Brique par brique, ils vont reconstruire Besançon en 1722 sur Minecraft, le fantastique chantier coopératif de ces fans de jeux vidéo

Le projet s'appelle "Besacraft" et il est ouvert gratuitement à tous les bâtisseurs amateurs. Nicolas Jeudy propose de reconstituer dans l'univers de Minecraft la capitale comtoise telle qu'elle était au XVIIIe siècle. Un incroyable défi pour petits et grands enfants, férus de jeux vidéo ou non.

Le chantier est gigantesque. "C'est vrai que cela peut prendre du temps", sourit derrière sa barbe Nicolas Jeudy. Mais pas de quoi effrayer l'informaticien de 46 ans. Il est joueur depuis toujours et il aime les défis. "Je suis né avec l'ordinateur, j'ai commencé avec Pong, le tout premier des jeux vidéo, et quand j'étais étudiant, j'ai été l'un des premiers à prendre une licence à vie Minecraft pour quelques euros, avant même sa sortie, pour aider au développement du jeu", raconte-t-il à France 3 Franche-Comté.

Besançon en 1722

C'est lui qui a imaginé et conçu "Besacraft". L'objectif est de reconstituer fidèlement, dans l'univers du jeu vidéo Minecraft, la ville de Besançon (Doubs) telle qu'elle était précisément en 1722, une fois fortifiée par Vauban.

C'est en voyant le plan-relief qui se trouve au Musée du Temps que j'ai eu l'idée. Je me suis dit que ce serait vraiment intéressant de pouvoir s'y promener librement, d'en mesurer la vraie échelle, d'avoir une vraie représentation des remparts. Et Minecraft permet justement de le faire.

Nicolas Jeudy, concepteur de "Besacraft".

Un jeu coopératif

Il a donc créé un serveur dédié. L'accès y est totalement gratuit. Il a aussi préparé soigneusement le terrain. Une vingtaine d'heures de travail déjà pour redessiner la topographie exacte de la Boucle sur six kilomètres carrés. Mais la partie est loin d'être gagnée d'avance. Dans le jeu, les blocs font seulement un mètre par un mètre."Ça ressemble à du Lego, mais il faut apporter toutes les ressources sur place, les matériaux et les outils, parce qu'au début, il n'y a rien, il faut aussi monter des échafaudages quand c'est trop haut et il faut surtout nourrir les bâtisseurs donc leur apporter à manger", ajoute Nicolas Jeudy qui a volontairement compliqué la tâche.

Depuis Le 97, le tiers-lieu de Battant où il œuvre au quotidien, organise notamment des animations pour les plus jeunes, il se bat en effet pour remettre du ciment entre les habitants du quartier.

Ce qui m'intéresse, c'est de recréer du lien, d'aller chercher les gens en vrai, les enfants, les adolescents, les parents, et de les faire jouer, travailler, apprendre ensemble grâce au jeu vidéo.

Nicolas Jeudy, concepteur de "Besacraft".

Voilà pourquoi le projet sera surtout coopératif. "Le but, c'est de rompre avec ces jeux où il faut être le plus fort, le meilleur, le plus riche, précise-t-il. Il y aura en fait deux dimensions : un premier espace imaginaire où on jouera de façon classique mais où l'on pourra aussi contribuer à fabriquer les ressources nécessaires au deuxième lieu qui est celui de la reconstitution historique de Besançon."

L'architecte de ce petit univers virtuel espère aussi que les habitants de Besançon vont s'emparer de "Besacraft" pour redécouvrir leur histoire et leur patrimoine grâce à ce grand jeu de construction. "On va déjà essayer de monter les remparts, de refaire les contours de la ville, le pont Battant, la Citadelle et seulement après, on fera les maisons", indique Nicolas Jeudy. Mais, apparemment, le malicieux informaticien a encore bien des surprises en réserve.

Premières pierres à Ludinam

Les curieux pourront en tout cas faire la connaissance de "Besacraft" au festival Ludinam, organisé par le Collectif LUdique Bisontin du 3, 4 et 5 mai 2024. "On espère pouvoir construire en deux jours la Porte Royale qui fermait la ville devant le Pont Battant, à l'entrée de la Grande Rue, explique Nicolas Jeudy devant le plan de l'édifice qu'il a retrouvé aux Archives départementales. Il faut convertir les dimensions qui sont en toises et trouver des joueurs pour le faire."

Il y aura six ordinateurs sur place, branchés en réseau, pour inviter les visiteurs à se lancer dans l'aventure et commencer à poser les premières pierres. "On verra si cela intéresse les gens et s'ils sont prêts à se mettre au travail !', confie Nicolas Jeudy. 

Le principe du "bac à sable"

C'est le jeu vidéo le plus vendu au monde. Il s'est vendu à 238 millions d’exemplaires. Minecraft a été imaginé par un développeur suédois, Markus Persson. Il a conçu le programme en une semaine à peine, chez lui, sur son temps libre. La première version de Minecraft est sortie le 17 mai 2009 et le succès a été immédiat. Moins d'un an après, le jeu avait déjà été téléchargé 6 millions de fois grâce au bouche-à-oreille sur les réseaux sociaux.

Le principe de Minecraft est celui d'un jeu "bac à sable" ou "Sandbox" en anglais. Il plonge le joueur dans un univers composé de cubes ou "voxels" qui représentent différents matériaux comme de la terre, du sable, de la pierre, de l'eau, de la lave ou des minerais (fer, or ou charbon). Ces cubes forment des montagnes, des cavernes, des arbres ou vont servir à élever des constructions.

Le joueur peut modifier cet ensemble à volonté en ajoutant ou supprimant des blocs. Et même si le graphisme du jeu est assez rudimentaire, certains ont réussi à y recréer des paysages réels, des villes entières ou des monuments célèbres avec une étonnante précision : la Tour Eiffel, le Taj Mahal, le Vatican, la ville de New-York ou encore le Titanic. Depuis 7 ans, par exemple, un joueur connu sous le pseudo de Zedh74 et trois autres de ses compagnons, reconstituent progressivement et avec minutie toute la ville d'Amiens. Il y a quelques années, un jeune paysagiste de 20 ans a, lui aussi, entrepris le même chantier dans la cité girondine.

De nombreux joueurs partagent aujourd'hui leurs créations sur YouTube. Un créateur nommé Dream a ainsi gagné près de 32 millions d’abonnés uniquement grâce à des vidéos de lui en train de jouer à Minecraft ! En 2022, Emmanuel Macron avait créé la surprise en faisant aussi campagne pour la présidentielle sur Minecraft. Markus Persson a vendu son entreprise à Microsoft en 2014 pour un montant de 2,5 milliards de dollars.