prison. Elle les aide à se loger, rétablir leurs droits administratifs, prendre en main leur santé, travailler, et ainsi leur redonne espoir dans leur avenir.
 

Tant que ces hommes n’ont rien à perdre le risque de récidive est grand. A partir du moment où ils savent qu’ils ont beaucoup à perdre les choses changent.

Christian Jacquot Co-fondateur du GARE-BTT

La réinsertion par le logement

L’association GARE-BTT dispose de 12 appartements à Besançon permettant l’accueil de 16 à 18 personnes. C’est un élément essentiel à la réinsertion, car s’ils se retrouvent dans la rue, les anciens détenus risquent de récidiver. Cela permet également à certains de bénéficier d’une attestation de logement, sésame indispensable lorsqu’ils sont convoqués par l’administration pénitentiaire.

Jean-Marc, après 12 ans de détention, a été pris en charge par l’association. Il est logé dans un de ces appartements et doit refaire les peintures.
L’association travaille également avec d’autres structures pour accueillir d’anciens détenus. C’est le cas de Dominique, 40 ans de prison, qui est gardien dans un centre omnisport où il bénéficie également d'un logement.

La réinsertion par le travail

Il y a 12 ans, Paulo est sorti de prison ne sachant pas ce qu’il allait devenir. C’est Christian Jacquot qui est venu le chercher et l’a pris en charge. Alors qu’il avait été libéré le vendredi, le JAP (Juge d’Application des Peines) avait exigé qu’il soit au  travail dès le lundi. Une injonction difficile à tenir pour lui.
 

En prison, je suis devenu un spécialiste de la vie en prison mais dehors je ne savais pas vivre du tout, je ne savais pas comment faire.

Paulo

Le travail est un élément important pour favoriser la réinsertion des anciens prisonniers. Mais cela ne peut pas être fait à n’importe quel prix. Pour Christian Jacquot, l’injonction d’une remise au travail immédiate après plusieurs années de détention peut être perçue comme une continuation de la peine. C’est pourquoi le GARE-BTT a fait le choix de s’adapter au rythme de chacun des détenus qu’elle suit.

De plus, tous n’ont pas une santé suffisamment bonne pour reprendre le travail dès leur sortie. Il faut, pour ceux-là, mettre en place un parcours de soin permettant de retrouver une meilleure santé.
C’est le cas de Dominique, placé en maison de correction dès l’âge de 13 ans, dont la santé s’est lourdement dégradée après 40 ans de prison. Christian Jacquot le qualifie de "survivant". Aujourd’hui encore, il reste fragile après avoir subi une lourde opération cardio-vasculaire.
C’est aussi le cas de Jean-Marc sorti à la veille du confinement. Il aimerait travailler dans le bâtiment, mais l’éducatrice préfère attendre qu’il retrouve une meilleure santé pour ne pas le mettre dans "une situation à risque".

Le GARE-BTT possède 3 entreprises où les détenus peuvent être placés aux côtés d’autres personnes qui ne sont jamais passé par la case prison : 

  • BTT bâtiment
  • BTT mécanique
  • BTT tri

On a toujours voulu éviter la "réserve d’indiens" où les anciens détenus ne se retrouvent qu’entre eux, comme en prison.

Christian Jacquot co-fondateur du GARE-BTT

 Après de nombreuses années de prison, Paulo a commencé son parcours professionnel dans l’entreprise d’insertion industrie du GARE-BTT.
 

La référente Pôle Emploi m’avait dit que si le GARE-BTT ne m’employait pas, ce serait personne !

Paulo

Il a commencé comme ouvrier et est devenu, au fil du temps, chef d’atelier et formateur. Aujourd’hui bien qu’à la retraite, il revient toujours sur les lieux pour transmettre son savoir aux plus jeunes. Pour Paulo, le travail a sûrement été un élément majeur de sa reconstruction. Il est un bel exemple de ces hommes qui ont retrouvé un équilibre et le goût de la liberté.

Eric, quant à lui, s’installe dans son propre logement. Il travaille actuellement comme chauffeur à mi-temps. Pour Christian Jacquot, c’est un cas intéressant car Eric a eu une récidive après 13 mois de liberté, mais aujourd’hui il pense qu’il s’en est sorti car il aurait trop à perdre. Cet ancien détenu a trouvé l'amour, ce qu'il ne pensait plus possible après toutes ces années de détention.

Il recommence une vie sentimentale et s’accroche à son travail grâce à l’association. Il a fait le chemin difficile de la libération à la liberté, celui de revenir à la vie.

Le fait de reconstruire quelque chose, ça occupe l'esprit à du bien. Ce n'est que du positif.

Eric

Et pour Claude, de conclure : "Il n'y a pas un jour où je ne me lève pas sans me dire que la vie est belle" !


"Au nom de la loi, je vous libère...", un film réalisé par Nathalie Plicot et co-écrit par Christian Jacquot
Une coproduction France Télévisions, Massala, A Prime Group
La voix off est celle de Bruno Solo

Diffusion jeudi 3 février à 22h55

A voir en replay sur notre page des documentaires


 

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