Besançon : Marine Saugeon bientôt sur les sommets du mont Olympe, en Grèce, contre la sclérose en plaques

Le 30 mai est la journée mondiale de la sclérose en plaques. Marine Saugeon est atteinte de cette maladie, depuis 2006. La Bisontine de 33 ans doit traverser en septembre 2021, les 55 sommets du mont Olympe, en Grèce. Son but : sensibiliser sur la maladie et ses conséquences.

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Pour Marine Saugeon, c’est bientôt l’heure de tutoyer les 55 plus hauts sommets du massif de l'Olympe. Cette habitante de Besançon a de nouveau rendez-vous avec les montagnes de Grèce. En 2019, elle s’est déjà lancée dans l’ascension de l’un de ces sommets, le pic Mytikas, situé à 2.900 mètres. Elle concède ne pas vraiment s’y être préparée, à l'époque. Une crise de douleur la secoue d'ailleurs, la veille de son aventure.

Ce n’est pas le cas, cette année : Marine se prépare depuis plusieurs mois, aussi bien moralement, avec l’aide de ses proches et des équipiers qui l’ont soutenue la première fois, que physiquement, grâce à José, un préparateur physique de Besançon. Ses objectifs sont doubles. L'un est symbolique : elle veut "gravir autant de sommets, qu’il y a de préjugés et de symptômes invisibles sur la maladie". L'autre est physique : "montrer qu'il n'y a pas de limites", donc montrer que la sclérose en plaques ne l'empêche de faire cette activité très physique. 

Un détail à l'origine de l'ascension

Cette idée de gravir les sommets, Marine la doit à une des camarades de sa première ascension, en août 2019. Elle s'appelle Monika. Cette Slovaque gère une boutique d'équipements sportifs, dans la ville de Litochoro (Grèce). C'est une des villes situées au pied du mont Olympe. Cette année-là, Marine fume encore. Après cette première ascension, Monika lui offre un briquet sur lequel est inscrit "55 peaks" (NDLR : 55 sommets, en français). La Bisontine se méprend : "En 2019, j'étais fière de dire à Monika que j'avais déjà gravi l'un des sommets, le pic Mytikas : je pensais qu'il m'en restait quatre à faire. Monika m'arrête : non, il y en a 55, c'est marqué dessus, pas 5 !" Marine reconnait son erreur. Sa camarade de route lui demande ensuite si elle compte traverser les 55 sommets, par SMS.

Pour Marine, pas d'hésitation : "je voulais finir ce que j'ai commencé, mais est-ce que j'en suis capable ?" Monika lui répond : "definitely, yes" (NDLR : "oui, absolument"). Le projet peut enfin prendre forme. Il faut réfléchir à la date : c'est finalement pour septembre 2021. "J'ai choisi le mois de septembre, parce que ça m'est plus favorable. Il n'y a pas trop de neige. En juillet et en août, il aurait fait très chaud. Quand j'ai fait mon ascension précédente, en août 2019, il faisait 40 degrés au sol et 8 degrés au sommet. J'ai pu faire mon ascension, mais j'ai été alitée pendant deux jours, par la suite. La chaleur produit chez moi le syndrome d’Uhtoff, qui me provoque des symptômes qui ressemblent à ceux de ma sclérose en plaques : des douleurs à l'œil, aux jambes et aux bras". 

Son parcours vers les 55 sommets du mont Olympe est long de 110 kilomètres, dont 9 entièrement en dénivelé. Une performance de taille, pour celle qui vit avec la sclérose en plaque depuis ses 18 ans. "Il y a quinze ans, j'étais en fauteuil roulant, puis en béquilles, avant de pouvoir n'avoir qu'une seule et unique canne. Les médecins me disaient de me préserver, me conseillaient de ne pas faire de sport. Je les ai suivis, car j'avais peur de faire mal à mon corps. Le moindre effort que je faisais à l'époque pouvait m'épuiser, pendant des jours ou des semaines. J'avais l'impression d’être comme dans un jeu vidéo, avec les vies limitées", se souvient Marine. 

Elle se permet ce défi, car elle s'estime sevrée de son traitement médicamenteux, depuis un an. Elle se défend de toute propagande anti-traitement, mais s'est faite la réflexion "d'écouter son corps". S'écouter autant quand ça va bien, que quand ça va mal. "J'ai des douleurs atroces tous les jours, mais je peux gérer la douleur de façon suffisante pour ne pas prendre les traitements", se justifie-t-elle. Résultat : Marine estime que ses conditions lui permettent tout de même de faire cette expédition au sommet. Ses médecins se montrent plus prudents, selon la Bisontine. "Les médecins me disent avoir réservé une place en centre de rééducation, persuadés que je vais rentrer dans un état déplorable", rappelle la jeune femme. Malgré ce pronostic, Marine ne renonce pas à son projet.

Dans son ascension, ils seront trois ou quatre, selon les étapes : "Il y aura Michiel, un "ultra runner" néerlandais, fondateur de cet itinéraire, habitué à courir de longues distances en dénivelé, et un guide de haute montagne, pour la sécurité. Mon conjoint sera là aussi sur une partie de mon parcours, sans oublier Jessy, mon compagnon à 4 pattes". Les sacs à dos des équipiers vont contenir un équipement léger, afin de réussir cette traversée. "J'aurai une tente, un micro-matelas, quelques aliments lyophilisés", explique Marine.

Peu de place donc, y compris pour "son ours en peluche", ironise l'exploratrice. Un problème qui reste mineur, comparé à celui du ravitaillement en eau. "On ne sait pas encore comment ça va se faire, ni l'endroit où ça pourra se faire", ajoute Marine. Ils seront suivis dans leur périple, grâce à un traqueur GPS. Ce capteur permettra de les localiser et pour les internautes, de suivre leur avancée en temps réel, sur les réseaux sociaux. 

Recherche avancée pour une maladie redoutable

En dehors de sa future traversée des 55 sommets de l'Olympe, le quotidien de Marine est parfois difficile. Ses symptômes sont importants : "J'ai des douleurs aux jambes, aux bras et aux cervicales, sans compter les troubles visuels, les vertiges et les troubles urinaires". Ce qui la dérange surtout, ce sont les pertes de mémoire immédiate que la maladie peut aussi entraîner : "Quand je suis en train de parler, si on me coupe la parole, il m'arrive de ne plus me souvenir de ce que j’étais en train de dire".

Autre gêne qui touche la jeune femme : les problèmes respiratoires. "Il y a aussi une faiblesse des muscles respiratoires. A force de devoir forcer ma respiration, cela finit par bloquer certaines de mes vertèbres et de mes côtes. Mon kinésithérapeute a dû les remettre en place, d'où l'importance de trouver un bon praticien, car il m'est d'un grand secours dans cette situation", se souvient Marine.

La jeune femme n'est pas la seule à être atteinte de cette maladie, dans la région Bourgogne-Franche-Comté. "Le taux de prévalence de la sclérose en plaques pourrait atteindre 150 cas pour 100.000 habitants, dans la région", selon le docteur François Ziegler, chef de service de Neurologie au Groupement Hospitalier de Haute-Saône. 

Ce membre de l'association franc-comtoise Clifransep, qui vise à améliorer la prise en charge des patients atteints de la maladie, s'appuie sur les dernières données de 2018. Il s'agit d'un des taux les plus hauts, si on le compare à d'autres régions françaises, d'après le professionnel de santé. Par comparaison, 100.000 personnes sont touchées au niveau national, et 2,5 millions de malades sont recensés dans le monde.

La sclérose en plaques, une maladie qui touche le plus souvent les femmes

"Deux tiers des cas concernent les femmes, et l'autre tiers les hommes", explique le docteur Ziegler. Elle se déclare en majorité entre 20 et 40 ans, surtout dans les populations de type caucasiennes, et majoritairement en Europe. Plus précisément, "le nombre de malades est plus important dans les pays à forte descendance Viking, comme l'Islande, la Suède, la Norvège ou encore la Finlande, et on retrouve aussi cette tendance en faveur d'une composante génétique, au Canada", selon ce même spécialiste. 

Il existe d'autres facteurs qui peuvent jouer dans l'apparition de la maladie. "Le fait d'avoir été en contact avec le virus d'Epstein-Barr, responsable entre autres de la mononucléose infectieuse (appelée aussi "maladie du baiser"), une maladie courante durant l'adolescence, ou encore le fait d'avoir des carences en vitamine D, favorisées par un ensoleillement insuffisant", détaille notamment le docteur Ziegler. 

Les populations des pays du Nord ont par ailleurs un meilleur niveau d'hygiène. Le contact avec les agents infectieux tels que les virus, surviennent plus tard, au cours de la vie. Ce qui pourrait expliquer que l'on trouve plus de cas de sclérose en plaques, dans ces pays. En revanche, dans les pays à moindre niveau d'hygiène, "les infections surviennent en bas âge, provoquant moins d'auto-immunisations", relève le docteur Ziegler.

En clair, un contact au plus tôt avec les agents infectieux permet de familiariser le système immunitaire. Cela évite que ces agents, pour certains dotés de caractères communs avec la myéline (NDLR : la gaine entourant les nerfs, parfois dégradée par la sclérose en plaques), ne s'attaquent justement à celle-ci. 

"La maladie provoque plus de handicap que de décès"

La maladie n'est que rarement mortelle, mais elle peut être très handicapante pour les malades. "La maladie provoque plus de handicap que de décès", expose le docteur Ziegler. Les décès directement imputables à la maladie sont exceptionnels. "Il y a eu des formes malignes faisant que certains patients succombent, au bout de quelques années, mais cela est rare", explique le praticien hospitalier. En revanche, les handicaps à long terme sont importants : paralysies ou encore troubles cognitifs, c'est à dire touchant notamment à la mémoire.

Il existe cependant des espoirs. Le mécanisme d'action de la maladie est connu : c'est une affection auto-immune. En clair, "les cellules du système immunitaire des patients s'attaquent à elles-mêmes", détaille François Ziegler. Il existe des traitements médicamenteux qui permettent d'atténuer ce phénomène.

"Les immuno-suppresseurs, comme l'Ocrelizumab, permettent de détruire de façon sélective les cellules fabriquant des anticorps. Cette réduction fait que ces anticorps s'attaquent donc moins aux neurones et aux cellules. Les traitements immuno-modérateurs, quant à eux, modulent l'immunité. Ils ne la détruisent pas mais changent le fonctionnement des cellules immunitaires", expose le docteur Ziegler. 

Ces traitements sont donnés selon les critères d'âge du patient, mais aussi de la sévérité de la maladie. Ils se présentent sous la forme de comprimés ou d'injections. Pour pouvoir les administrer, il faut d'abord que le diagnostic de la maladie soit établi. Cela se fait par le biais d'un entretien entre le médecin et son patient, puis par l'examen de la moelle épinière et du cerveau par IRM (imagerie à rayonnement magnétique). Il y a éventuellement une ponction lombaire (un prélèvement effectué dans la partie basse du dos). Ce n'est qu'à l'issue de tout cela, que sont proposés les immuno-suppresseurs ou les immuno-modérateurs. Ils ont plusieurs objectifs : "faire en sorte qu’il n’y ait ni nouvelle poussée de la maladie, ni progression du handicap, ni dégradation à l'IRM", justifie François Ziegler. 

L'action de ces traitements, conjuguée au suivi tout au long de la vie par le neurologue font que l'on "arrive à maintenir certains patients sans handicap, grâce aux traitements modernes", énonce François Ziegler. Une avancée de taille, d’autant que ces dernières années, la sclérose en plaques est devenue la première cause de handicap chez les sujets jeunes.

 

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