Comme chaque année, le festival Livres dans la boucle de Besançon a proposé une dictée aux plus courageux. Pour cette édition 2021, ils sont 84 à avoir relevé le défi. Saurez-vous faire aussi bien que les meilleurs d'entre eux ?
C'est en passe de devenir un rendez-vous quasi incontournable du festival des Livres dans la Boucle : la dictée a donné cette année encore des sueurs froides à ceux qui ont osé s'y mesurer.
Daniel Picouly et Carole Martinez avaient notamment imaginé les dernières éditions. Cette fois-ci, c'est l'autrice Estelle-Sarah Bulle qui a conçu le casse-tête grammatical et orthographique. Un texte particulièrement ardu, qui a donné du fil à retordre aux 84 participants : le meilleure d'entre eux a tout de même fait 10 fautes, quand la gagnante de l'année dernière s'en était tirée avec trois fautes seulement.
Les lauréats sont donc Michel Haag, qui a fait 10 fautes et remporte un stage par le CLA, Joëlle Cailleaux, qui a fait 11 fautes et gagne des chèques cadeaux pour une valeur de 200 euros en librairie, et Olivier Monnin, qui remporte des chèques cadeaux pour une valeur de 100 euros valables en librairie.
Le corrigé de la dictée 2021
Attention.... Si vous voulez tenter de la faire, demandez à une autre personne de la lire ! Les mots soulignés ont été "neutralisés", c'est-à-dire que parce qu'ils ne figurent pas dans les éditions 2022 du Petit Robert, Petit Robert des noms propres et Petit Larousse illustré, aucune faute n'est décomptée sur leur orthographe.
Voici donc la dictée :
Le bal des chausse‐trapes*
Ce fut une soirée consacrée à la danse. Nous ignorions tout des pas et du programme, mais l’endroit au bord de la mer, éclairé par de simples lamparos et, au zénith, par la constellation de Céphée , nous attira irrésistiblement. Comme on nous demandait si nous souhaitions participer au bal, nous acquiesçâmes et suivîmes notre hôtesse jusqu’à la piste entourée par l’orchestre : joueurs de bendir, de cornet à bouquin, souffleurs* de sacqueboute*, frotteurs* de guiro et un crooner au timbre de larigot.
Sous ces latitudes, entre archipel des Lucayes et Suriname*, nous nous attendions à gambiller sur un air de bèlè, un compas haïtien ou une kadans martiniquaise. Au lieu de cela, introduit par un thrène cyclothymique, l’orchestre entonna une tarantelle styrienne qui nous obligea à faseyer sans orgueil entre les tables.
Comme pour nous déboussoler davantage, les croque‐notes poursuivirent avec un kazatchok qui nous réduisit à un tournoiement de bon aloi. Nous tanguâmes sur cette mélopée ruthène comme si nous étions ivres, non pas de schrub vanillé*, mais d’amer retsina. Pourtant, c’était bien à des ti‐punchs trempés de chérimole sucrée que nous devions notre gaîté*.
Lorsqu’un guitariste saisit une râpe tricentenaire pour tricoter une bossa‐nova, ce fut comme si Nikita Khrouchtchev cédait la place à Juscelino Kubitschek dans la farandole des antiennes nationales. Nous dansâmes encore et encore, fronts*, paupières et philtrums étoilés, enchaînant rondos*, sardanes et reggaes* jusqu’à l’aube, où notre état de fatigue nous poussa à brailler des imbécillités aux cieux pâlissants*.
Enfin, la lune gibbeuse se délita. Les autres astres circumpolaires annonçaient un matin rafraîchi par les alizés. En matière de danse*, nous étions désormais laïques* : nous avions tâté de tous les ballets, unis en un millefeuille* chorégraphique. Saouls* et harassés, nous n’étions plus que des pantins incapables de raisonner.
Nul n’aurait plus su dire s’il était natif d’Érythrée ou de Champagne‐Ardenne. Alors, notre hôtesse ordonna à ses sycophantes de nous entasser dans des gommiers qui servaient d’ordinaire à pêcher d’étiques vivaneaux. Incapables de renauder, nous nous sommes laissé faire.
Estelle‐Sarah Bulle
* Variantes acceptées : chausse‐trappes, souffleur, saqueboute, frotteur, Surinam, vanillée, gaieté, front, rondeaux,
reggae, pâlissant, danses, laïcs, mille‐feuille, Soûls.